Pendant près de deux ans et demi, les ports ont ralenti, les cargaisons se sont faites rares, et les balances commerciales ont vacillé. Le commerce entre l’Algérie et l’Espagne, autrefois dynamique, a subi un gel quasi total en raison de tensions diplomatiques liées au dossier du Sahara occidental. Mais voilà que les chiffres repartent à la hausse.
Depuis la levée des restrictions bancaires en novembre 2024, les entreprises des deux rives de la Méditerranée retrouvent un rythme d’échanges presque similaire à celui d’avant la crise.
Entre janvier et mai 2025, les exportations espagnoles vers l’Algérie ont explosé, enregistrant une progression spectaculaire de 162 %. Et ce n’est pas qu’un frémissement, certains secteurs clés sont déjà revenus à leur pleine vitesse. Ce regain d’activité commerciale se fait pourtant en marge d’un apaisement politique qui tarde à se concrétiser.
Algérie – Espagne : le commerce bilatéral retrouve ses repères après 882 jours de gel
Le sursaut est indéniable. Selon les données relayées par El Independiente, les exportations espagnoles vers l’Algérie ont atteint environ 900 millions d’euros entre janvier et mai 2025, soit une augmentation de 162 % par rapport à la même période l’année précédente.
Le mois de mai illustre à lui seul l’ampleur du redémarrage, 217 millions d’euros de marchandises espagnoles ont été expédiées vers l’Algérie, contre seulement 54,5 millions en mai 2024. En à peine un an, les flux commerciaux ont presque quadruplé.
Le secteur céramique figure parmi les plus dynamiques. « L’Algérie a repris son activité commerciale avec force, avec des chiffres très proches de ceux d’avant 2022 », affirme Manuel Breva, secrétaire général de l’ANFFECC, l’association espagnole des fabricants de produits pour la céramique.
L’industrie céramique reprend du terrain face à la Turquie
Installées principalement à Castellón, les entreprises espagnoles de la céramique ont regagné leur place sur le marché algérien, perdu au profit de concurrents turcs et italiens durant le blocage.
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Quelques données clés :
- En janvier et février 2025, les ventes de produits céramiques espagnols vers l’Algérie se sont élevées à 17,8 millions d’euros.
- Un montant presque équivalent à celui des ventes vers l’Italie (19 millions d’euros).
- En deux mois seulement, ces entreprises ont doublé le volume exporté par la Turquie vers l’Algérie sur toute l’année 2024.
Ce redressement positionne l’Algérie comme deuxième marché d’exportation du secteur, juste derrière l’Italie.
Des secteurs porteurs malgré un contexte politique tendu
La reprise ne se limite pas aux produits céramiques. Plusieurs filières sont en plein redémarrage :
- Agroalimentaire ( viande…)
- Composants industriels
- Chimie et machinerie
- Équipements électriques
- Automobile
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Pour Djamal Eddine Bouabdallah, président du Cercle de commerce et d’industrie algéro-espagnol, « nous sommes déjà à des niveaux d’avant la crise ». Il insiste sur le fait que, malgré un certain protectionnisme, « beaucoup de force et d’opportunités » subsistent dans ces secteurs.
La proximité géographique, selon lui, est un levier majeur : « Nous sommes à seulement huit heures de bateau. Nous pouvons construire une intégration industrielle. »
Un redémarrage économique sans normalisation politique
Le rétablissement commercial contraste avec l’évolution plus timide des relations diplomatiques. Si les entreprises ont renoué avec le marché algérien, la confiance politique, elle, reste fragile.
Entre juin 2022 et novembre 2024, l’Algérie avait imposé un blocage quasi total des échanges commerciaux avec l’Espagne, en réponse à la position espagnole sur le Sahara occidental.
Durant ces 882 jours, les exportations espagnoles vers l’Algérie sont passées de 2,9 milliards d’euros (2019) à 332 millions (2023). En parallèle, près de 9 000 entreprises ont cessé leurs ventes vers le pays.
Le déblocage officiel est intervenu le 6 novembre 2024, lorsque la Banque d’Algérie a levé les restrictions bancaires.
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Toutefois, le gaz n’a jamais été interrompu, un point que souligne Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et ex-ambassadeur à Madrid : « C’est l’une des leçons de cette crise, même au moment le plus grave, l’Algérie a respecté ses engagements. »
En juin 2025, l’Algérie reste le deuxième fournisseur de gaz de l’Espagne, avec 26 à 30 % des volumes mensuels, derrière les États-Unis, mais devant la Russie.