Ne dit-on pas, en langage courant, que le hasard fait bien les choses ! En football, ce sont souvent «les hasards du calendrier» qui font bien les choses. Ce soir, à 16h (heure algérienne) sera donné le coup d’envoi de la rencontre Valenciennes FC-FC Sochaux, comptant pour la 10e journée du championnat de France de Ligue 1. Ce match opposera donc deux joueurs algériens, Ryad Boudebouz et Foued Kadir.
Tout deux internationaux et coéquipiers en équipe nationale. Il y a souvent des matchs inter-Algériens chez nos professionnels évoluant outre-mer et nous y sommes donc habitués au point qu’aujourd’hui ce genre d’opposition est un non-évènement. Si nous avons décidé de vous proposer un focus sur ce match, c’est parce que son enjeu à distance est capital. Plus que les trois points de la victoire ou celui du match nul, ce soir, c’est peut-être la place de meneur de jeu de l’équipe nationale qui va se jouer dans ce duel.
Objectif officiel et objectif officieux
Boudebouz et Kadir, les deux maîtres à jouer de Sochaux et Valenciennes, sont de bons professionnels et savent parfaitement communiquer avec les médias. Lorsqu’on les interroge sur le match de ce soir, dans les différents médias concernés géographiquement et sportivement par la rencontre, on ne lit que des phrases préalablement préparées et dosées, à la manière d’un débat politique savamment verrouillé et avec des réponses du type : «Nous jouons à domicile, il faudra absolument prendre les trois points pour quitter la zone de relégation…» côté Foued Kadir et Valenciennes, mais pour Ryad Boudebouz et Sochaux, ce sera : «Nous sommes sur une bonne tendance et nous devons la prolonger en allant à Valenciennes pour essayer de gagner à l’extérieur ou au minimum ramener le point du match nul…» Ce que les médias français ignorent, c’est que ce match de championnat de France va servir aussi, comme aux plus grandes heures de la guerre froide, de duel à distance arbitré par Vahid Halilhodzic, pour rattraper la place de meneur de jeu titulaire de l’équipe nationale pour les prochaines échéances.
Chaque fois que l’on déplore des actes racistes ou d’incivilité dans un stade de football, il y a toujours une litanie d’ethnologues et de spécialistes qui viennent nous expliquer que ces évènements regrettables ne sont pas liés au football, mais qu’au contraire, c’est le football, qui est à l’image de la société et dans lequel on retrouve donc les avantages et les inconvénients de la vie de tous les jours. On comprend mieux maintenant pourquoi, avec l’affaiblissement des cadres jadis intouchables, depuis la venue d’Halilhodzic, une sélection naturelle est en train de s’opérer avec de nouveaux joueurs qui se positionnent dans tous les compartiments du jeu pour rendre la place des anciens. Avec la non-sélection de Karim Ziani pour le match face à la Centrafrique, c’est la place de meneur de jeu de l’équipe nationale qui est convoitée par de jeunes loups, tels que Foued Kadir et Ryad Boudebouz, qui n’ont qu’une envie, pousser «l’ancien» vers la sortie pour prendre sa place. Cette manœuvre peut sembler cruelle, mais elle fait partie du football, des sports de performance et plus généralement de la vie. Foued Kadir et Ryad Boudebouz sont les deux candidats les plus sérieux pour prétendre au numéro 10 de l’équipe nationale. Ils l’ont répété plusieurs fois en interview. Le poste où ils se sentent le plus à l’aise est celui de meneur de jeu, libre, derrière les attaquants. Ils feront tout ce soir pour montrer à Vahid Halilhodzic l’étendue de leur talent.
Vahid ne ratera
pas ce match
Les deux meneurs algériens le savent, le directeur du casting ce soir sera Coach Vahid, car ce sera lui, et lui seul, qui prendra la décision finale à la veille du premier match des éliminatoires de la CAN-2013 qui marquera le début des choses sérieuses pour l’EN version Vahid. Même s’il aura le match amical face à la Tunisie et au Cameroun pour se décider et choisir l’heureux élu, Vahid Halilhodzic, même s’il ne se trouvera pas ce soir au stade Hainault de Valenciennes, regardera ce match sur le petit écran, même s’il doit orienter son antenne parabolique en direction de la planète Mars, et ça, les deux joueurs le savent.
2 profils différents
pour succéder à Ziani
Halilhodzic devra faire un choix s’il décide de procéder à la succession de Karim Ziani, entre deux styles de jeu et deux profils diamétralement opposés. D’un côté, le petit lutin annabi, Ryad Boudebouz, surdoué du football, détecté très jeune et couvé par son club jusqu’à son éclosion. Un Boudebouz, tout en technique, tout en grigri, qui ressemble beaucoup à Karim Ziani, qui l’a beaucoup conseillé et inspiré lors de son passage à Sochaux. Seul bémol pour Boudebouz, à travers le prisme de Coach Vahid, qui est décrit par tous les observateurs comme l’avenir de l’EN, c’est qu’à l’image du Portugais Cristiano Ronaldo, il est un peu «perso» dans son jeu et conserve un peu trop le ballon au goût d’Halilhodzic. De l’autre côté, nous avons le longiligne sétifien, Foued Kadir, pétri de talent aussi, mais qui a dû «galérer» et ramer pour enfin éclore sur le tas, en ayant toujours cru en sa bonne étoile, même lorsqu’il était au fond de la troisième division. Une persévérance et un courage qui lui ont forgé un caractère de battant qui l’a mené jusqu’à la Coupe du monde 2010. Foued Kadir est un meneur de jeu «à l’ancienne», fin technicien, mais besogneux. Il n’est pas aussi à l’aise et fort que Boudebouz balle au pied, mais a l’avantage de coller au profil recherché par Vahid grâce à son obéissance et son application stricte du schéma tactique dicté par son entraîneur. Ces derniers temps, avec la suspension de Boudebouz, Kadir a pris l’avantage en équipe nationale en rentabilisant à fond sa situation de monopole en étant l’homme du match face à la Centrafrique, avec un but dans le jeu s’il vous plaît. Boudebouz sait ce qu’il lui reste à faire pour revenir sur celui avec lequel il a débuté face à l’Irlande un certain 28 mai 2010 à Dublin.
Les statistiques penchent pour Ryad et… Valenciennes
Si comme nous l’avions dit plus haut, en équipe nationale, et au jour d’aujourd’hui, avantage Kadir, en ce qui concerne le match de ce soir, dans le duel qui oppose les deux hommes, avantage Boudebouz, car sur le plan des statistiques personnelles, le Sochalien dame le pion au Valenciennois et cela dans tous les compartiments du jeu. Ryad Boudebouz a joué sur les terrains de Ligue 1, 734 minutes en 9 matchs, contre seulement 413 pour Kadir en 8 matchs seulement joués, soit un match de moins que son compatriote Boudebouz. Sur les 9 matchs joués par Boudebouz en Ligue 1, il a été titularisé d’entrée 8 fois et n’a été remplaçant qu’une fois. Du côté de Kadir, sur les 8 matchs, il a été titularisé 5 fois et remplaçant 3 fois, ce qui n’est pas si mal, mais loin de son compère sochalien. Enfin, concernant le chapitre des buts marqués, Ryad Boudebouz mène 3 buts à 0, puisqu’en Ligue 1, Foued Kadir n’a pas inscrit le moindre but cette année.
Par contre, lorsqu’on regarde les statistiques collectives des deux équipes en prévision du match de ce soir, on s’aperçoit que l’avantage est du côté du Valenciennois en ce qui concerne les victoires, car c’est le match nul qui se taille la part du lion. Depuis 1932, il y a eu 27 Valenciennes-Sochaux, 10 ont été gagnés par Valenciennes, 4 par Sochaux et 13 matchs nuls. Un résultat nul maintiendrait les positions en l’état, du côté de la «guerre de succession» que se livrent les deux Algériens.
Sochaux
avec le seul Boudebouz
Sochaux, qui brille cette année et occupe malgré son petit budget la 10e place du championnat de France grâce à ses «trois mousquetaires», Ryad Boudebouz, chargé de dynamiter les défenses, son compère et binôme international français, Marvin Martin, monsieur passes décisives et, enfin, l’international malien, Modibo Maïga, le goleador du club. Pour le match de ce soir, Ryad Boudebouz sera seul face à Valenciennes, car ses coéquipiers Martin et Maïga ont dû déclarer forfait pour blessure. L’un aux ischios et l’autre au genou. Il devra donc faire la différence tout seul.
Valenciennes cherchera
à quitter la zone rouge
Pour Foued Kadir et Valenciennes, il s’agira de stopper l’hémorragie pour enfin gagner des points et quitter cette 19e et avant-dernière place du championnat où ils semblent scotchés. Ce soir, Valenciennes bénéficiera d’un Foued Kadir en pleine forme pour réussir enfin son match déclic et espérer remonter la pente. Cette bataille pour le poste de meneur de jeu titulaire de l’EN que se livrent les deux stratèges algériens de la Ligue 1 française, Kadir et Boudebouz, en pleine concurrence, arbitrée par Vahid Halilhodzic, n’aura qu’un grand bénéficiaire, le football algérien et l’équipe nationale, qui profitera de cette émulation qui fera progresser ces deux joueurs pétris de qualité. Quel que soit le vainqueur, l’équipe nationale sera entre de bonnes mains.
M. B.