Ecosystème
Le marché des services pétroliers reste dominé par les compagnies étrangères. En 2015, plus de cinquante ans après l’indépendance, l’Algérie reste fortement dépendante de l’extérieur en équipements, pièces, ingénierie, procédés technologiques destinés au secteur des hydrocarbures. Concernant uniquement le segment études pour les projets de Sonatrach, l’Algérie dépense plusieurs milliards de dollars en devises annuellement. Ce qui contribue sensiblement à la hausse de la facture importations de services qui a atteint le niveau inquiétant de plus de 10 milliards de dollars par an. Tout cela résulte des différentes réorganisations sectorielles des années 80-90-2000 et du recours tous azimuts à l’import de services.
Notons que durant cette longue période la matière grise, en un mot la capacité d’ingénierie locale, a été laminée. Mais dans ce seuil sans précédent d’importations de services, force est de constater que la part belle est réservée aux surfacturations et aux contrats irréguliers et, partant, à la corruption.
Sonatrach I et Sonatrach II ne constituent que la face émergée de l’iceberg. Tout cela reste favorisé par l’impunité dont jouissent de hauts responsables qui ont su tirer les ficelles de l’opacité qui règne dans le secteur. Au jourd’hui, la tentation d’accaparer des marchés irréguliers dans le segment des services pétroliers n’a pas disparu, encouragée par l’absence de mécanismes efficients de contrôle, d’institutions de lutte contre la corruption transformées en coquilles vides et d’une justice guère indépendante. à cela s’ajoute un gap technologique inquiétant. Nous ne savons pas par nos propres moyens réaliser une raffinerie, un complexe de GNL. Face à ce déficit, nous recourons quasiment aux sociétés étrangères. L’ingénierie, l’achat des équipements, la construction, nous les confions à des compagnies de pays qui n’ont pas l’expérience algérienne en matière de pétrole ou de gaz : Corée du Sud, Japon… Le ministre de l’énergie, Youcef Yousfi, a voulu briser cette fatalité en confiant à Sonelgaz, puis un peu plus tard à Sonatrach les missions d’ériger une industrie locale d’équipements pour le secteur de l’énergie, et de réaliser progressivement les projets en EPC par des moyens nationaux. La première pierre principale posée dans ce chantier est la construction d’une usine de fabrication de turbines à gaz. Dans la foulée, Sonatrach a signé récemment deux accords préliminaires respectivement avec General Electric et le britannique Petrofac pour la fabrication d’équipements pétroliers en Algérie et le développement d’une forte capacité d’ingénierie locale. La compagnie pétrolière nationale mène actuellement des discussions avec des compagnies étrangères et locales pour la fabrication d’appareils de forage et de pompes et vannes spécifiques à la branche en Algérie. Mais les fruits de cette politique ne seront récoltés que dans trois à cinq ans.

N’oublions pas aussi dans ce contexte que le rôle essentiel de Sonatrach est de découvrir du pétrole et du gaz, de le produire. Du coup, la compréhension du sous-sol est primordiale. La maîtrise des sciences telles que la géophysique et la géologie est ainsi une nécessité absolue pour Sonatrach. Sa mission de donneur d’ordres est également importante. Forte de cette puissance, elle peut orienter ses filiales et le tissu de PME locales vers plus d’intégration dans l’industrie des hydrocarbures. Mais Sonatrach ne peut à elle seule corriger les effets de plusieurs décennies de “désindustrialisation”. C’est l’affaire de tout un écosystème : présidence, ministères de l’énergie, de l’Industrie et des Mines, entreprises, associations patronales, administrations, services d’appui, formation et recherche. D’ici là, c’est toujours la grosse pêche aux contrats pour les compagnies étrangères. Cette tendance a été confirmée lors de la tenue du Salon international des hydrocarbures à Alger, la semaine dernière.