Le président Bouteflika est rentré au pays, son absence sur la scène nationale depuis près d’un mois a fini par relancer les appels pour des solutions qui, pour les appeler par leur nom, proposent de mettre fin au mandat du chef de l’Etat.
En même temps, cellesci proposent, au lendemain de l’application du fameux article 88, la mise en place d’une période dite de transition où, encore une fois, le nom de l’ancien président et général à la retraite, Liamine Zeroual, est évoqué pour en présider le processus. Nul besoin ici de rappeler l’argumentaire avancé par plusieurs parties s’inscrivant dans l’opposition, depuis peu pour certaines d’entre-elles.
Ni de revenir sur la position de l’institution militaire, appelée à «déposer» le président de la République, et qui s’est bien prononcée en faveur de la légalité, quand bien même il s’en trouve pour dire que l’article 88, sur l’absence du chef de l’Etat pour maladie, est effectivement flou sur bien des aspects.
Mais le plus important est de retenir que ces appels qui, sous couleurs de débloquer les institutions de la République et de relancer la vie nationale, à croire que absolument tout est figé depuis avril dernier, convergent vers une idée simple et dangereuse, la suspension de la Constitution.
En effet, la période de transition, dont on parle, n’est aucunement prévue par la loi fondamentale en vigueur depuis 1996 et la mettre en place c’est quitter l’ordre constitutionnel et évoluer sans la moindre référence légale ou institutionnelle.
Le raisonnement est le suivant : constatant que l’article 88 ne suffit pas pour mettre fin au mandat du Président, on nous propose la suspension de toute la loi fondamentale dans sa totalité.
On pourrait considérer que c’est un point de vue qui vaut ce qu’il vaut, qu’on pourrait en débattre, encore faut-il ne pas oublier que suspendre l’ordre constitutionnel dans un pays est un acte qui n’a de gravité qu’un coup d’Etat, lorsque cela ne revient pas au même, ou alors lorsque le pays est face à une crise majeure, voire une menace extrême.
Peut-on dire de même de la maladie de Abdelaziz Bouteflika ? Revenu mi-juillet après un séjour médical et une rééducation en France entamés fin avril, il est vrai que le Président n’a pas été vu depuis son arrivée à Alger.
Le pays ne semble toutefois pas en crise, contrairement à ce que veut nous faire accroire l’insistance aveugle avec laquelle on réitère l’invitation à Liamine Zeroual. L’ancien Président a dit et redit à partir de Batna qu’il a définitivement quitté la politique.
Mais on utilise encore son nom, car sa seule évocation rappelle aux Algériens la crise des années 1990, le gouffre vers lequel se dirigeait le pays et le besoin urgent pour ce dernier de se trouver un sauveur et qui l’a trouvé avec la forte détermination de Liamine Zeroual face au terrorisme. Mais tout cela n’est que tentative de manipulation des foules par une communication indirecte, subliminale et savamment calculée.
Officiellement, et on a vu qu’il n’y a aucune raison de ne pas croire ce que nous dit la communication officielle, et pendant que le reste des institutions poursuit ses activités, le président Bouteflika poursuit sa convalescence. On peut bien sûr se poser des questions. Comme de savoir si celui-ci pourrait ou non recouvrer sa pleine vigueur d’avant sa maladie, c’est-à-dire guérir complètement.
Ou alors, est-ce que le président Bouteflika ne fait que réserver le meilleur de ses forces pour les vraies batailles, c’est-àdire la révision constitutionnelle ou l’élection présidentielle de 2014, sans vouloir disperser son énergie revenante à démentir telle ou telle campagne médiatique ? Au vrai, nous n’en savons rien.
Mais il semble que rien ne permet d’envisager la suspension de la Constitution d’un pays pour le motif que son Président est malade et qu’il semble pour certains qu’il ait tardé à reprendre ses fonctions. Sauf à élaborer des constitutions où un chef d’Etat n’a tout bonnement pas le droit d’être malade.
Le fait est que l’aventure d’une transition politique hors Constitution est naturellement plus dangereuse que l’absence prolongée d’un chef de l’Etat. Surtout quand on se trouve à quelques mois de l’élection présidentielle. Mais la première solution, contrairement à la seconde, semble offrir nettement plus de marge de manoeuvre pour certaines forces politiques.
Pour elles, le maintien de Abdelaziz Bouteflika jusqu’à avril 2014, sinon au-delà à travers un 4e, mandat signifie qu’elles n’ont aucune perspective, aucune carte à jouer tant la question du pouvoir est pour ainsi dire réglée. Et cela, que ce soit à travers un quatrième mandat de Bouteflika ou que ce dernier puisse peser sur sa succession dans le cas où son état de santé ne lui permet plus de gouverner normalement.
N. B.