Vente de biens et de produits en ligne: Une activité non réglementée

Vente de biens et de produits en ligne: Une activité non réglementée

La chasse aux marchands ambulants et aux vendeurs à la sauvette est menée quotidiennement sur les artères des villes algériennes, au motif de ne pas payer d’impôts qui feront profiter les caisses publiques et par là même contribuer au redressement économique.

Seulement, un autre marché, informel aussi et beaucoup plus florissant, semble passer sous le nez de l’Etat : la vente en ligne. On n’arrête pas le progrès, et c’est ainsi que la révolution «internet» bouscule les habitudes traditionnelles du commerce algérien. Rien que sur Facebook, des centaines de pages proposent divers produits allant des articles de vêtements, de chaussures, de maquillage et d’accessoires aux promotions immobilières, véhicules et voyages, le tout à des prix parfois exceptionnels. Les clients n’ont plus besoin de mettre le nez dehors, ni de devoir faire le tour de toutes les boutiques pour dénicher le meilleur produit. Pas besoin, non plus, d’être un génie en informatique, il suffit juste d’un clic et d’un compte Facebook et vous voilà plongés au cœur d’un rayon de magasin virtuel.

Si pour l’instant les sites officiels de vente, à l’instar de Ouedkniss, ne sont pas nombreux, les pages créées sur le réseau social «Facebook» poussent comme des champignons suivant le rythme du nombre d’internautes qui augmente chaque jour. Les propriétaires des pages facilitent au mieux la vente de leurs produits en divulguant à leurs clients de nombreux comparateurs de prix (ils affichent le prix d’achat et celui de la vente). Ils proposent en outre des réductions qui permettent aux consommateurs de trouver des produits moins chers que ceux affichés dans des boutiques classiques.

Les prix en ligne des vêtements pour femmes sont inférieurs de près de 20% à la moyenne du marché. L’écart est encore plus important sur le marché masculin, avec des prix moyens inférieurs de 30%. Pour les enfants, les prix des achats en ligne sont également plus bas que la moyenne du marché, en raison de la moindre présence de boutiques de vêtements pour les bambins. Les deux catégories de produits les plus achetés en ligne sont en majorité des vêtements (les grandes tailles souvent disponibles) et les chaussures. Des vestes en cachemire, des blousons en daim ainsi que des tops (pulls) et des pantalons sont, à titre d’exemple, proposés à des prix défiant toute concurrence, allant de 500 DA à 3000 DA. Deux pyjamas neufs de 5 pièces à 2000 DA chacun alors que dans les magasins, ils coûtent 3000 DA. On y trouve même des tenues de fête à vendre ou à louer. A titre d’exemple, la page «tenues traditionnelles» propose des caftans en location entre 3000 et 5000 DA, tandis que dans les magasins, ces tenues ne sont pas cédées à moins de 10 000 DA la journée. Des robes de soirée d’occasion sont cédées à des prix abordables ne dépassant parfois pas les 5000 Da alors qu’elles coûtent pas moins de 20 000 Da.

Autant de vendeurs, de clients et des capitaux qui circulent sur le net sont estimés à une quantité non négligeable qui devrait attirer l’attention des pouvoirs publics en constante recherche de moyens de faire rentrer des fonds en dehors des hydrocarbures.

Un business dangereux ?

Ce business qui ravit de nombreux internautes peut-être considéré une arme à double tranchant. D’abord, en un laps de temps très court, cette formule de vente a fait de l’ombre aux boutiques classiques, au grand dam des commerçants. Ils se plaignent déjà de «l’illégalité» de ces ventes car, disent-ils, les vendeurs sur le net ne paient ni impôts ni loyer. Certains d’entre eux ont d’ailleurs préféré baisser rideau et ouvrir des comptes Facebook pour vendre leurs produits à leur tour. D’un autre côté, rien n’est vraiment sûr à travers le net sans une législation qui peut justement protéger et les acheteurs et les vendeurs. Des personnes peuvent créer facilement de faux profils pour faire croire aux internautes qu’ils ont des articles à vendre. Au moment de la transaction qui se fait sur rendez-vous, ces pseudo-vendeurs peuvent attirer leurs proies dans des endroits isolés pour les agresser et les dépouiller de leurs biens. C’est également un espace propice à la vente d’objets volés. Les délinquants qui trouvent, en effet, des difficultés pour vendre ce qu’ils volent recourent souvent aux réseaux sociaux.

Ali Kahlane, expert en TIC «Tant qu’une loi n’est pas promulguée, l’informel continuera de s’exercer»

Le Temps d’Algérie : le e-commerce est en pleine expansion, mais toujours pas réglementé. pourquoi ?

Ali Kahlane : La nouvelle loi sur le commerce en ligne soumise au gouvernement attend encore de voir le jour. Celle-ci qui devra encadrer la relation entre le commerçant et le client dans le monde virtuel se propose de protéger les deux parties à travers des dispositions de loi. Mais dans cette loi, le grand problème est que ni le client ni le fournisseur ni les banques d’ailleurs ne sont protégés dans le circuit. Il n’y a pas d’assurance, il n’y a pas de prise en charge. Il faut des lois. Les fausses cartes de crédit, le faux e-marchands, seul un encadrement juridique peut lutter contre.

En octobre dernier, l’e-paiement a été lancé. Mais cela ne s’est fait qu’avec les grands facturiers soit étatiques soit privés. Mais les lois qui devaient accompagner ce lancement ne sont toujours pas mise en vigueur. Ce n’est pas du jour au lendemain que la Sonelgaz par exemple va disparaître mais pour le moment, on ne sait pas comment les choses vont se faire dans le cas où il y a un souci.

L’Etat est-il perdant en tardant à rendre formelles ces ventes en ligne ?

Les ventes en ligne vont encore continuer d’exister à l’ère des nouvelles technologies. Ces affaires vont être encore faites en catimini. Il n’y a d’ailleurs pas de raison pour que ces vente cessent, d’autant qu’elles sont très florissantes pour les vendeurs et très avantageuses pour les acheteurs, à voir les prix auxquels les produits sont proposés. Mais sans ces lois, sans encadrement, c’est tout le monde qui est perdant, l’Etat en premier. Les structures qui sont capables de faire du travail formel et régulier sont également perdantes dans cette histoire puisqu’elles ne pourront pas prendre leur part sur ces rentes.