Véhicules, smartphones, électroménager… tout s’achète: L' »argent fantôme » des Algériens

Véhicules, smartphones, électroménager… tout s’achète: L' »argent fantôme » des Algériens

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La société s’appauvrit certes, mais dispose de ressources visiblement non déclarées, puisque introuvables dans les tableaux et les statistiques des «experts» de tous bords.

L’inattendu succès du Salon de l’automobile d’Oran pose une véritable colle aux économistes. Les milliers de commandes qu’enregistrent les stands des entreprises sur la quasi-totalité des modèles assemblés localement, traduit une «robustesse» d’un marché, qu’on croyait très impacté par la crise financière, qui frappe le pays depuis juin 2014. Les discours des spécialistes, relayés en boucle par les politiques de l’opposition, décrivent une situation socio-économique au bord de la rupture.

De très nombreux «experts» insistent sur un appauvrissement certain de larges couches de la société. Tous pointent du doigt l’impossibilité pour la majorité des Algériens de boucler les fins de mois et certains sont allés jusqu’à prédire un effondrement économique et social imminent. Le président du MSP s’appuie justement sur cette prédiction pour justifier son «plan de sortie de crise» et sa «conférence nationale».

Il n’est pas le seul à faire ce genre de déclarations, dépeignant une économie dans le rouge, une société désargentée et un Etat sans vision. A bien entendre pareils discours, il n’est pas besoin de sortir d’une grande école pour déduire une chute drastique des ventes des biens de consommation coûteux. Pour une société qui perd du pouvoir d’achat, la logique l’amènerait à rogner d’abord sur des acquisitions aussi onéreuses qu’un véhicule. Or, l’engouement suscité par le salon d’Oran démontre le contraire.

Le profil des clients et leur grand nombre conduit à penser que l’on n’est pas dans le cas d’une société fracturée avec une petite minorité d’hyperriches qui se permet tout et une très large majorité de la population, totalement démunie. Les acteurs étaient trop nombreux et de condition plutôt moyenne. De plus, le besoin exprimé à l’appui des commandes traduisait un usage familial ou professionnel des acquisitions. Bref, ce sont des Algériens comme on en croise aux quatre coins du pays qui s’étaient présentés aux stands des différentes marques de véhicules assemblés à Tiaret, Relizane, Oran et Batna.

Un observateur averti du marché de l’automobile note que le succès du salon d’Oran, annonçant certainement celui d’Alger, programmé pour le courant du premier semestre 2019, présuppose une taille du marché presque aussi importante qu’en 2013, année où il a été importé plus de 600.000 véhicules.

Avec un parc nettement rajeuni, mais dont l’âge moyen demeure encore élevé, plus de 15 ans, les Algériens continueront d’acheter des véhicules, aussi massivement. Mais pour ce faire, il faut que le pouvoir d’achat suive. Il semble, en 2018, plus de quatre ans après le contre-choc pétrolier, qu’au moins 400.000 Algériens ont la capacité d’acquérir des véhicules, malgré l’envolée des prix.

L’exemple frappant du marché de l’automobile est de nature à brouiller toutes les pistes des «experts». Et pour cause, si des dizaines de milliers de familles algériennes peuvent changer de voiture, il y en a autant, sinon plus qui s’équipent en matériel moins coûteux, comme l’électroménager. On en a pour preuve que les producteurs de produits électroménagers et électroniques continuent de faire de bonnes affaires. De plus, si une dizaine de fabricants étrangers de smartphones au moins, ont ouvert des usines d’assemblage en Algérie, c’est précisément en raison d’une demande forte assise sur un marché rémunérateur.Les exemples de filières qui tournent très bien alors qu’en se fiant aux «analyses» des «experts», elles devraient déposer le bilan, sont assez nombreux pour attester d’un pouvoir d’achat encore solide, malgré la crise. Il reste que ce constat demeure insuffisant pour déduire quoi que ce soit sur l’économie du pays, sauf que la réalité est déroutante à plus d’un titre et ne correspond pas du tout aux chiffres officiels communiqués par la Banque d’Algérie et autres autorités financières, ni aux décors apocalyptiquent qui n’existent que dans les têtes de certains «experts» et politiques, en mal d’arguments solides.

La réalité quotidienne montre, par contre, une société qui s’appauvrit certes, mais qui dispose de ressources visiblement non déclarées, puisque introuvables dans les tableaux et les statistiques des «experts» de tous bords.

C’est justement cet «argent fantôme», dont personne dans la communauté des économistes, comme des politiques, ne peut véritablement estimer, qui déroute le FMI, la Banque mondiale et même le gouvernement. Tout ce beau monde se pose la question de savoir comment les Algériens continuent à acheter avec la même ardeur autant de véhicules, machines, électroménager, téléphones portables à des prix sans cesse en hausse, dans une conjoncture baissière de la monnaie nationale qui a perdu plus de 40% de sa valeur en 4 ans.