La cité Bois des pins était plongée dimanche soir dans l’obscurité après une rude journée marquée par de violents affrontements entre ses habitants et les forces de police. L’éclairage public est inexistant et la rue est éclairée par la lumière diffuse des fenêtres.
Il était 23 h et des centaines de vieux et moins vieux se sont rassemblés devant le petit estaminet pour déguster du thé et faire le point sur la situation. Les habitants de ce quartier s’opposent à la destruction d’un petit bois mitoyen à leur cité et la réalisation à sa place d’un parking automobile à étages.
«Aucun des citoyens ne veut utiliser la violence, mais devant la provocation des policiers, nos jeunes sont prêts à adopter des mesures extrêmes», diront des vieux sages regroupés autour du porte-parole du comité des sages, Abdelghani Mehani.
Ils affirment que «suite aux affrontements, les policiers qui ont élu refuge au sein d’une école primaire jouxtant la cité ne cessent de provoquer les locataires et de mettre la pression». Nous apprendrons que six personnes ont été interpellées durant la même nuit. Les affrontements étaient au cœur des conversations des groupes qui s’étaient rassemblés çà et là.
«Il est tout de même absurde qu’un projet pareil ne réponde pas à la réglementation», fulmine un vieux qui ajoutera que «dans tous les projets, il est d’usage de procéder par étape : il y a d’abord l’enquête comodo incomodo, puis progressivement on entame une étude du sol à partir de laquelle le projet est étudié par le bureau d’études (architecture,
voirie et autres, électricité, béton, descriptif, estimatif, etc.), parallèlement et pendant que l’étude est finalisée et agréée par les organismes de contrôle, on clôture le terrain et on procède à l’installation de plaques portant toutes les indications relatives au projet (nature du projet, nom du maître de l’œuvre et le nom voire le nom du maître de l’ouvrage).
C’est comme cela que l’on procède en Algérie, conformément aux textes et à la réglementation. Ami Smaïl s’emporte et s’interroge : «Pourquoi ce projet n’a pas de plaques indicatrices comme cela se fait ailleurs ?» Et un autre vieux de répondre :
«Tout simplement parce que ce projet que l’on veut faire passer comme une utilité publique appartient sûrement à des personnes influentes qui veulent construire des locaux commerciaux tout en prétextant la construction d’un parking à étages.
De surcroît sur un terrain appartenant à un privé, ce qui, par conséquent, s’appelle une expropriation.» Durant les conversations, le ton monte lorsqu’on évoque les propos obscènes des policiers et les attitudes irrespectueuses qu’ils ont adoptées en direction des femmes.
«Je ne comprends pas pourquoi les policiers ont dévasté les immeubles et nourrissent autant de haine envers les habitants, ni pourquoi ils ont sciemment défoncé des portes des habitations et détérioré les installations électriques et autres.
Les forces coloniales n’en auraient pas fait autant», se sont indignées des personnes âgées. Un groupe de jeunes révoltés par la tournure des événements a averti qu’ils ne «veulent pas verser dans la violence, mais s’ils persistent dans leurs démarches,
nous opterons pour des actions extrêmes». Le ton était donné et la plupart des personnes résidant au sein du quartier ont souscrit au mot d’ordre lancé par les sages qui appellent au calme. «Nous avons confiance en la justice et nous sommes certains d’obtenir gain de cause.» Les habitants sont résolus à s’opposer à la construction de ce projet dont la démarche leur semble étrange.
Par D. Mentouri