Réglée la crise de l’université après l’abrogation du décret 10-315 du 13 décembre 2010 ? Pas si sûr. Réunis, mercredi 22 février, en assemblée générale, les enseignants de l’université de Bejaia allument un véritable contre-feu contestataire.
En entendant décréter une préséance artificielle des diplômes du système LMD sur ceux du système classique, les rédacteurs de ce texte aussi vite promulgué qu’abrogé ont sans doute touillé dans le brasier dormant des suspicions nées avec la mise en place de cette nouvelle architecture des études qui se veut plus en phase avec les besoins du « secteur productif ».
Réunis, mercredi 22 février, en assemblée générale, les enseignants de l’université de Bejaia allument un véritable contre-feu contestataire. Proclamant une remise en cause du fond même de la philosophie qui a prévalu à l’instauration du système LMD, ils refusent, écrivent-ils dans une déclaration publique, « la subordination des parcours universitaires à l’économie dont l’état actuel est discutable ».
Ils demandent, à travers cette même déclaration, la tenue d’états généraux de l’enseignement supérieur pour une évaluation « objective et scientifique » des systèmes LMD et classique inscrit, depuis plusieurs années, dans un processus d’extinction progressive.
Au préalable, les enseignants formulent quasiment une plate-forme de révolution démocratique en demandant la mise en place du « principe électif » à tous les échelons de la hiérarchie universitaire : recteurs, doyens, chefs de départements, etc.
Tendant la perche aux étudiants qu’ils veulent apparemment traiter en alliés de cette nouvelle cause, ils exigent la reconnaissance des comités pédagogiques élus par les étudiants eux-mêmes.
Ils saluent la victoire arrachée par la mobilisation de ceux-ci autour de l’abrogation du décret 10-315 du 13 décembre 2010 tout en avertissant contre le risque de « promulgation d’un texte similaire relevant du même esprit de fuite en avant ».
Ils dénient d’ailleurs la qualité d’ « autorité pédagogique » à la CNCE, la Conférence nationale des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur qui avait recommandé au président de la République d’accepter les revendications des étudiants.
« Ses membres, écrivent les enseignants dans la même veine démocratique, ne sont que le prolongement politique de ceux qui les ont nommés ».
Bateau amiral du système LMD, c’est depuis Aboudaou, le flamboyant deuxième campus de l’université de Bejaia, que s’élèvent ainsi les clameurs d’un second souffle d’un mouvement né autour d’une revendication en apparence technique et quasiment gagnée d’avance.
Les enseignants entreprennent d’ôter le témoin aux étudiants pour donner le ton d’une contestation plus vaste visant une profonde refonte du système d’enseignement supérieur et une mise en écharpe du système LMD.
Véritable héraut de ce nouveau système de « formation supérieure », le très médiatique recteur de l’université de Bejaia est celui qui a inscrit les plus importantes ruptures avec le système classique malgré l’opposition, tantôt sourde tantôt assumée, des enseignants et des étudiants qui y voient un processus d’abandon de la vulgate académique et un apprêt à des options de privatisation latentes.