Le Forum des chefs d’entreprises (FCE) se réunira dans les toutes prochaines semaines en assemblée générale à l’effet de débattre de certaines mesures contenues dans la loi de finances complémentaire pour l’année 2009, apprend-on de source proche de l’association patronale.
Au regard des témoignages que nous avons pu recueillir la semaine passée auprès de quelques managers membres du Forum, l’unanimité semblait, en effet, être faite sur le caractère périlleux de certaines dispositions de la loi de finances complémentaire qui, de l’avis de tous les patrons interrogés, constitue un sérieux coup de frein porté à la transition au système de marché et un retour marqué aux archaïsmes de l’économie administrée, les velléités de marginalisation et de blocage à l’égard du secteur privé y étant à peine voilées.
Et c’est précisément en le rendant responsable de la hausse des importations constatées en 2007 et 2008, qu’on introduira dans cette loi complémentaire des mesures prétendument salvatrices visant à réduire les achats étrangers, sans évidemment prendre la peine de préciser par quoi compenser les produits importés, étant entendu que l’offre intérieure est, non seulement insuffisante mais, bien souvent de mauvaise qualité.
Compter sur une dynamisation conséquente de la production nationale dans le court terme, comme ont tenté de le faire admettre certains de nos responsables politiques est à l’évidence, un leurre au vu des conditions générales de travail, à tous points défavorables, qui continuent à prévaloir dans notre pays.
Réduire aussi brutalement les importations, comme visé par la loi de finances complémentaire à travers les obligations désormais faites aux importateurs étrangers de céder au minimum 30% du capital de leurs sociétés à des partenaires locaux et de recourir obligatoirement au crédit documentaire, ne peut de ce fait concourir qu’à générer des pénuries de marchandises et d’inputs susceptibles de dérégler gravement le marché intérieur et perturber tout aussi dramatiquement la réalisation des programmes de développement en cours.
La suppression autoritaire des crédits à la consommation, essentiellement concentrés dans les domaines du commerce de l’automobile et de l’électroménager, sous prétexte d’un risque de surendettement des ménages, ne fera, de l’avis des chefs d’entreprises affiliés au FCE, qu’accroître la tension sur ces produits qui deviendront beaucoup plus chers, mais que des Algériens toujours plus nombreux seront forcés d’acheter cash, car indispensables dans un pays où les transports publics sont défaillants et où la production locale d’appareils électroménagers est encore très faible par rapport aux besoins.
Si réduction des importations de voitures il doit y avoir, c’est vers les institutions publiques et les corps constitués qui importent le plus d’automobiles qu’il faut se tourner et non pas comme décidé par la loi de finances complémentaire vers les classes moyennes, estime à juste titre un membre du FCE.
L’obligation de la présence des chefs d’entreprises et titulaires de registre du commerce devant les guichets des administrations de commerce extérieur sonne également comme un mépris à l’adresse des gestionnaires d’entreprises, notamment privées, soupçonnés en tant que tels de malversation.
Le refus de la procuration instauré par la loi de finances complémentaire va obliger les patrons d’entreprises, notamment ceux dont l’activité dépend de diverses marchandises et inputs importés, de passer le plus clair de leur temps devant les guichets des administrations et des ports par lesquels les produits importés transitent, estime un autre membre du FCE convaincu que de nombreux patrons sont capables de laisser tomber leurs affaires à cause de cette mesure qu’ils perçoivent comme une véritable atteinte à leur dignité.
Une autre préoccupation et non des moindres a également surgi au cours de notre entretien.
Il s’agit de l’interdiction désormais faite par la loi de finances complémentaire d’importer du matériel de travaux publics et de bâtiment d’occasion.
Un patron d’une société privée de bâtiment, membre du FCE, considère que cette mesure va faire perdre aux entreprises et par conséquent au pays la chance d’acquérir à des prix imbattables des équipements de BTPH d’occasion, mais en parfait état de marche, qui se « bradent » actuellement dans de nombreux pays occidentaux touchés par la crise économique internationale.
Pourquoi ne pas en profiter en achetant ces équipements parfaitement aux normes, plutôt que de voler au secours des industries étrangères affectées par la crise économique, en achetant les produits neufs de leurs usines, affirme-t-il, pour prouver l’impertinence de cet article de la loi de finances complémentaire.
Une loi de finances qui n’a, comme on a pu le remarquer, pas laissé indifférent le Forum des chefs d’entreprises qui prévoit de débattre prochainement en assemblée générale des conséquences dramatiques de certaines dispositions sur les entreprises et l’économie nationale en général, le but étant d’adresser à son issue des réserves précises et bien argumentées au chef de l’Etat et au Premier ministre.
Nordine Grim