Les obsèques, hier samedi, d’un jeune père de famille noir tué «accidentellement» par un policier blanc à New York ont donné lieu à un appel à une réforme judiciaire et policière, après une série de bavures qui ont déclenché des manifestations dans tout le pays.
A New York, qui en était samedi à son quatrième jour de manifestations, une foule s’est rassemblée dans l’après-midi à Times Square puis à Union Square malgré une pluie diluvienne. Elle scandait : «Je ne peux pas respirer», les derniers mots répétés par Eric Garner, ce père de famille noir âgé de 43 ans, mort étouffé en juillet lors d’une interpellation brutale par la police de New York. Un autre rassemblement a eu lieu dans le quartier de Harlem, à l’appel de la figure de la lutte pour les droits civiques, Al Sharpton.
Des manifestations ont également encore eu lieu à Washington et en Californie. A Berkeley, près de San Francisco, des heurts violents ont eu lieu entre la police utilisant des bombes fumigènes et les manifestants répondant avec des jets de pierres et d’autres objets. Samedi matin, une centaine de proches et de militants des droits civiques, ainsi que plusieurs responsables de la ville, se sont recueillis sur le cercueil d’Akai Gurley dans une église baptiste de l’arrondissement de Brooklyn. Sa mère, Sylvia Palmer, et sa compagne, Melissa Butler, étaient présentes à la cérémonie. «Akai était innocent, innocent, innocent», a martelé le militant Kevin Powell. «Encore et encore, nous assistons à des lynchages des temps modernes. Akai Gurley n’en est que la dernière des victimes», a-t-il lancé, en appelant à l’inculpation du jeune policier. Le mot «lynchage», particulièrement lourd de sens aux Etats-Unis quelque cinquante ans après la déségrégation, a aussi été employé par le représentant de la famille, Kevin Powell, qui voit un lien entre les récentes affaires : «Nous estimons malheureusement que ça ressemble à une série de lynchages modernes», a-t-il affirmé. Les quatre soirées de manifestations consécutives à New York et dans d’autres grandes villes américaines ont été déclenchées par la décision, mercredi, d’un autre grand jury de ne pas poursuivre un policier blanc dans une autre affaire, celle de la mort d’Eric Garner en juillet sur l’île de Staten Island à New York. De multiples affaires policières se superposent en effet depuis cet été et alimentent les appels à une réforme des méthodes policières, et du système pénal en général. Manifestants et dirigeants des droits civiques accusent les policiers d’avoir trop souvent recours à une force excessive contre les Noirs, tout en étant rarement renvoyés devant la justice. Un représentant de New York au Congrès, Charlie Rangel, a tonné que le «cancer du racisme» persistait aux Etats-Unis.
R. I./Agences
Genèse
Le jeune Akai Gurley, 28 ans, a été tué par balles le 20 novembre «par accident» par un jeune policier blanc dans une cage d’escalier mal éclairée d’une HLM de Brooklyn. L’affaire a suscité l’émotion dans tout le pays et intensifié les manifestations dénonçant depuis cet été le comportement de la police dans une succession d’altercations mortelles face à des Noirs non armés, ravivant les tensions raciales. Dans le cas de la mort d’Akai Gurley, la justice new-yorkaise a annoncé vendredi la convocation d’un grand jury pour décider si le policier, Peter Liang, devait être poursuivi devant les tribunaux ou non. Le chef de la police de New York, Bill Bratton, avait souligné dès le lendemain qu’il s’agissait d’un «coup de feu accidentel» et que la victime était totalement innocente.