Il règne un très mauvais climat à l’université de Bejaia. Après les incidents de mardi 5 avril durant lesquels un bâtiment du rectorat a été incendié, les accusations fusent de part et d’autres.
Le recteur accuse un groupe d’étudiants et deux enseignants d’être à l’origine de l’incendie, les étudiants chargent le recteur et affirment détenir des preuves et les enseignants considèrent que le rectorat s’adonne à un jeu « dangereux ».
Le recteur de l’université de Bejaia a convoqué mardi 5 avril une réunion du conseil de direction, réunion à laquelle ont pris part les responsables des différentes facultés, les vices-doyens et le SG des facultés.
Le conseil de direction, après avoir fait le constat de la « destruction partielle et incendie du siège du rectorat en l’occurrence du bureau d’accueil du rectorat, la sous direction des finances, et de la Comptabilité, et le vice rectorat chargé des relations extérieures, la coopération, la communication, l’animation, et les manifestations scientifiques » ainsi que « le vols d’objets personnels et services », a condamné « fermement ces actes de violences étrangers à l’université ».
Les membres Conseil de direction qui pointent du doit « un groupe d’étudiants, soutenus par deux enseignants » sort la grosse artillerie « pour mettre fin à de tels agissements regrettables, injustifiables et inadmissibles », selon le PV de réunion dont DNA a obtenu une copie.
Le rectorat ne se contente pas de faire un constat mais engage désormais une action en justice.
C’est ainsi que le PV de réunion cite « le dépôt de plainte à l’encontre des auteurs des infractions auprès des autorités judicaires ». Le conseil de discipline est donc saisi « pour statuer sur le cas des étudiants auteurs des infractions et lui propose leur exclusion définitive de tous les établissements d’enseignement supérieur ».
Les décisions prises par les membres du conseil de direction ont provoqué un tollé chez les enseignants qui qualifie le PV de « déclaration incendiaire ».
« Au lieu de tenter d’apaiser les esprits et sauver ce qui reste de l’année universitaire et de se désoler de l’injonction de la violence au sein de notre établissement, ces membres accusent « deux enseignants» de soutenir un groupe d’étudiants et menacent d’exclure des étudiants…. Ce PV est une atteinte grave à l’éthique universitaire et ses signataires assumeront seuls les conséquences à venir», contre-attaquent le collectif des enseignants dans un communiqué parvenu à DNA.
« Les membres du conseil de direction auraient-ils souhaité que le rectorat brûle ?», se demandent-ils.
Contestant la version des faits comme relaté par le conseil de direction, le collectif d’enseignants souligne que ce sont « plusieurs collègues et non deux » qui ont intervenus vers 13h50 « pour faire entendre raison aux étudiants ». « Les étudiants très excités ont fini par entendre raison», ajoutent ces enseignants.
Le même collectif conteste les affirmations du conseil de direction sur l’étendue des dégâts. Ceux-ci se limitent, selon les enseignants, plutôt à « un micro et quelques chaises brûlés sur le parvis du rectorat, des bureaux saccagés, particulièrement celui du vice recteur chargé de la coopération, la loge des agents de sécurité… ».
«Aucun feu n’a été allumé à l’intérieur du rectorat, contrairement à certaines affirmations », ajoutent-ils.
Le collectif des enseignants tiendra par ailleurs une assemblée générale mardi 12 Avril à 11h au niveau de l’Amphi 3 du campus d’Aboudaou. Ordre du jour : contre-attaquer le rectorat.
« C’est pour répondre de manière précise et clair au communiqué dangereux du conseil de direction. ( …)Il incrimine des enseignants sans citer de noms. C’est une accusation grave. Alors que ce sont les enseignants qui sont intervenus pour éviter le pire », s’énerve un enseignant, membre du collectif à l’université de Bejaia, contacté par DNA.
Cet universitaire estime que le recteur cherche à allumer un contre-feu à même de fuir sa même de faire diversion sur ce qui s’est réellement passé mardi dernier.
Selon lui, le recteur n’est pas à son premier acte. « Ce n’est pas la première fois qu’il menace les enseignants de poursuites judiciaires. Il a envoyé des agents de sécurité pour agresser des enseignants en grève en 2006 », dit-il.
Une pétition signée par de nombreux enseignants qui dénonce « le comportement du recteur » circule, selon notre interlocuteur.
Mardi 12 avril, les étudiants de l’université de Bejaia devront, pour leur part, battre le pavé à l’appel de la coordination nationale autonome des étudiants.
Pour les étudiants, la responsabilité de ces incidents sont à chercher du côté du rectorat. Ils récusent les allégations du recteur de l’Université avancent une autre version des faits.
Mohamed Lamine, l’étudiant à l’origine de ces incidents, se défend d’avoir agressé le recteur. « Il était 9 h30 lundi, raconte-t-il à notre confrère El Watan (édition du mardi 5 avril), Le comité des étudiants du département de droit a organisé une assemblée générale pour discuter des problèmes auxquels nous faisons face. Les étudiants ont bloqué tout accès au bloc 4 qui abritait cette réunion (…). »
Et d’ajouter : « Les agents de sécurité sont venus pour forcer l’ouverture des portes. Nous avons tenté de les en empêcher en leur disant que c’est notre droit de faire grève. (…) Le recteur, qui est entré dans la salle, m’a lancé des propos désobligeants et m’a tenu par les mains pour m’immobiliser. C’est là qu’un agent de sécurité a surgi pour m’asséner un coup à la mâchoire avec le coude. Le sang a giclé. Je me suis rendu ensuite dans un centre de soins où on m’a délivré un certificat médical. J’ai porté plainte contre le recteur et l’agent de sécurité pour agression. »