L’informel a encore de beaux jours devant lui
L’inconscience des citoyens et le laisser-aller des autorités, encouragent ce genre de pratiques illégales.
A chaque Ramadhan c’est le même décor! Rues, ruelles et trottoirs sont squattés par des jeunes «saisonniers». Encore et toujours, c’est la vente de produits très sensibles, touchant directement à notre santé, à savoir les produits alimentaires périssables qui est l’activité la plus prisée par ces commerçants informels.
En effet, malgré les innombrables promesses du ministre du Commerce, Mustapha Benbada, de mettre fin à l’informel, la situation reste en l’état! Les métiers du Ramadhan ont, comme par enchantement, refait leur apparition. Comme à chaque mois sacré, les trottoirs de la capitale sont envahis par des centaines de «nouveaux métiers».
Ces petits boulots du Ramadhan sont exercés par des jeunes sans aucune formation dans le domaine et qui ne respectent pas les normes élémentaires d’hygiène et de conservation des produits proposés. Inconscients du danger qu’ils font courir à leurs clients, ces jeunes, en revanche, ne manquent pas d’ingéniosité, et surtout d’esprit novateu…
Bourek et poisson cuit, chorba, pain en tous genres… tout y est sur les trottoirs. Toutefois, les stars de ce mois ne sont autres que les kalbelouz, la zlabia et tous genres de gâteaux, très prisés après le f’tour. Toutes les artères de la capitale fourmillent d’ailleurs, de vendeurs occasionnels de «zlabia et kalbelouz», des confiseries proposées avec un supplément de «mouches ou d’abeilles».
Et quand ils ne sont pas vendus sur les étals clandestins qui squattent les artères de la ville, ce sont les épiciers, les fast-foods, marchands de légumes… qui se mettent de la partie. Ils se transforment, le temps d’un Ramadhan, en confiseurs.
Le plus grave, c’est que des gérants de taxiphone, les vulcanisateurs, cordonniers…enfin, tous ceux qui disposent d’un local, prennent le train en marche. Là aussi, les conditions d’hygiène sont inexistantes. Mais ce qui est le plus dangereux pour la santé publique, ce sont tous ces produits dits «périssables» qui sont vendus sur la voie publique. La «cherbet», une boisson très sensible et qui devrait être pasteurisée, en est le parfait exemple. Elle est préparée dans des bidons à l’hygiène douteuse, en plus d’être exposée toute la journée sous un soleil de plomb. Cette boisson traditionnelle est vendue dans des sachets de congélation.
La chaîne du froid n’est absolument pas respectée. Même les boureks sont vendus dans des conditions similaires. Des jeunes proposent des boureks prêts à être consommés. Ces boureks sont farcis à la viande hachée ou au poisson (qui sont des produits très sensibles). Ils sont préparés et vendus sur la chaussée sans le moindre respect des normes élémentaires d’hygiène.
Changement de décor…
Comme une pièce théâtrale digne de celle de Broadway, après le f´tour, le décor change comme par miracle. Certains de ces marchands reprennent leur activité normale de gardien de parking.
Ces jeunes ont ainsi choisi les alentours des mosquées pour racketter les automobilistes.
Incroyable mais vrai! Pendant que certains prient, d’autres y tirent profit. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, au grand dam des fidèles qui se voient obligés de se plier à la volonté…des gardiens de parking. Les jeunes algériens ont donc adapté leur «job» au mois de Ramadhan.
De jour comme de nuit, les vendeurs à la sauvette ne ratent pas une occasion pour se remplir les poches. Par ailleurs, d’autres marchands de la journée se transforment durant la nuit en vendeurs de glaces ou en chouwaï (rôtisseurs). Ils écument les trottoirs et proposent des brochettes de viande et des glaces d’origine suspecte et sans la moindre traçabilité. Djemaâ fait partie de ces rôtisseurs.
Depuis plus de 6 ans, il s’adonne à ce métier qui semble lui rapporter gros. «J’ai même des clients fidèles qui m’appellent au téléphone pour commander des sandwichs de brochettes qu’ils consomment pour le S’hour», rapporte-t-il. Il n y a pas un quartier qui ne soit pas enfumé par ces nouveaux barbecues. Néanmoins, il ne faut pas oublier le danger que représente cette forme de bouffe.
La provenance reste inconnue, tout comme la garantie du respect de la chaîne du froid. Ces produits sont, le moins que l’on puisse dire, à très haut risque d’intoxication qui peuvent conduire directement au cimetière.
Les citoyens et les autorités mis à l’index
Les citoyens creusent donc leur propre tombe en achetant des aliments dans ce genre d’endroits où l’hygiène n’est pas respectée. Ce sont eux qui, avec ce comportement, encouragent la prolifération de cette pratique illégale. Mais pourquoi autant d’inconscience? «Les prix!» répondent la plupart des citoyens.
Ils expliquent qu’«ils sont plus abordables sur les trottoirs, et avec nos salaires de misère, c’est tout ce qu’on peut se payer».
La réponse d’un père de famille résume à elle seule la situation: «Vous voulez que je ne mange pas? C’est tout ce que mes moyens me permettent. «Elli mayaqtèlche isamane» (ce qui ne tue pas, fait grossir), donc je prends le risque». Malgré cela, comment peut-on jouer ainsi avec notre santé et celle de nos enfants? Et le rôle des autorités dans tout cela?
Que fait le ministère du Commerce, censé protéger son pays et sa population? Car, non seulement ces commerces informels menacent la santé publique, mais aussi nuisent gravement à l’économie du pays. C’est pareil chaque annéeet cela sans que personne ne réagisse.
A tel point que les gens s’interrogent sur le rôle de ce ministère qui semble devenu celui de l’informel! Le retour de la zlabia, du kalbellouz et de la cherbet, tous «atomiques», accompagnés de la chaleur du mois de juillet ne laisse rien présager de bon! Le danger guette les consommateurs à chaque coin de rue…