Veille réglementaire sur les transferts en devises : Les explications du ministère des Finances

Veille réglementaire sur les transferts en devises : Les explications du ministère des Finances

Un comité, composé de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, de représentants de la Banque d’Algérie et de la Communauté bancaire (Abef), a été créé, il y a quelques jours, pour surveiller le mouvement de fonds vers l’étranger. Certains experts ont réagi à cela, soulevant la possibilité d’une interférence avec les compétences de la Banque centrale.

Cependant, une source du ministère des Finances, citée par l’agence APS, a essayé hier de faciliter la communication et de tirer au clair tout malentendu, en affirmant qu’il n’y a rien de cela dans la mise en place de cet organe. Et d’ajouter : « Il ne s’agit en aucun cas d’un organe de contrôle, créé pour se substituer au contrôle exercé par la Banque d’Algérie dans le cadre de ses prérogatives légales. Il est, nullement question d’entraver les prérogatives de cette institution ». Le Comité doit se réunir régulièrement pour observer l’évolution des flux des transferts en devises et de la balance commerciale. Il établit un rapport qu’il présente au ministère des Finances pour être ensuite transmis au Premier ministre. Il n’a toutefois pas le droit de prendre de décisions, sa mission étant limitée à la veille.

Le ministère des Finances a fourni en fait une explication pédagogique pour mieux faire comprendre les aspects pratiques de la création de ce comité dont la mission consiste notamment à s’assurer que les opérations de transferts en devises par les banques, en tant qu’intermédiaires agréés, sont exécutées dans le « strict respect » de la réglementation des changes, édictée par la Banque des banques. Le Comité couvre un large éventail de compétences : Il s’agit des transferts en devises effectués dans le cadre des importations de biens et services, des investissements à l’étranger effectués par un opérateur résident en Algérie, lesquels transferts ne peuvent avoir lieu que s’ils sont autorisés par le Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) et complétés par une activité locale, et enfin des investissements directs en Algérie pour ce qui est du rapatriement des dividendes.

Par ailleurs, s’agissant de transferts de cash, relatifs à des exportations physiques de billets de banques, celles-ci sont également encadrées rigoureusement par la règlementation en vigueur. Ils font l’objet d’un contrôle strict au niveau des postes frontaliers par les services compétents. Ainsi, toutes les transactions financières de l’Algérie avec le reste du monde sont extrêmement encadrées et strictement contrôlées, au point où certains pays reprochent à l’Algérie d’avoir une réglementation tatillonne. Mais quelle que soit la rigidité d’une loi, elle ne pourra, jamais, dissuader tous les fraudeurs.

En Algérie, la loi sur la Monnaie et le Crédit confère les prérogatives de contrôle des changes et de la balance des paiements à la Banque centrale, une mission déléguée aux banques primaires.

Des contrôles a postériori réguliers

En cas de pratiques contraires à la législation et la réglementation des changes, le règlement 07-01 de février 2007 relatif aux règles applicables aux transactions courantes avec l’étranger et aux comptes devises autorise la Commission bancaire à retirer à la banque concernée la qualité d’intermédiaire agréé, au titre des opérations du commerce extérieur et de change. Et en cas d’importation, le montant à transférer ne peut excéder ni la part transférable prévue par le contrat et son avenant, ni le montant des factures définitives du bien ou du service importé. Tout écart, par rapport aux montants initialement indiqués doit être dûment justifié.

La banque exécute, sur ordre de l’opérateur, tout transfert à destination de l’étranger sous réserve de la remise, par cet opérateur, des documents attestant l’expédition des marchandises à destination exclusive du territoire douanier national et les factures définitives y relatives. Le transfert peut également s’effectuer sur la base des factures définitives et des documents douaniers de mise à la consommation des marchandises. Pour ce qui est du règlement des importations de services, le transfert s’effectue sur la base du contrat et/ou de la facture définitive dûment visée par l’importateur résident accompagné(s) de l’attestation de service fait ainsi que de toute autre pièce ou autorisation éventuellement requise, délivrée par l’administration compétente. Au titre d’importation de services, dans le cadre d’une sous-traitance, le transfert doit être expressément prévu par le contrat de base.

Durant la période de contrôle, en l’absence du document douanier (exemplaire banque), la banque domiciliataire doit le réclamer au bureau d’émission des douanes concerné. Ce bureau fournit, à cet effet, toutes les indications nécessaires pour l’identification de la déclaration concernée ainsi que les références communiquées par l’opérateur. Une copie de la réclamation est alors adressée, pour information, à la direction générale des Douanes. La copie certifiée conforme à l’original «Prima», établie par le bureau des Douanes et ensuite transmise au guichet domiciliataire concerné ou le document admis comme équivalent, peut être prise en considération par ce dernier pour l’apurement du dossier d’importation.

Au terme de la période de contrôle des dossiers de domiciliation des opérations à l’importation, la banque domiciliataire apure le dossier s’il est régulier et conforme aux dispositions réglementaires. Si, toutefois le dossier présente des excédents de règlement, les observations nécessaires sont adressées à l’importateur résident pour l’amener à compléter le dossier ou à le régulariser. En cas de non régularisation et/ou si l’excédent de règlement dépasse la contre-valeur de 100 000 DA, une copie du dossier est transmise à la Banque d’Algérie, après un délai supplémentaire de 30 jours. Dans ce cas, l’opérateur est sanctionné par la BA et peut même être inscrit au fichier national des fraudeurs. Par ailleurs, la Banque centrale exerce régulièrement des contrôles a postériori des transactions financières avec l’étranger et établit, le cas échéant, des procès-verbaux d’infraction qui sont transmis aux juridictions compétentes.

Pas d’emballement des transferts de capitaux

Le contrôle des transferts en devises a été en outre renforcé par l’introduction par la Banque d’Algérie, en octobre 2017, de la pré-domiciliation bancaire pour ce qui est des opérations d’importation de biens destinés à la revente en l’état. Conformément à cette instruction, la domiciliation de toute opération d’importation de ces biens doit s’effectuer au moins trente jours préalablement à l’expédition de la marchandise. Elle est, en outre, tributaire de la constitution, par l’importateur auprès de sa banque domiciliataire, d’une provision d’un montant au moins égal à 120% de la valeur de l’opération d’importation. Opération préalable à tout transfert/rapatriement de fonds, engagement et/ou au dédouanement, la domiciliation bancaire consiste en l’ouverture d’un dossier qui donne lieu à l’attribution d’un numéro de domiciliation par l’intermédiaire agréé domiciliataire de l’opération commerciale. Ce dossier doit contenir l’ensemble des documents relatifs à l’opération commerciale.

Le document commercial servant de base à la domiciliation bancaire peut revêtir différentes formes telles que, contrat, facture pro-forma, bon de commande ferme, confirmation définitive d’achat, échange de correspondances où sont incluses toutes les indications nécessaires à l’identification des parties, ainsi que la nature de l’opération commerciale. L’apurement du dossier de commerce extérieur consiste pour la banque à s’assurer de la régularité et de la conformité de la réalisation des contrats commerciaux et du bon déroulement des flux financiers auxquels ils donnent lieu au regard de la réglementation des changes en vigueur. Selon le même règlement, la banque doit saisir, sans délai, la Banque d’Algérie, de toute irrégularité ou retard dans l’exécution des mouvements de fonds de et vers l’étranger. Pour l’acceptation des dossiers de domiciliation et de tout engagement devant mener à un paiement par transfert de devises vers l’étranger, la banque doit tenir compte, notamment de la régularité de l’opération concernée au regard de la législation et de la réglementation en vigueur et de la surface financière de son client.

Tout règlement ou engagement financier prévu au contrat commercial ne peut être effectué que lorsque la banque dispose des factures définitives, des documents d’expédition ou du (des) document(s) douanier(s) de mise à la consommation pour l’importation de biens, ainsi que des attestations de service fait pour l’importation de services. Le 26 mars dernier, La Banque des banques avait indiqué que le «prétendu emballement» des transferts de capitaux par le canal bancaire, rapporté par certains médias, était « dénué de tout fondement ». Au cours des deux premiers mois de 2019, il n’a été constaté aucune augmentation significative des transferts en devises par rapport aux mêmes mois des trois années précédentes.