Une usine Renault en Algérie, ce n’est pas pour demain

Une usine Renault en Algérie, ce n’est pas pour demain

« Il n’y a rien de nouveau par rapport au projet Renault en Algérie, Raffarin n’en a jamais parlé, on se demande d’où les chiffres annoncés par la presse ont été sortis, en plus, ils sont faux ! », nous a affirmé hier un responsable français.

Lors de la visite de Jean-Pierre Raffarin, le ministre de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement a déclaré à la presse que le projet Renault est en bonne voie. Seulement Mohamed Benmeradi a étonné les observateurs par son optimisme à propos de la réalisation d’un projet dont les promoteurs se perdent depuis de longues années en conjectures.

« Benmeradi est libre de faire les déclarations qu’il veut mais pour ce qui est du projet Renault, il n’y a absolument rien de nouveau ! En plus, les chiffres annoncés sont totalement faux ! », nous affirme un des responsables d’une institution économique française. Des diplomates français tiennent le même langage à ce sujet. « Il est vrai que les négociations sont toujours en cours, mais il n’y a rien de nouveau et ça nous étonnerait fort que ça aille vers quelque chose de concret du moins pour les mois à venir », soulignent nos interlocuteurs.

Les diplomates français pensent que « ni l’une ni l’autre partie ne semble convaincue de la réalisation de ce projet. Il faut aussi avouer que Renault ne va pas créer une usine en Algérie alors qu’elle en a une au Maroc et un grand nombre de sous-traitants en Tunisie. » les diplomates se demandent dans ce cas « ce que va gagner l’Algérie en matière d’intégration du produit ?!? »

Le président du Conseil consultatif pour la promotion et le développement de la PME garde à l’esprit les longues étapes de ce qu’on se plaît à qualifier de « négociations entre les autorités algériennes et les responsables de Renault pour la réalisation d’un projet sur les soubassements de la SNVI ». Il rappelle ainsi que « jusqu’à maintenant, on est toujours au niveau des négociations, et rien n’en a jailli ». Zaïm Bensaci interroge si « les Algériens sont véritablement prêts à donner les facilités qu’il faut pour la réalisation du projet et si Renault veuille bien aller à l’essentiel dans ce que ses responsables avancent ».

PROJET RENAULT : LES RAISONS D’UN BLOCAGE

Notre interlocuteur estime que « c’est toujours comme ça avec les Français, on ne décèle pas chez eux un désir réel d’investir ». Il anticipe quelque peu en soulignant que « ce qui risque de se passer, c’est qu’on avance qu’il n’y a pas d’équipementiers français installés chez nous pour parler d’intégration algérienne dans la réalisation du véhicule. Ils existent bien en Tunisie et au Maroc mais pas chez nous. » Bensaci affirme que « l’Algérie compte 417 sous-traitants sous forme de micro-entreprises ou de PME qui gravitent autour de la SNVI mais ils n’ont rien à voir avec l’automobile que les Français nous promettent ». Il estime véritablement que « l’intégration pose problème et si c’est pour importer toutes les pièces pour monter un véhicule et nos sous-traitants ne pourront intervenir que pour serrer les boulons, ça ne vaut pas le coup ! » Interrogé sur les objectifs que visent l’organisation de la conférence sur l’entreprenariat entre les pays du Maghreb et les Etats-Unis, le président du CCPDPME pense que « ça pourrait être sérieux puisqu’il s’agit de présenter l’entreprenariat américain qui est un modèle très intéressant et que si on le calque, notre entreprenariat répondra aux normes européennes et occidentales, on pourrait sortir de cette impasse ».

Bensaci note que « les Américains misent sur les jeunes – ce qui est bien et prometteur. Ils veulent les aiguiller et les aider à créer leur entreprise selon les normes internationales. On devrait développer cette mécanique qui est sous-tendue par un volet politique que les autorités des deux pays veulent faire évoluer d’une certaine manière, c’est-à-dire celle qui respecte et préserve leurs intérêts mutuels. »

L’IMAGE DE L’ALGÉRIE EN POINT DE MIRE CHEZ LES BRITANNIQUES

Pour le président du CCPDPME, « la volonté pour promouvoir cet entreprenariat existe chez les deux pays, en plus elle concerne tout le Maghreb ». Il est vrai que les Américains ont toujours fait savoir qu’ils trouveraient leur compte dans un Maghreb « globalisé ». Initier les normes d’entreprenariat aux jeunes des cinq pays maghrébins leur permettra de cibler en même temps un marché maghrébin de plus de 80 millions de consommateurs, presque vierge et de surcroît prometteur en potentialités humaines et naturelles. Une véritable aubaine en ces temps de crise mondiale et d’essoufflement des marchés traditionnels mondiaux qui, pensent les observateurs, « sont arrivés à leur limite ».

Les diplomates britanniques, pour leur part, continuent de voir en l’Algérie « un pays instable en matière de législations et de lois, et traînant une lourde bureaucratie sans compter l’instabilité sécuritaire ». Un d’entre eux estime ainsi que « si les investisseurs étrangers ne viennent pas en Algérie et n’investissent pas c’est parce qu’ils pensent que la sécurité pose encore problème, les lois sont changées au moment où on s’attend le moins, et la bureaucratie est lourde ». Zaïm Bensaci nous a d’ailleurs aussi souligné qu’« en matière d’affaires commerciales, ça n’a pas diminué après l’adoption de la LFC 2009 mais on n’a pas vu d’investissements étrangers. On ne risque pas d’en avoir tant que les lois sont changées sans en peser les conséquences et les règles ne sont pas et une fois pour toutes clairement définies ».

Les diplomates britanniques vont loin dans leur interprétation des choses. « L’Algérie n’a jamais eu un réseau de relations publiques dynamique et efficace qui pourrait changer son image auprès des investisseurs étrangers. L’Algérie est toujours pour les étrangers ce pays où on vit dans l’insécurité et où la bureaucratie plombe le climat des affaires. »

Ghania Oukazi