Urine de chameau, aphrodisiaques, amincissant, traitement multi-maladies… L' »underground » d’un monde obscur

Urine de chameau, aphrodisiaques, amincissant, traitement multi-maladies… L' »underground » d’un monde obscur

Il n’y a pas de traçabilité pour ces produits on ne sait pas comment ils ont été stockés, ni d’où ils proviennent. Comme pour l’urine de chameau, la seule garantie ce sont des textes religieux apparus en même temps que le produit…

Un problème gastrique, un trouble du sommeil, une insuffisance sexuelle, un surpoids, une chute de cheveux… «Pas de panique, je connais un herboriste qui a un produit miracle pour ça.» Qui d’entre nous n’a pas reçu ce «précieux» conseil de l’un de ses amis après un problème de santé? En effet, les herboristes ont la cote ces dernières années. C’est même devenu un phénomène de mode. Certains citoyens ne jurent que par eux, influencés certainement par les chaînes satellitaires arabes qui en ont fait leur business.

Ils pullulent donc à travers le pays, faisant une rude concurrence aux pharmaciens. Même leurs enseignes n’ont rien à envier à celles de leurs «rivaux». On trouve même des centres géants «franchisés» par des «marques» internationales à l’instar du tristement célèbre théologien d’origine saoudienne, Mohamed Al Hashimi qui est aussi propriétaire de la chaîne télé Al Hakika. Dans ces jolies «pharmacies» aux bonnes odeurs très orientales, on trouve de tout. Des tisanes et autres produits dont l’efficacité pour des petits problèmes de santé, tels que les crises de côlon, n’est pas à démontrer. Ils sont naturels, ne présentant aucun danger pour la santé, bien au contraire. Mais cela, c’est le cours. Ces produits, qui servent plus de couverture pour les vraies «affaires», ne sont pas assez rentables.

Ça guérit cancer, sida, diabète…

On trouve donc le côté jardin avec des «ovnis» qui sont là pour guérir diverses maladies, particulièrement les plus incurables. A l’exemple du cancer, sida, diabète, psoriasis, hypertension artérielle, infertilité, panne d’érection…Bref, toutes les maladies auxquelles la science n’a pas encore trouvé de remèdes, n’ont plus aucun secret pour nos «savons». La star de ces produits est incontestablement «Haba Sawda» (la graine noire) qui soignerait plus de 50 maladies dont le cancer, le sida, l’asthme, le diabète…

Bon, cette «Haba Sawda» qui n’est pas aussi efficace que le prétendent nos «spécialistes» reste toutefois un moindre mal par rapport à ses dérivés, qui eux sont dangereux pour la santé. Avec un packaging des plus modernes, on trouve des gélules, des pommades et des sirops à base de cette «Haba Sawda» ou diverses autres plantes. Leur provenance reste inconnue. Sur leur boîte, on trouve inscrit «fabriqué en Arabie Saoudite, en Jordanie, Indonésie ou en Chine», mais sans plus de détails. Pas d’adresse de l’entreprise, juste un nom qui a tout pour être bidon.

Il n’y a pas de traçabilité pour ces produits, on ne sait pas comment ils ont été stockés ni d’où ils proviennent. Pis encore, on trouve même des «imitations» de certains produits amincissants où aphrodisiaques, dont les originaux sont déjà un danger. On cite l’exemple de la grosse saisie faite il y a une année à El Oued par la Gendarmerie nationale d’une valeur de 60 milliards de centimes. Parmi ces médicaments figurent des milliers de comprimés de Viagra, des additifs et des adjuvants, dont Vega-100, Vegah-Extra, Slimming-Plus, Dex-Up, Gee-Desca, Ginseng Kianpi-Pi (pour l’appétit), Ninoki et Viamasc-Power (pour perdre du poids).

Entre 200 et 300 dinars le «pipi»

Selon les résultats de l’enquête, ils étaient destinés à être vendus chez nos fameux «Aàchab». «En plus d’être inefficaces, voire dangereux, ces produits sont très chers», nous fait savoir un médecin qui a reçu plusieurs victimes de ces produits miracles. Néanmoins, ces «médicaments» ne sont rien comparativement à la nouvelle «tendance» du moment qui nous vient directement de chez nos frères saoudiens. Il s’agit ni plus ni moins que de l’urine de chameau. Les religieux wahhabite ne cessent de la recommander et leurs «scientifiques» de la confirmer.

D’après leurs «études» aussi poussées que celle de Zaïbet, l’urine de chameau est un traitement efficace contre le cancer. Il se base sur un hadith d’El Boukhari. «Il y a 1400 ans, des étrangers arrivent à Médine et tombent malades. Le Prophète (Qsssl) leur ordonne de boire le lait de chamelle pour se nourrir et de l’urine pour guérir. Ils retrouvent une santé de fer, mais les ingrats tuent le berger et emmènent les animaux», rapporte El Boukhari. Ce hadith devenu à la mode du côté de la péninsule Arabique a fait naître une vrai industrie où cette pisse de chameau est même conditionnée dans des canettes à la Red-Bull.

Chez nous, nos «aâchabes» la vendent au noir, sous la table. Elle est très demandée par les malades désespérés. Le litre de «pipi» de chameau est cédé entre 200 et 300 dinars en général, mais peut atteindre les 600 dinars dans certains cas. Selon la disponibilité, mais aussi la qualité. Peut-être que celui de 600 dinars ne soigne pas que le cancer…? Toutefois, il faut savoir que les autorités sanitaires mondiales ont mis en garde contre cette «boisson» qui serait à l’origine du Coronavirus, syndrome respiratoire du Moyen-Orient(petit nom: MERS-CoV), dont l’issue est souvent fatale. Cela n’empêche pas le fait que sa consommation soit en augmentation. Car, ceux qui en vendent font de la promotion religieuse se basant sur un hadith que les vrais religieux qualifient de «faible».

Finalement les épisodes très médiatisés de «Rahmet Rabi» et de la clinique de «rokia» de Belhamar ne sont qu’une suite logique de ce qui se fait discrètement tous les jours dans la société. C’est la face visible de l’iceberg. Dans l’ «underground» de la société algérienne, c’est un pullulement de médicaments, bizarres et nocifs pour la santé. Il y a un grave problème d’éducation sanitaire chez nos concitoyens qui offrent des millions à des charlatans pour des pseudos traitements alors qu’ils prennent difficilement ceux que leur prescrivent leurs médecins, et qui sont pourtant gratuits. En bons «commerçants», Zaïbet et Belahmar n’ont fait que «surfer» sur cette vague d’ignorance…