Il ne s’est sans doute jamais exprimé à la presse comme il l’a fait cette fois. Hervé Renard, qui avait «gavé» son auditoire de déclarations creuses et non moins logorrhéiques, nous a donné rendez-vous, hier, pour parler de tout. De son passage à l’USMA, de son départ précipité, de ses futurs projets à la tête de la Zambie et bien d’autres sujets intéressants que vous allez découvrir dans l’interview que voici.
On sait aujourd’hui que vous êtes officiellement partant, puisque vous venez de déclarer que vous avez dirigé votre dernier match avec l’USMA face au WAT. A quel moment avez-vous pris cette décision ?
J’ai reçu un SMS le 10 octobre, je peux vous le montrer (il nous le montre), quand le sélectionneur de la Zambie s’est fait remercier, pas avant. Parce qu’il y a eu un changement du président de la république à la fin septembre, et il y a eu le dernier match de la qualification à la CAN contre la Libye, et tout s’est enchaîné par la suite. Le lundi d’après, c’est-à-dire le 10, j’ai donc reçu le fameux SMS, c’était dans la semaine précédant le match face au CRB. Je n’ai rien voulu dire, j’ai voulu protéger le groupe, réfléchir un peu plus, et le lendemain, je suis allé voir mon président.
Si l’on comprend bien, la décision a été prise avant le match contre le CRB, c’est cela ?

Oui, ma décision a été prise avant le match contre le CRB.
Pas celle du président ?
C’est le lendemain du match qu’on en a parlé de manière plus approfondie.
Quelle a été sa réaction ?
C’est lui qui doit répondre à cette question.
Parce qu’on a l’impression que cette fois-ci, contrairement à la saison précédente lorsque vous aviez eu un coup de blouse, il n’a pas fait de grands efforts pour vous retenir, non ?
Encore une fois, il faut lui poser la question, je ne peux pas répondre à sa place.
Avez-vous senti en lui le désir de vous retenir où il était un peu indifférent par rapport à votre décision ?
Je pense qu’il aurait aimé me retenir et ça n’engage que moi.
Vous ne pensez pas que quelque part, on n’attendait que cela. C’est-à-dire qu’on attendait que cela vienne de vous ?
Non, je ne le pense pas, bien au contraire. En tout cas, pas de sa part.
Cela sous-entend que d’autres que lui auraient bien souhaité votre départ ?
D’autres personnes, oui, certainement même, mais pas lui, j’en suis certain.
Vous parlez d’Ali Haddad, bien sûr…
Oui, c’est lui le président, non ? Lui, il n’aurait jamais souhaité mon départ.
C’est parce qu’on laisse entendre que ces derniers temps, une certaine froideur caractérisait vos relations avec certains dirigeants…
Ce n’est pas exactement ça, mais il y a, en effet, une seule personne avec laquelle le courant ne passait pas. Une personne avec laquelle je n’avais aucune relation d’ailleurs. Donc, je ne peux parler de bonnes ou mauvaises relations avec la personne en question.
Cela vous dérangeait ?
Non, pas du tout.
Cela n’a rien à voir avec la décision que vous avez prise ?
Non, ça n’a rien à voir. Cette personne ne pouvait aucunement influer, d’une manière ou d’une autre, sur mon travail. Je ne lui prêtais aucune attention.
Alors, dites-nous quelles sont les véritables raisons qui vous ont poussé à prendre la décision de quitter l’USMA, juste après avoir reçu le SMS en question ?
La CAN-2012, c’est la seule raison.
C’est ce qui a motivé votre départ ?
Oui, et quand vous prenez une décision, il y a le pour et le contre, mais vous devez trancher, c’est oui ou c’est non.
Donc, dès que vous avez reçu le SMS, vous saviez que vous alliez partir, c’est cela ?
Oui, c’est un challenge très intéressant. Et puis, pendant tout ce temps-là, on n’a pas arrêté de m’appeler, de demander de mes nouvelles et tout, et avec le départ du précédent sélectionneur, je reçois l’offre qu’on ne peut pas refuser.
La CAN, c’est au maximum un mois, encore faut-il aller en finale, et au minimum une semaine. Les éliminatoires de la Coupe du monde 2014, ce n’est pas très évident, vous en conviendrez, alors, par rapport à cet état de fait, ne pensez-vous pas que vous avez sacrifié un meilleur contrat à l’USMA dont le projet s’étale sur deux ans ?
Si vous parlez en termes de contrat, justement, tout est stipulé dedans. Je n’ai trahi personne. Mais si vous faites la comparaison avec une équipe nationale, oui, j’ai fait un choix que j’assume. C’est pour vivre de grandes émotions. Je ne sais pas si j’aurai une autre occasion de les vivre. Une sélection, ce n’est pas la même chose. Mais rassurez-vous, tout a été évoqué à la signature du contrat.
N’avez-vous pas l’impression d’avoir laissé tomber l’USMA à mi-parcours ?
On n’est pas à mi-parcours, on n’en est pas encore là. Et je n’ai vraiment pas ce sentiment. Nous avons mis quelque chose en place et vous verrez bientôt que c’est du solide. C’est un groupe de joueurs professionnels au sens propre du terme et je suis convaincu qu’ils vont poursuivre leur chemin.
La reprise des entraînements est prévue pour demain (interview réalisée hier dimanche, ndlr), peut-on vous voir diriger cette séance ?
Je ne sais pas, c’est possible. On verra en tout cas.
Et est-ce qu’il y a une possibilité de vous voir encore sur le banc samedi prochain contre le MCO ?
Non, mon dernier match, c’était contre le WAT. Je suis encore là pour quelques jours, afin de régler quelques détails, mais je ne dirigerai pas le prochain match. Peut-être une ou deux séances d’entraînement, mais pas le prochain match.
Quels sont les bons et mauvais moments que vous avez vécus à l’USMA ?
Je veux retenir que les bons moments, et cela dure depuis le début de la préparation en France. Vous étiez là et vous vous en êtes certainement rendu compte. Il y a une âme dans ce groupe, et souvent c’est le plus difficile à créer. Nous, nous sommes parvenus à le faire, grâce justement à des joueurs responsables, grâce à leurs qualités humaines et grâce à tout ce qui a été mis à leur disposition. C’est ma grande fierté. Après, le football, ça va suivre, je ne suis pas inquiet de ce côté. Je suis sûr que l’USMA gagnera le titre cette saison.
Comment voyez-vous votre successeur ?
Ce n’est pas moi qui le choisirai, c’est plutôt le président. Le plus important, c’est qu’il sera dans la même lignée.
Vous avez déclaré à la fin du match contre le WAT que vous alliez aider la direction à trouver un bon entraîneur. Allez-vous vous impliquer là-dedans ?
Je vais donner mon avis, c’est tout.
On vous l’a demandé ?
On m’a demandé de donner mon avis, oui.
Vous leur avez-vous proposé un nom ?
Je n’ai fait que donner mon avis sur les noms des coachs qui reviennent ces derniers jours, dont tout le monde parle. Maintenant, on pourrait bien tenir compte de mon avis, comme on ne pourrait pas le faire.
Justement, il y a des noms qui ont circulé ces derniers jours comme étant de potentiels successeurs d’Hervé Renard. Quel est parmi eux celui qui pourrait justement rester dans la même lignée ?
(Rire) Là, vous êtes en train de me demander le nom du nouvel entraîneur de l’USMA. Et moi, je ne vais pas tomber dans le panneau.
On croit savoir qu’on cherche un entraîneur dont les émoluments seraient inférieurs aux vôtres. Ne pensez-vous pas que la direction a fini par ne plus pouvoir assumer votre salaire ?
Ce n’est pas à moi de répondre à cette question, mais s’ils cherchent un entraîneur qui toucherait moins, ça ne me regarde pas. Et pour ceux qui pensent que c’est l’argent qui me motive, je vous fais savoir que je toucherai beaucoup moins en Zambie. En tout cas, je n’ai pas eu le moindre problème avec Haddad, et je n’en aurais jamais. C’est quelqu’un d’une grande valeur morale, et pour moi, c’est ce qui compte dans la vie.
Parlons maintenant de ce qui convient d’appeler désormais votre ex-équipe, l’USMA. Sur le plan des résultats, ça a marché. En revanche, ce qu’on reproche à cette équipe, c’est la manière qui n’y est pas encore. Des explications ?
Vous l’avez bien dit, «pas encore». Parce qu’il faut du temps pour que tout soit mis en place. Rien ne vient du jour au lendemain.
Combien de temps en faudra-t-il selon vous ?
Les résultats réalisés jusque-là et sa première place au classement vont lui permettre de gagner davantage en confiance pour aller toujours de l’avant. Petit à petit, les automatismes viendront et vous allez voir que le train sera lancé. Dans la durée, aucune équipe ne pourra lui résister. Le champion et les vrais concurrents, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va les connaître.
Comment expliquez-vous aussi que l’attaque ne se soit pas encore mise en évidence ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème. Il y a des occasions, c’est le plus important. J’aurais été inquiet si on n’était pas arrivé à nous créer des occasions, mais là, ça va venir. C’est peut-être la concurrence qui a troublé les attaquants. Un Daham par exemple, je suis sûr qu’il va retrouver tous ses moyens et toute la confiance. Il n’a pas été buteur l’année passée par hasard. Idem pour Hamiti. Peut-être que le prochain entraîneur jouera avec deux vrais attaquants, on verra.
Justement, pourquoi n’avez-vous aligné qu’un seul attaquant à chaque fois ?
C’est parce que c’est comme ça que je vois les choses dans cette équipe. Ce sont des convictions tactiques.
Vous n’avez testé qu’une seule fois Daham et Hamiti ensemble lors du match amical en France contre le Red Star. Ce duo ne vous a-t-il pas donné satisfaction ?
Non, ça ne m’a pas plu. Pour moi, c’est une option qui ne m’arrange pas. Ils ne sont pas complémentaires. A la place d’un d’entre eux, je préfère avoir un garçon qui est capable de donner de bons ballons derrière.
Selon vous, c’est ou l’un ou l’autre ?
Ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde. Celui qui va venir va peut-être les faire jouer ensemble, qui sait ?
Comment trouvez-vous le niveau du championnat algérien ?
C’est un bon niveau, il y a vraiment des joueurs de qualité. Maintenant, il faut que les clubs se structurent un peu plus et il faut des infrastructures de meilleure qualité.
Et quel est votre avis sur le professionnalisme en Algérie ?
Je ne sais pas comment les autres clubs fonctionnent, mais je sais qu’il y a de bonnes assises à l’USMA. On m’a demandé d’apporter quelque chose que je pense avoir réussi à faire. Je crois que maintenant, le train est lancé.
L’équipe qui vous a le plus séduit ?
El Harrach.
Des joueurs qui ont retenu votre attention ?
Soudani et Metref.
Avez-vous demandé à ce qu’on les vous ramène ?
Oui.
Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?
Je pense que Soudani voulait aller jouer en Europe et que Metref avait fait son choix.
Est-il vrai que vous avez appelé Metref juste avant qu’il ne signe à la JSK ?
Oui.
C’était trop tard ?
Oui, il avait déjà fait son choix.
Et dans votre équipe, est-ce qu’il y a des joueurs qui vous ont donné entière satisfaction ?
Beaucoup, mais je ne retiens pas que le football. Ce que j’ai vécu ces cinq derniers mois, je ne pensais pas que c’aurait été possible en Algérie, tellement l’atmosphère était plombée la saison dernière. C’est un groupe d’une grande qualité humaine, avec un formidable état d’esprit et une âme extraordinaire. Un Bezzaz par exemple, qui est resté cinq fois sur le banc, il rentre face à Tlemcen avec un état d’esprit exemplaire, ça m’émeut. Ce n’est par hasard qu’il a été le meilleur joueur de l’USMA sur le terrain.
Vous attendiez-vous à ce que l’Equipe nationale algérienne fasse un aussi mauvais parcours en éliminatoires de la CAN-2012 ?
Non, pas du tout. Personne ne s’y attendait.
Et comment voyez-vous l’équipe d’Algérie version Halilhodzic ?
Je pense que monsieur Raouraoua a fait le meilleur choix en faisant appel à Halilhodzic. C’est l’homme qu’il faut pour l’Equipe nationale algérienne, celui qui va la remettre sur le bon chemin. Ses compétences et son expérience vont être d’un grand apport à la sélection, j’en suis sûr.
Vous verriez-vous un jour à la tête de la sélection algérienne ?
Inch’Allah !
Reviendrez-vous un jour à l’USMA ?
Avec Haddad, oui, je reviendrai.
Pas avec un autre ?
Non, je ne le pense pas.