10 mois, jour pour jour. Dans un pays où la symbolique fait sens, il fallait bien ça.
C’est le temps qu’ont attendu Dan Balz et Haynes Johnson, deux vétérans du Washington Post, pour publier « The Battle for America 2008: The Story of an Extraordinary Election » (« La bataille pour l’Amérique 2008: Histoire d’une élection extraordinaire », ndlr).
Très attendue, cette enquête en temps réel dissèque la campagne présidentielle de tous les superlatifs.
Sur la foi de mémos confidentiels, on y découvre notamment comment Sarah Palin, gouverneur de l’Alaska et second couteau républicain, a fait irruption sur la scène politique.

Pour les deux journalistes, le choix inattendu de John McCain était avant tout « un énorme pari dans une campagne qui peinait à décoller ».
« McCain pensait qu’il avait besoin d’un allié spectaculaire pour changer la donne, peut-on ainsi lire dans ce qui s’annonce déjà comme un best-seller outre-Atlantique. A mesure que l’échéance se rapprochait, ses conseillers se sont rendus compte que les défis à relever étaient insurmontables et contradictoires ».
Parmi ceux-là, prendre ses distances avec l’administration Bush, et dynamiser une base républicaine lymphatique.
Quand Obama jouissait d’un soutien sans faille et d’un système de fundraising (levée de fonds) impressionnant, McCain risquait de payer son statut de dissident au sein du Grand Old Party.
Mais surtout, comme l’explique son conseiller Steve Schmidt, « il fallait retrouver cette fibre réformatrice ».
Le nom de Palin s’impose
Au printemps, le candidat républicain couche sur le papier une liste de deux douzaines de noms.
Certaines sources prétendent que Sarah Palin y figurait, d’autres soutiennent que non.
Seule certitude, l’élue de l’Alaska y tient au mieux le rôle d’outsider improbable, au pire celui de figurante accessoire.
A la fin du mois de juillet, Rick Davis, le directeur de campagne de John McCain, s’inquiète de la popularité de Barack Obama auprès de l’électorat féminin.
« De qui manquons-nous, se demande-t-il. Etudions à nouveau les candidates féminines ».
C’est à ce moment très précis que Palin se fraie un chemin parmi les six « finalistes ».
Dès lors, comment a-t-elle réussi à emporter la mise face à des adversaires aussi sérieux que Michael Bloomberg, le maire de New York, ou Mitt Romney, candidat maheureux à l’investiture républicaine ?
Mais surtout, comment a-t-elle obtenu les faveurs de McCain au détriment du Sénateur Joseph Lieberman, très proche du candidat ?
Comme le révèlent Balz et Johnson, un ticket McCain-Lieberman n’apporte pas de garanties suffisantes aux yeux des spin doctors républicains.
Face aux militants anti-avortement les plus conservateurs et aux dévots apôtres d’un créationnisme infaillible, « McCain le maverick » risque de devenir « McCain, celui qui a détruit la coalition républicaine ».
Et le nom de Palin de s’imposer malgré les réticences.
Au terme de plusieurs réunions, Arthur Culvahouse, chargé de trouver le colistier idéal, prononce ces mots à l’adresse de McCain : « John, plus le risque est élevé, plus la récompense sera forte ».
La réponse du candidat républicain ne se fait pas attendre. « Tu n’aurais pas dû me dire ça. J’ai pris des risques toute ma vie », lui rétorque-t-il.
Un effet de surprise ménagé
Malgré son inexpérience, malgré la grossesse encore secrète de sa fille Bristol, Palin est pour l’équipe de McCain la seule susceptible de survivre à la convention républicaine du mois d’août.
Tandis que les indicateurs d’opinion sont tous défavorables, les conseillers estiment que l’inexpérimenté gouverneur est la seule capable de donner un second souffle à une campagne moribonde.
Les deux journalistes décrivent ensuite, heure par heure, le plan républicain pour ménager l’effet de surprise : réservations dans un hôtel sous un faux nom, convois privés, et même hauteur du pupitre à Dayton, où doit se faire l’annonce officielle.
« Une voiture noire s’approcha des marches d’un avion Learjet stationné sur le tarmac de l’aéoroport Ted Stevens d’Anchorage. A l’intérieur, Sarah Palin, gouverneur de l’Alaska, conduite par son mari Todd […] Quelques minutes plus tard, elle était dans les airs. Tout avait été arrangé dans la confidence ».
Maintenant qu’elle aspire à un destin présidentiel en 2012, la lumière est faite.