Une journée dans les abattoirs d’azazga : « De la fièvre et beaucoup de panique »

Une journée dans les abattoirs d’azazga : « De la fièvre et beaucoup de panique »

Les éleveurs expriment une réelle crainte quant à l’évolution de la maladie qui menace de décimer leurs cheptels.

Quand on est éleveur ou simple berger et qu’un jour, comme ces jours-ci d’ailleurs, l’on constate que l’unique vache qu’on nourrit et qui nous nourrit, sécrète subitement une salive excessive écumeuse… présente des aphtes à l’intérieur de la bouche… des ampoules sur les pieds qui la font boîter… l’on comprend rapidement qu’«on a tout perdu!», comme le dit, d’une voix plaintive Hamid Challal. Lui, est un jeune éleveur dans la commune d’Azazga, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Avec son père et son frère, ils possèdent une dizaine de vaches. 11, plus exactement. Rencontré dans l’abattoir de cette commune, Hamid est simplement dérouté mais surtout «choqué».

«Nous avons 11 vaches en tout. Elles sont toutes atteintes de cette maudite maladie. Ça fait une semaine qu’elles sont malades. Elles seront égorgées aujourd’hui», raconte Hamid. Aussitôt que les symptômes de la fièvre aphteuse constatés, le père s’est dépêché au niveau de la subdivision agricole de la commune d’Azazga. Un inspection vétérinaire s’est déplacé sur les lieux. «La maladie confirmée, les vétérinaires ont vite «bouclé» les bêtes et des certificats d’admission pour abattage ont été établis», raconte Hamid.

L’éleveur est bel et bien informé et sommé de les conduire à l’abattoir dans l’immédiat. Mais avant, il faut trouver un acheteur de viande pour ses 10 bêtes. Autre chose, ni Hamid ni son père et encore moins les services de la subdivision agricole ne savent la suite à donner à ce qui s’apparente comme une véritable «catastrophe» pour les éleveurs.

La fièvre aphteuse et la fièvre acheteuse

«Les vétérinaires dépêchés pour inspecter les bêtes, nous ont juste confirmé la maladie et nous ont demandé de les transférer dans un abattoir tout en cherchant un fournisseur de viande qui va tout acheter», témoigne Hamid. Comme le malheur ne vient jamais seul, les bêtes seront égorgées, pis encore, la viande sera vendue à moitié prix.

Nous nous sommes rendus dans l’un des plus importants abattoirs de la région. Il est situé à la sortie est de la ville d’Azazga, à 35 km du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou. C’est là où le premier cas de fièvre aphteuse a été signalé quatre jours auparavant. Il est 6 heures du matin. Des camions chargés de bêtes destinées à l’abattage étaient déjà sur les lieux bien avant l’ouverture de l’abattoir. Des éleveurs, des fournisseurs de viande et des bouchers se sont regroupés devant le portail d’entrée comme de coutume. Sauf que depuis quelques jours les discussions ont complètement changé. L’on ne parle que de cette maladie la fièvre aphteuse! Tout ce beau monde des éleveurs de cette région est bouleversé. Tous s’interrogent, s’informent, se consolent; c’est la panique!

L’ambiance est des plus lourdes: Des éleveurs malheureux, voient toutes leurs bêtes égorgées, des acheteurs venus profiter de la situation proposent «moitié prix», des employés débordés par le nombre de bêtes à abattre qui a doublé, les gérants de l’abattoir qui n’a plus d’espace dans la chambre froide pour garder tant de viande, des vétérinaires débordés par l’inspection, l’orientation, l’information et la sensibilisation…

«L’éleveur est le seul perdant dans cette histoire!», s’écrit Dda Amar entouré d’une dizaine d’éleveurs et autres fournisseurs de viande. Dda Amar perd son sang-froid après avoir accepté de céder la viande de ses vaches malades à moitié prix. «Personne ne veut nous acheter cette viande et voilà comment nous sommes contraints de vendre à moitié prix ou même pas, soit 200 DA le kilo», dit-il d’une voix affaiblie et des yeux larmoyants…

«En tant que boucher, je n’achète pas! Les bêtes malades sont très maigres, donc elles ne représentent pas beaucoup de viande», lui rétorque un boucher comme pour expliquer sa position. Voilà ce qui pousse l’éleveur à vendre à perte, en définitive, puisqu’il n’a d’autre choix que d’abattre ses bêtes malades d’abord. Seule phrase qui revient surtout: «Nous avons vu à la télévision que le ministre de l’Agriculture a promis de nous indemniser. Si c’est vraiment le cas, alors nous sommes sauvés en tant qu’éleveurs sinon nous sommes foutus!».

Panique chez les éleveurs

La panique s’est emparée des éleveurs depuis quelques jours. Depuis les premiers cas de la fièvre aphteuse. Les éleveurs, venus de plusieurs communes de la wilaya, n’ont pas caché leurs craintes quant à l’évolution de la maladie qui menace de décimer leurs cheptels et le déficit en information sur cette maladie très contagieuse qui touche le cheptel ovin et bovin.

L’on remarque parfaitement le manque de communication entre l’administration et les agriculteurs, ce qui a conduit de nombreux agriculteurs à ne pas déclarer les foyers de fièvre aphteuse par crainte de voir abattre tout leur cheptel au cas où l’un des animaux serait atteint, et par espoir d’en sauver une partie, ce qui est impossible s’agissant de cette maladie extrêmement contagieuse.

Actuellement, «la maladie évolue lentement. 70% du cheptel de la wilaya est vacciné de manière régulière, ce qui lui offre une couverture immunitaire contre la fièvre aphteuse», selon une source de la direction de la subdivision agricole de la wilaya. Enfin, actuellement, quelque 757.000 bovins ont été vaccinés par les services vétérinaires depuis mai dernier en plus des 850.000 têtes vaccinées entre janvier et mars dans le cadre des mesures préventives contre la fièvre aphteuse, a-t-on appris auprès du ministère de l’Agriculture et du Développement rural.

«L’opération qui a concerné plus d’un million et demi de têtes depuis janvier dernier a permis de juguler cette maladie», selon une source du ministère. En plus des quantités disponibles, un lot de 900.000 vaccins sera réceptionné le 9 août courant. L’Algérie compte un cheptel bovin de plus de 1.900.000 têtes.

Les wilayas ayant enregistré des cas de cette maladie qui affecte les grands ruminants et qui ne se transmet pas à l’homme, sont Chlef, Khenchela, Jijel, Tizi Ouzou, Bordj Bou Arréridj, Djelfa, Blida, Alger, Sétif, Bouira, Constantine, Batna, Médéa et Béjaïa.