Les autorités algériennes ont beau affirmer que les élections législatives de jeudi seront une étape marquante vers une démocratisation de la vie politique, nombreux sont ceux qui ne croient pas dans les promesses du pouvoir.
Et ils n’attendent donc guère de changements à la suite de ce scrutin, qui ne devrait pas attirer les foules.
Pour la première fois en un demi-siècle d’histoire de l’Algérie indépendante, les partis islamistes modérés devraient devenir le bloc le plus important à l’Assemblée nationale, qui compte 462 sièges, estiment diplomates et analystes.
L’Algérie suivrait de fait la tendance observée lors des élections intervenues en Tunisie, en Egypte et au Maroc dans la foulée du « printemps arabe ».
Il y a peu de chance qu’un tel scénario, s’il se confirme, engendre des changements de taille: les islamistes qui l’emporteraient sont des modérés, respectueux des institutions. Plusieurs de leurs dirigeants sont déjà ministres, comme Amar Ghoul, qui détient le portefeuille des Travaux publics.
En outre, participe aussi à ce scrutin le Front des forces socialistes (FFS), la plus importante force de l’opposition, qui a annoncé en mars qu’elle mettait fin à quinze années de boycottage des élections.
Peu d’Algériens aspirent à un soulèvement. La population est toujours hantée par la guerre civile, qui a fait dans les 200.000 morts dans les années 1990 et au début des années 2000. De son côté, le gouvernement propose une transition maîtrisée vers la démocratisation du système.
Le président Abdelaziz Bouteflika avait promis en avril 2011 la tenue de ces législatives, deux mois après un début de manifestations qui avaient été étouffées dans l’oeuf par la police anti-émeutes. Dans le même temps, le chef de l’Etat avait promis d’amender la Constitution afin de « renforcer la démocratie représentative ».
PLACE AUX JEUNES
Mardi, dans un discours prononcé à Sétif, dans l’est du pays, le président Bouteflika a estimé que les élections législatives marqueraient une étape décisive dans le programme de réformes, et il a appelé la population à se rendre massivement aux urnes. « Cette élection (sera un) test pour la crédibilité du pays », a-t-il estimé.
« Je ne m’attends pas à une forte participation », a pourtant pronostiqué le même jour Noureddine Benissad, chef de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme. « La rue algérienne a perdu tout intérêt pour les élections ».
« La faible crédibilité du régime algérien fait que beaucoup d’électeurs devraient continuer à s’abstenir », observe quant à lui Riccardo Fabiani, analyste du cercle de réflexion Eurasia.
En outre, nombre d’Algériens pensent que les élections ne changent rien. Le vrai pouvoir, selon eux, est entre les mains d’un réseau informel qui a pour origine les forces de sécurité.
Les revenus pétroliers du pays, qui était en 2010 le quatrième plus gros producteur de brut d’Afrique, a contribué à l’amélioration du niveau de vie, et les Algériens estiment que le conflit meurtrier en Libye voisine est l’exemple même de ce qu’il faut éviter.
La première mesure, après ces législatives, sera selon bon nombre d’observateurs la nomination d’un nouveau Premier ministre.
Le sortant, Ahmed Ouyahia, est en place depuis 2008 et le programme de nationalisme économique qu’il a fait appliquer a singulièrement refroidi le climat des affaires. Une relative ouverture devrait intervenir dans ce domaine. Amar Ghoul, islamiste modéré, pourrait lui succéder.
Puis devrait venir la révision de la Constitution, qui devrait redistribuer au parlement une partie des pouvoirs actuellement dévolus au chef de l’Etat.
Cela devrait être suivi de la tenue d’une élection présidentielle. Agé de 75 ans, Abdelaziz Bouteflika, de santé fragile, ne devrait pas briguer de quatrième mandat.
Lors de son intervention à Sétif, il a évoqué le besoin de voir une nouvelle génération prendre les rênes du pays. « Pour nous, c’est terminé », a-t-il dit, laconique.