Les sans-domicile-fixe sont légion à Alger. Ils viennent de toutes les régions du pays à la recherche d’une vie meilleure ou tout simplement pour fuir un environnement familial ou social hostile.
Dans la journée, ils sillonnent les artères de la capitale. La nuit venue, ils se recroquevillent sous les arcades, dans les cages d’escaliers ou aux abords des mosquées. Seuls refuges. La rigueur de l’hiver complique davantage la situation de cette frange vulnérable de la société.
Heureusement que le Samu social est là pour leur apporter réconfort et assistance. D’ailleurs, ils reconnaissent les louables actions que ce dernier leur fournit notamment en pareille période.
Mardi, 5 janvier 2010. Nous avons accompagné le Samu social d’Alger dans sa tournée quotidienne à travers les rues de la capitale. Il fait froid et une pluie fine s’abat sur la capitale. Mission : distribuer des repas chauds et des couvertures aux sans-domicile-fixe. Médecins, psychologues, sociologues, éducateurs et infirmiers se relaient en permanence pour apporter soins et réconfort à cette frange de la population.
Il est 20 h 30. Cinq fourgons des sept que possède le Samu social de Delly Brahim sont déjà prêts pour distribuer quelque 500 repas chauds pour les SDF d’Alger.
De grandes marmites appelées communément les «Norvégiennes» sont remplies de d’haricots blancs, des œufs durs, du pain et des dattes constituent le menu du dîner. Le cortège des véhicules sorti du Samu ne tardera pas à se diviser en trois destinations.
Nous sommes dans le groupe de Reda Bayou, Mohamed, Kamel, Fazia et Hassiba. Destination, place des Martyrs et Alger Centre. Première halte : rue Che Guevara. Là, on retrouve Abdelkader qui sourit à pleines dents lorsque Mohamed s’approche de lui avec un plat de « loubia ». Sa joie fut grande lorsqu’il lui a rajouté une couverture.
Et comment ! Le mercure affichait 10°C. Selon M. Bayou, cet inoffensif de Constantine est à Alger depuis plus de cinq années. «A chaque fois qu’on l’emmène dans sa ville natale, il revient dans les jours qui suivent», dit-il. Au square Port Saïd, Messaoud dort à même le sol. Mohamed a du mal à le réveiller.
« Makla, makla, ya Messaoud » (de la nourriture Messaoud), lui disait ce dernier. Messaoud a mis du temps pour se réveiller. Apparemment, il aime beaucoup la «loubia». Il pose son plat sur sa poitrine et commence à manger sans prêter attention à l’entourage.
La deuxième station de notre pérégrination nocturne fut à l’entrée de la rue de Chartres. Là, on a fait connaissance avec Madjid. Un gaillard de 49 ans. Il n’a pas voulu manger ! La cause ? « Les voisins » qui étaient en fête lui ont offert le dîner. « Saha (merci), aujourd’hui j’ai beaucoup mangé», se contente-t-il de dire.
Un peu plus loin, un homme emmitouflé dans sa couverture est à peine visible au milieu des ordures entassées à quelques mètres. L’équipe du Samu social s’approche de lui pour lui offrir un plat chaud. Un large sourire fait dévoiler de très belles dents, malheureusement le visage froissé par les années. Aïssa n’a pourtant que 37 ans. Il est venu de Bouira pour « s’installer » dans la capitale. Il a beau essayer de trouver un travail mais en vain.
Par contre, il refuse de retourner chez lui sans avoir réalisé son rêve. Une situation et un foyer dans la capitale. «Aïssa a peur de retourner chez lui bredouille. Il refuse de devenir un sujet de discussion dans son village», dira Fazia, la psychologue. Un peu plus loin, à la place des Martyrs, le fief des SDF, des hommes, tous âges confondus, se regroupent autour des deux véhicules.
Ils sortent des cages d’escaliers des immeubles, de l’intérieur de la mosquée Ketchaoua, des arcades… En voyant les fourgons, leur visage s’illumine. « C’est un don du ciel », commente Abderrahmane. Certains d’entre eux demandent des couvertures pour se protéger du froid glacial de ce mois de janvier. Tout comme Rachid, Mounir, Abdellah, Mohamed, Adel et autres, ces SDF affichent leur satisfaction quant aux bonnes actions du Samu.
« Après avoir tout perdu dans la vie, on ne jure que par Dieu quant aux loyaux services fournis par le Samu », lance le vétéran des SDF qui a plus de 20 ans à Alger. Selon son témoignage, le Samu assure véritablement sa tâche sur le plan de la restauration, parfois de l’hébergement, et de l’assistance médicale et psychosociale.
Cette frange de la population s’est montrée reconnaissante par rapport à l’environnement créé par le Samu d’Alger. « Ses agents viennent nous voir presque chaque soir ces derniers temps en nous ramenant de la nourriture et des couvertures, cela nous a permis de nous connaître et nous protéger des dangers de la rue», souligne Abdellah.
A 23 h 15, « la patrouille » de M. Bayou circule toujours à Alger à la recherche d’un quelconque SDF oublié.
D’après notre périple, nous avons constaté qu’il n’y a pas de femmes SDF dans les rues d’Alger, pourtant elles sont nombreuse à demander l’aumône durant la journée.
Selon Fazia, psychologue, et Hassiba, éducatrice, «ces femmes se cachent souvent surtout lorsqu’elles sont en compagnie de leurs enfants». Selon leurs témoignages, les femmes SDF sont transférées vers le centre de Zghara et d’ajouter : «Nous passons souvent, presque dans tous les quartiers de la capitale, dans le souci de faire bénéficier chaque personne indigente, surtout les femmes, d’une prise en charge», ont-elles indiqué. Il est presque minuit. L’équipe de M. Bayou, s’apprête à rentrer à Dely-Brahim. Comme d’habitude, les « anges » rejoignent le siège social avec le cœur gros du quotidien des SDF mais avec une conscience nette de la mission accomplie.
Abbas Aït Hamlat.