Le départ à la retraite du général-major Mohamed Mediene, dit Toufik, fait partie d’un long processus politico-militaire, visant à réadapter les services de renseignements algériens aux nouvelles réalités politiques, mais surtout économiques et sociales dans le monde en général, au Maghreb et au Moyen Orient en particulier.
Et, c’est avec une grande surprise et étonnement que médias, politiques et observateurs ont accueilli jeudi un communiqué de la présidence de la République expliquant les raisons profondes du départ de Toufik des affaires du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS).
Un département dont le fonctionnement et les missions, en interne comme en externe, il faut le souligner, qui ont toujours, du moins jusqu’à l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, été entourés du plus grand secret.
Sans doute pour faire taire tout faux débat et toute polémique, expliquer les raisons, sinon le départ sur la pointe des pieds de Toufik et l’arrivée du général Tartag à la tête du DRS, la présidence de la République revient, fait médiatique rare, sur les changements opérés au sein de ce département, qui, selon un communiqué, ’s’inscrivent dans le cadre d’une «architecture en place depuis un quart de siècle».
Plus explicite, le communiqué de la présidence ajoute que ’ces changements et ces réorganisations au niveau du DRS ont pour objectifs de renforcer la capacité et l’efficacité des services de renseignements du pays, et de les adapter aussi aux mutations politiques nationales». Il faut décrypter dès lors le grand message, à savoir que le fonctionnement ’anté » Printemps arabe du DRS, et même avant octobre 1988, ne peut plus s’adapter aux mutations politiques et sociales actuelles de l’Algérie, autant avec l’avènement du multipartisme après le 5 Octobre 1988, que son corollaire, le respect des droits de l’homme.
L’Algérie, à partir des années 1990, sera très sollicitée sur le respect des droits de l’homme, en pleine tourmente terroriste. Puis, à partir de la fin des années 2000, de profonds changements dans le monde arabe, avec le vent de révoltes populaires que l’Occident a embrigadé dans les réformes politiques dans la région Mena, en particulier avec le Printemps arabe, et la chute de régimes dictatoriaux comme ceux d’El Gueddafi en Libye, Moubarak en Egypte et Zine El Abidine Benali en Tunisie, dans le sillage d’une reconfiguration des enjeux géopolitiques de la région, ont obligé l’Algérie, en 2011 tout particulièrement, à reconsidérer autant la nature des menaces que sa position vis-à-vis de ces changements politiques brusques, violents.
C’est très probablement ce qui explique ce passage du communiqué de la présidence sur les raisons des changements à la tête du DRS: ’c’est dans le contexte d’un large mouvement de réformes sécuritaires et politiques, mis en route en 2011, avec la levée de l’état d’urgence et la mise en chantier de plusieurs lois à portée politique, que le processus sera couronné prochainement par un projet de révision constitutionnelle ».
La référence à l’année 2011, durant laquelle ont éclaté des révoltes dans la rue arabe, qui ont emporté dans une violente crue les régimes de Hosni Moubarak, El Gueddafi et Benali, et même en Algérie avec les manifestations de janvier 2012, est symptomatique de cette volonté de l’Algérie de revoir certains mécanismes de fonctionnement de ses services de renseignements.
D’autant qu’il s’agit de revoir, en plus de la composante humaine, les méthodes de travail dans un monde où les médias et les ONG jouent un rôle crucial, jusqu’à, parfois, prendre la posture de ’faiseurs de rois ».
En annonçant la reprise prochaine ’du projet de révision constitutionnelle », et la référence aux ’lois à portée politique », mises en place en plein Printemps arabe, selon le communiqué, la présidence de la République donne en fait des explications et légitime les dernières nominations dans les rangs de l’ANP, tout autant que le départ d’officiers supérieurs, à l’image de Mohamed Mediene ou Ahmed Bousteila. Il reste que pour la présidence de la République, ces réformes ont également concerné, «chaque fois que nécessaire», les institutions chargées de la préservation de la sécurité, à l’image des réorganisations entamées et des changements réalisés au niveau du DRS.
Un département, souligne-t-on, qui ’a concouru avec abnégation à la sauvegarde de l’Etat, assume des missions d’intérêt national majeur et recèle des ressources humaines aux compétences avérées».