Une virée dans la ville côtière de ténès : Les pieds dans l’eau mais la tête ailleurs

Une virée dans la ville côtière de ténès : Les pieds dans l’eau mais la tête ailleurs

Vieille de plus de 3000 ans, la ville offre un paysage et un panorama paradisiaques à ses visiteurs, qui se heurtent toutefois à l’absence d’infrastructures adéquates.

C’est l’été à Ténès, ville encastrée dans les monts du Dahra, face à la mer. Vieille de plus de 3 000 ans, cette ville du littoral chélifois, s’apprête à accueillir ses premiers vacanciers. Dans la ville, nulle trace palpable de quelconques préparatifs d’une saison estivale qui sera cette année «pleine, comme d’habitude», nous déclare H’mida, un vieux pêcheur qui a refusé de quitter sa vieille maison près de la plage pour un F3 en ville.

A peine les deux jours de l’Aïd el Fitr passés, voilà que les premiers estivants commencent à pointer le nez avec pour destination les plages du littoral est de la daïra, de Ténès, vers Mostaganem, Oued El Melh, Sidi Abderrahmane, La Marsa, El Guelta, Oued Zeboudj, autant de plages magnifiques qui accueillent chaque année des millions de vacanciers et d’estivants venus des wilayas de l’intérieur: Tiaret, Chlef, Aïn Defla, Relizane ou encore Tissemsilt. Il y a également le rush des émigrés qui rentrent chaque année au pays pour profiter autant des plaisirs de la mer que de moments agréables avec la famille. Dans la région, et même si on est émigré, que l’on vit en France ou aux Etats-Unis, l’amour du «bled» est toujours plus fort.

La réalisation de l’aéroport de Gouasmia, dans la ville de Chlef, a énormément contribué à ces retrouvailles familiales annuelles, vu que les émigrés de la région ne transitent plus de l’aéroport d’Alger ou d’Oran. Le point noir toujours ressassé par les gens d’ici et les estivants, est que la ville, depuis longtemps, n’a jamais offert l’infrastructure touristique adéquate.

«L’absence d’hôtels, de pension et autres appartements en location représentent un grand handicap pour le tourisme à Ténès», souligne un estivant qui loue chez un habitant. Une formule pratiquée seulement par les gens qui ont des connaissances dans la ville, ou ceux qui ont des parents dans les villages côtiers de cette daïra, comme Sidi Abderrahmane, Dramla, Chaârir ou Oued Lekseb, près de la station de dessalement, installée dans la baie de Mainiss, tout près de la décharge de la ville: «C’est dire combien le tourisme est délaissé dans notre région», déplore Merouane, qui voudrait bien voir «Ténès accueillir plus d’estivants avec des structures d’accueil dignes».

Tourisme, parent pauvre de la ville

Ténès, avec ses ports de pêche et de commerce, n’a pas plus de deux hôtels qui offrent le gîte et le couvert à longueur d’année à des travailleurs, pas des vacanciers. Après la destruction par les terroristes de l’hôtel Cartenna, en haut de la ville, qui surplombe la baie ténésienne, les autorités n’ont plus construit d’hôtel et les investisseurs ne sont pas intéressés par le tourisme, laisse tomber H’mida, qui regrette que «notre ville n’offre aucun service aux estivants».

«Ici, c’est toujours la beauté sauvage du site, depuis des millénaires.

Si tu veux passer un bon mois de vacances, installe-toi dans une des baies de la région, comme à Traghnia, plante ta tente et profite des plaisirs de la mer. Du camping sauvage comme à la belle époque, tout près de la mer et de la forêt», ajoute cet habitant de Ténès. Et ce n’est que récemment qu’un décret portant réalisation de zones d’expansion touristique dans la région a été approuvé par le gouvernement.

Ainsi, ce décret portant approbation des plans d’aménagement de zones d’expansion et sites touristiques dans la wilaya de Chlef, c’est-à-dire de la daïra de Ténès et la Marsa, a été publié au Journal officiel n° 11-2014. Il s’agit des ZET (zones d’expansion technique) de Tigheza (à l’est, à la sortie de Damous, Mainiss (10 km à l’ouest de Ténès, et Aïn Hamada (dans la daïra de La Marsa). Ces plans, qui tardaient à voir le jour, ne sont pour le moment que des projections, en attendant leur réelle concrétisation par des structures d’accueil pour un littoral de 120 km parmi les plus beaux du pays. Car, en matière de sites, Ténès dispose d’atouts considérables qui tardent à être mis en valeur. Avec ses quelque 40.000 habitants, ses nouvelles Zhun (zones d’habitat urbain nouvelles) qui s’étirent mollement sur la côte à l’est, la ville de Ténès n’en finit pas de vivre des temps difficiles.

Une décharge «technique» dans un paysage de rêve

«Comment veux-tu que les touristes viennent dans notre région et fassent tourner le business local, acheter nos produits agricoles et faire vivre nos familles quand les élus locaux, au lieu d’investir dans les camps de vacances, les lieux d’hébergement, pensent à réaliser une décharge dans l’un des plus beaux sites de la région», raconte encore H’mida, qui fulmine contre le «laisser aller ambiant» à Ténès.

En fait, l’APC de Ténès avait récemment proposé, après étude, d’installer une décharge près de Traghnia, une vallée connue pour ses produits agricoles (blés figuiers, abricotiers, pommiers), ses forêts de pinèdes, et, surtout, pour être pratiquement le réservoir de la ville avec ses rivières et son château d’eau. «Comment peut-on réaliser une décharge dans une région d’où est tiré l’essentiel de l’eau potable de la ville où l’incinération des ordures ménagères menace en été les forêts avoisinantes, celles de Traghnia et de Cap Ténès notamment?», se désole de son côté un cadre de l’Entreprise portuaire de Ténès (EPT).

Durant la seconde moitié du mois de Ramadhan, des manifestations ont été organisées par les habitants de Rouaichia, où cette décharge a été programmée pour dénoncer ce projet. «Une manifestation citoyenne contre ce projet démentie», nous informe encore ce cadre de l’EPT. Des manifestations ont été organisées pour dénoncer un projet «absurde», relève de son côté H’mida, qui ne comprend pas «cette décision, alors que la région est réputée pour la beauté de ses baies, de ses forêts et de ses coteaux d’où est tiré le meilleur muscat d’Algérie».

Le poisson, le rouget et la dorade

Par ailleurs, le langage courant de la ville est bel et bien le langage du poisson. Nul autre endroit d’Algérie ne peut se targuer d’avoir le meilleur rouget de roche, la belle dorade argentée ou des dentis introuvables ailleurs dans la côte algérienne. Le littoral ténèsien, avec ses fonds rocheux, offre en fait une riche flore et un habitat idéal pour les grandes espèces de poisson de la côte ténésienne, comme la saupe (Chelba), le rouget de roche, la dorade et le sar royal, qui font le bonheur des pêcheurs à la ligne et les amateurs de chasse sous-marine.

Et lorsque les premiers arrivages de «muscat» sont en vente près du marché couvert de la ville, cela voudrait dire «l’été est là, ya kho», comme nous l’a expliqué encore H’mida, notre guide dans cette balade au coeur de cette ancienne cité punique, romaine, byzantine, vieille de plus de 3000 ans, où un des frères Barberousse, Issa, qui a vécu dans l’ombre de ses grands frères (Arroudj et Kheireddine) a été tué. C’est également cette Cartenna (ou Cart Ennas selon la légende) que Léon l’Africain a visitée et a raconté la richesse de ses produits agricoles, son miel et son climat doux.