USA : Obama face aux questions raciales 

USA : Obama face aux questions raciales 
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 Barack Obama, dont l’arrivée au pouvoir avait suscité d’immenses attentes sur les questions raciales, se livre à un exercice d’équilibriste depuis la mort du jeune Noir  Michael Brown.

Ce n’est pas seulement un problème pour Ferguson, c’est un problème pour l’Amérique». Le premier président noir des Etats-Unis avance prudemment: il appelle au respect des décisions de justice tout en assurant comprendre la colère de ceux qui ont le sentiment, à juste titre souligne-t-il, que la couleur de leur peau a un impact sur la façon dont la loi est appliquée.

«Ce sont des problèmes réels», a-t-il lancé lundi soir, le visage grave, évoquant «l’héritage de la discrimination raciale dans ce pays», quelques heures après l’annonce de la décision d’un jury populaire de ne pas poursuivre le policier. «Nous devons les confronter et ne pas les nier ou de les étouffer», a-t-il ajouté, tout en rejetant avec fermeté tout recours à la violence. A Ferguson, dans le Missouri, mais aussi ailleurs dans le pays, certains manifestants lui reprochent des prises de position trop timorées ou regrettent qu’il ne se soit pas rendu sur place depuis la mort de Michael Brown, abattu le 9 août en pleine rue alors qu’il n’était pas armé. La Maison Blanche n’écarte pas l’hypothèse mais souligne qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. «C’est une ligne de crête mais il l’emprunte de façon extrêmement habile», estime Julian Bond, président honoraire de la grande association de défenses des Noirs aux Etats-Unis, la NAACP. «Il ne veut surtout pas être -le président noir-. Il veut être le président de tous les Américains», explique à l’AFP cette figure du mouvement des droits civiques. C’est la deuxième fois depuis son arrivée au pouvoir en 2009 que M. Obama, élu grâce au soutien massif des minorités et des afro-américains en particulier, doit gérer les énormes attentes placées sur ses épaules sur ce sujet sensible. La mort de Trayvon Martin, jeune homme noir de 17 ans abattu en février 2012 en Floride par un vigile alors qu’il se promenait sans armes dans un quartier résidentiel, avait été la première. Prudent dans un premier temps, il s’était livré de manière beaucoup plus personnelle à l’issue du processus judiciaire qui avait abouti à l’acquittement du meurtrier, en juillet 2013. «Il y a 35 ans, j’aurais pu être Trayvon Martin», avait-il lancé, parlant de la «douleur» provoquée par cette décision au sein de la communauté noire. «Dans l’affaire Trayvon Martin, ses détracteurs lui ont reproché de s’impliquer. Cette fois, on lui reproche le contraire. Il est dans un rôle où il est critiqué quoi qu’il fasse», juge Adolphus Pruitt, président de la branche de NAACP de Saint Louis, ville voisine de Ferguson. «Cela ne me dérange pas que le président soit prudent sur un incident particulier, mais je m’attends à ce qu’il s’implique fortement sur le besoin de changement et de dialogue, à travers tout le pays, sur cette question», ajoute-t-il.

R. I. /  Agences

Eric Holder, l’autre équilibriste

Comme pour Obama, le positionnement est difficile pour Eric Holder, premier ministre de la Justice noir de l’histoire des Etats-Unis. Dès les premières émeutes après la mort de Michael Brown, il s’était rendu sur place, tentant de panser les plaies d’une communauté déchirée par les violences. Mais la marge de manœuvre est étroite. Et si aucune poursuite fédérale n’est finalement engagée, l’administration Obama devra se préparer à gérer une nouvelle vague d’indignation.

Accalmie à Ferguson…

La nuit s’annonçait calme  hier soir à Ferguson, théâtre de scènes de violences ces derniers jours ;  la veille de Thanksgiving, fête familiale très  respectée aux Etats-Unis. Une poignée de personnes seulement battaient le pavé en début de soirée  près du commissariat de police de la petite ville du Missouri (centre), un  nombre bien inférieur à celui des militaires de la Garde nationale, venus en  renfort avec des véhicules Humvee, a constaté l’AFP.  «Beaucoup de forces de l’ordre travailleront pendant le pont (de  Thanksgiving) pour protéger les vies et les biens», a prévenu le  gouverneur du Missouri (centre). Le froid et la neige tombée sur Ferguson pourraient aussi décourager les  manifestants, qui protestent depuis lundi dernier contre la décision d’un jury  populaire de ne pas poursuivre le policier Darren Wilson.    Le seul incident de la journée s’est produit à Saint-Louis, dont Ferguson  est une banlieue, quand la police a dispersé des manifestants qui voulaient  pénétrer dans la mairie et ont interpellé trois personnes, selon la police. La police du comté de St Louis a indiqué par ailleurs qu’elle recherchait  un fusil d’assaut AR-15 dérobé dans un de ses véhicules lors de manifestations  lundi dernier,  selon la presse locale.  Craignant des émeutes comme celles de lundi soir, des hommes ont barricadé  les fenêtres d’un garage de voitures situé non loin du  commissariat. «Ce matin je me suis réveillé et j’ai vu que toutes les fenêtres  (du magasin) étaient cassées», a raconté à l’AFP, John Adams, l’un des employés.  Les manifestions pourraient toutefois reprendre après Thanksgiving. Le  populaire militant des droits civiques Al Sharpton a appelé à une journée de  protestation dans tout le pays samedi prochain.

Cleveland / Le policier a tiré dès son arrivée sur les lieux

Le policier qui a tué samedi un enfant de 12 ans qui jouait avec un pistolet factice à Cleveland (Ohio, nord des Etats-Unis), a tiré sur ce dernier quelques secondes après son arrivée, révèle une vidéo accablante diffusée hier, mercredi, par la police. Sur la vidéo muette prise par une caméra de surveillance, qui dure environ 8 minutes, on voit le jeune garçon, Tamir Rice, pointer son arme factice vers un passant, la faire tourner sur son doigt comme dans les films et la ranger à sa ceinture alors qu’il marche sur un trottoir près d’un parc enneigé. On le voit ensuite passer un bref appel avec son téléphone portable, faire une boule de neige et se mettre à l’abri sous un kiosque dans le parc. Pendant ce temps, un témoin a appelé la police : «Il y a un gars avec un  pistolet», selon la bande audio de cet appel rendu public aussi par la police.  «C’est probablement un faux pistolet, mais il le pointe vers les passants», ajoute cette personne, soulignant qu’il s’agit d’un jeune garçon. Malheureusement, l’opérateur ne signale pas ces derniers éléments aux agents en patrouille envoyés sur les lieux. Peu après, on voit sur la vidéo une voiture de police arriver à vive allure et s’immobiliser directement sur la pelouse du parc. Le jeune garçon se dirige vers la voiture, sans son arme en main. Il ne lève pas les bras et semble vouloir prendre quelque chose à sa ceinture quand il est abattu par un des policiers à peine sorti de sa voiture.

Une prière commune

Les parents de Michael Brown, le jeune Noir tué à Ferguson en août dernier, sont venus mercredi à New York prier avec les familles de deux Noirs récemment tués par la police dans la plus grande ville américaine. Cette prière avait été organisée à l’occasion de la fête de Thanskigving, et les familles n’ont fait aucune déclaration. La mère et le père de Michael Brown ont prié avec l’épouse et la mère d’Eric Garner, un père de famille de 43 ans mort à Staten Island en juillet lors d’une interpellation musclée. Etait également présente la compagne d’Akai Gurley, un Noir de 28 ans tué  la semaine dernière dans la cage d’escalier obscure d’une HLM de Brooklyn, par un policier débutant, un accident tragique selon la police. Thanksgiving, fête toujours célébrée le quatrième jeudi de novembre aux Etats-Unis, est traditionnellement le moment où les familles américaines se retrouvent pour célébrer ensemble l’année écoulée.

…Et colère à Londres

A des milliers de kilomètres de Ferguson, au-delà de l’Atlantique, le non-lieu de Darren Wilson a provoqué des manifestations … à Londres. Des milliers de personnes ont scandé des slogans hier  devant l’ambassade des Etats-Unis en Grande-Bretagne pour dénoncer la relaxe d’un policier responsable de la mort  d’un jeune Noir aux USA. les manifestants britanniques ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Black lives matter», que l’on peut traduire par «la vie des Noirs compte», ou encore «Hands up, don’t shoot» (mains en l’air, ne tirez pas), des slogans adoptés par les manifestants américains. Beaucoup portaient des bougies et une minute de silence a été observée pour toutes les personnes tuées par la police à travers le monde. La tante de Mark Duggan, un Britannique tué en août 2011 à Londres par des officiers de police, était présente. «Nous devons envoyer un message à la famille de Mike Brown. Nous ressentons leur douleur, nous connaissons la douleur de perdre quelqu’un aux mains de la police», a-t-elle dit à la foule. «Les gens dans le monde entier comprennent la frustration et la colère que l’on ressent quand nos proches sont tués dans la rue», a lancé la sœur de Sean Rigg, un musicien noir de 40 ans mort en garde à vue en 2008 à Londres.