Le remodelage de la diplomatie américaine continue. Cette fois, c’est la Chine qui a les honneurs.
« Les relations entre les Etats-Unis et la Chine façonneront le XXIe siècle », a dit le président américain, Barack Obama, en ouvrant, lundi 27 juillet à Washington, un sommet destiné à convaincre Pékin que la coopération est la meilleure réponse aux défis communs : de la crise économique au changement climatique en passant par la prolifération nucléaire.
Plus de 150 hauts responsables chinois, dont 24 membres du gouvernement, participent à ce « dialogue stratégique et économique » de deux jours.
Le groupe devait être reçu mardi à la Maison Blanche, les chefs de délégation, le vice-premier ministre, Wang Qishan, et le vice-ministre des affaires étrangères, Dai Bingguo, ayant droit à un entretien séparé avec le président Obama et le vice-président, Joe Biden, dans le bureau Ovale.
Barack Obama a tenu à son habitude un discours visant à dépasser les nationalismes.
Il a cité le joueur de basket de Houston Yao Ming (2,29 m) aussi bien que le philosophe Mencius (un disciple de Confucius), avant de rendre hommage à la contribution des Américains d’origine chinoise, dont deux représentants figurent dans son cabinet.
Il a appelé à surmonter la « méfiance » mutuelle entre les deux pays et les « inévitables divergences du moment » pour faire du XXIe siècle celui de « la coopération, non pas de la confrontation ».
Sur les droits de l’homme, M. Obama s’en est tenu à l’attitude qu’il a observée en Russie ou dans le monde arabe.
Pas de reproches mais une explication détaillée des pratiques américaines.
« La défense des droits de l’homme et de la dignité humaine est enracinée en Amérique, a-t-il dit. Ce ne sont pas des choses que nous cherchons à imposer. C’est notre identité ».
Et les Etats-Unis n’ont réussi à maintenir leur unité qu’ »en étendant les droits fondamentaux à tous les habitants : liberté de parole, de religion et de choisir ses dirigeants ».
La critique la plus directe a porté sur le traitement des minorités.
« Tout comme nous respectons la culture ancienne et remarquable de la Chine, nous croyons aussi fermement que la religion et la culture des autres peuples doivent être respectées et protégées et que tous les peuples devraient être libres de donner leur avis. Et cela inclut les minorités ethniques et religieuses en Chine, tout aussi sûrement que les minorités aux Etats-Unis ».
En face d’eux, les responsables chinois ont trouvé l’ensemble des ténors de l’administration Obama : Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat, Tim Geithner, du département du Trésor, aussi bien que Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale (Fed), Larry Summers, l’économiste en chef de la Maison Blanche, Peter Orzsag, le responsable du budget, ou encore Steven Chu, le secrétaire à l’énergie.
L’administration Bush avait déjà tenu un « dialogue » similaire mais sous l’égide du seul département du Trésor.
Henry Paulson, son responsable d’alors, estimait qu’en dehors de Taïwan et du Tibet, la Chine voyait principalement ses intérêts stratégiques au travers du prisme économique et qu’il n’y avait pas lieu d’introduire d’autres dimensions.
Dès son arrivée, Mme Clinton a convaincu le président d’inclure le changement climatique et les questions de sécurité. Au risque de se trouver confrontée à une hydre bureaucratique.
« Quand on mène deux dialogues en même temps, le risque est de finir par dire des choses différentes, souligne Taiya Smith, l’une des organisatrices du dialogue sous l’administration Bush, aujourd’hui chercheuse au Carnegie Endowment for International Peace. Clinton et Geithner ont intérêt à devenir bons amis. »
Pour l’instant, l’administration fait grand cas d’avoir obtenu le soutien de la Chine pour une résolution renforçant la condamnation de la Corée du Nord en matière d’essai nucléaire.
A cet égard, les spécialistes font remarquer qu’à la veille du sommet de Washington, Pyongyang a subitement proposé « une forme de dialogue spécifique » avec les Etats-Unis ; offre qui a été immédiatement rejetée, les Etats-Unis veulent bien discuter avec les Nord-Coréens mais seulement dans le cadre des pourparlers à six.
Sur le plan économique, la partie américaine s’est félicitée des politiques mises en place.
« Face à la crise, la Chine et les Etats-Unis ont agi d’une manière plus similaire qu’avec la plupart des autres pays industrialisés », souligne David Loevinger, le coordonnateur Chine du département du Trésor. L’administration a répété à ses hôtes que la structure de l’économie américaine avait changé « probablement fondamentalement ».
Les divergences sur la politique monétaire ont été discutées.
« Nous avons parlé des taux de change chinois. Ils ont parlé de leur désir de réformer le système monétaire international », a dit le fonctionnaire du Trésor.
M. Bernanke a dû répondre aux responsables chinois, inquiets de la possible dépréciation de leurs réserves en dollars.
Peter Orszag a tenté de les rassurer en indiquant que le plan de relance courait jusqu’en 2011 mais que M. Obama s’était engagé à ramener les déficits à un niveau « supportable » avant la fin de son mandat.