Alors que la commission de révision constitutionnelle, installée lundi dernier est à pied d’œuvre pour proposer au président Bouteflika un projet d’amendements, dans la presse le débat s’emballe. Dimanche Fatiha Ben Abou, professeur de droit constitutionnel est invitée à la radio pour donner son point de vue sur cette question qui polarise actuellement le débat politique.
D’abord sur la problématique des mandats, elle s’est prononcée sans hésitation pour la limitation, expliquant avec force arguments qu’il s’agit d’une tendance universelle. « C’est le sens de l’histoire » appuie t- elle. Est-ce que la commission Kerdoum (du nom de son président) va abonder dans ce sens , sachant que c’est le président Bouteflika qui avait en 2008 pulvérisé cette disposition pour s’ouvrir la voie à un troisième mandat ?
Au sujet du poste de vice président, qui serait le souhait du président Bouteflika, cette universitaire y souscrit totalement. Elle explique sa position par le fait que, dans le cas d’une vacance du pouvoir, pour une raison ou une autre, le vice président pourrait assurer la continuité du pouvoir et achever le mandat du président. Mais pour que le vice président puisse avoir une légitimité, l’invitée de la radio estime qu’il doit être lui aussi, comme le président, élu au suffrage universel. Sorte de ticket à la mode américaine.
Au passage Ben Abou rappellera que le poste de vice président existait déjà dans la constitution de 1976, à l’époque du président Houari Boumediene. Sauf que ce poste, n’a jamais été pourvu, le président de l’époque ayant préféré concentrer la totalité des pouvoirs entre ses mains.
Quel type de système politique pour l’Algérie ? Elle est pour un régime présidentiel, « compte tenu du niveau actuel de la conscience politique en Algérie », justifie t-elle en se prononçant cependant pour un Premier ministre doté d’un certain nombre de prérogatives. Sorte de fusible en cas de crise qui permet au président en tant qu’arbitre suprême de se préserver. Mme Ben Abou est favorable au maintien du Conseil de la nation. Selon elle, il représente une sorte de contre poids à l’APN.
De par sa composante et notamment le tiers présidentiel, la chambre haute est de nature à mettre un frein aux velléités hégémonistes des élus de la chambre basse tentés de « plaire à leurs électeurs ». L’invitée de la radio a distingué entre un « bicaméralisme égalitaire » qui donne les même prérogatives aux parlementaires des deux chambres et « le bicaméralisme inégalitaire » qui donne une prééminence à la chambre basse.
C’est en l’occurrence le cas de l’Algérie où les députés ont une initiative des lois et la capacité de les amender. Ce qui n’est le cas pour le Conseil de la Nation qui peut bloquer dans le cas où il considèrerait que la loi où les lois en question posent problème. Et dans ce cas de figure il revient au Premier ministre de mettre sur pied une commission paritaire à égalité des membres entre le Sénat et la chambre basse pour trouver un terrain d’entente sur les lois objet de divergences.
Madame Ben Abou, considère en outre que l’exécutif en Algérie est « hégémonique » et propose plus d’autonomie pour les autres pouvoirs, législatif et judiciaire. Elle se dit favorable à un parlement contre pouvoir avec la possibilité de retirer la confiance à l’exécutif. Au sujet de la Justice, elle commence par rappeler que l’indépendance de celle-ci est un des marqueurs des régimes démocratiques.
«Un pouvoir judiciaire indépendant, ce n’est pas pour les beaux yeux d’une caste de professionnels. L’indépendance de la justice est un des réquisits de l’Etat de droit. Car, l’on doit protéger les droits et les libertés fondamentales de l’individu, de l’homme, du citoyen. Et cette protection, seul un pouvoir judiciaire peut la garantir » dit elle en constatant que l’Algérie, à l’aune de ce paramètre, est actuellement très loin du compte.