Une journée avec les handicapés visuels,Renouer avec les traditions d’antan

Une journée avec les handicapés visuels,Renouer avec les traditions d’antan

Les lauréats lors de la photo de famille

Le «Lion’s Clubs» d’Alger-Icosium, s’est rendu le jeudi 22 août passé à Bordj Ménaïel

Un ami, un politique de profession, espérait que je le soutienne dans ses «positions» – comprendre élucubrations – parce qu’il tente d’introduire, selon lui, un peu de sérieux dans la formation politique à laquelle il appartient. Je ne l’ai pas suivi, bien sûr, lui qui s’exprimait devant la presse, en ces termes: «La crise au sein du (…) est liée aux ambitions des uns et des autres pour les échéances présidentielles de 2014», mais je me suis dit, en mon for intérieur, que mes positions actuelles vis-à-vis de ce parti – le mien – ne peuvent être que justes car, aujourd’hui, j’ai l’assurance que nous sommes en train de patauger dans la gadoue et qu’il faille aller vers le concret.

Par contre, un autre ami, médecin de profession, m’a invité à l’accompagner dans une action altruiste, bienfaisante et désintéressée, de plus, très bénéfique au profit de jeunes frappés de cécité, qui vivent stoïquement et en silence leur handicap physique. Je n’ai pas hésité un seul instant à le suivre car, là, je savais que je rentrais pleinement dans le vrai, et c’est ainsi, que je me suis interdit de réfléchir pour m’arrêter sur le choix, entre… l’esbroufe et le sérieux.

LG Algérie

Oui, il y a le vrai, face à la réalité amère de tous les jours, dans une atmosphère où le bluff a élu domicile pour persister dans la tromperie et l’indifférence, voire dans le mépris. Alors, face à ces deux amis, malheureusement diamétralement opposés dans l’approche de leur participation au règlement des problèmes qui nous bousculent, j’ai choisi, les yeux fermés, celui qui m’a amené sur le terrain pour rencontrer les jeunes, et dans nos mains de quoi les aider à surmonter leurs manques en matière d’éducation et de culture.

N’ai-je pas bien fait en me dirigeant vers le concret? D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que je fais partie de cet équipage qui part joyeux pour des «courses lointaines». Ainsi, avec le Dr Mohamed Mokrani, Past Gouverneur de District et Président fondateur du Lion’s Clubs d’Alger-Icosium, que je suis – du verbe suivre – depuis un bout de temps, dans ses actions humanitaires et on ne peut mieux bénéfiques, nous nous sommes déplacés ce jeudi 22 août à Bordj Ménaïel pour rencontrer les lauréats du BEM, de jeunes aveugles qui ont démontré, tout au long de leur scolarité, des dispositions leur permettant d’espérer plus de résultats à l’avenir.

La délégation était rehaussée par la présence du non moins sympathique, le Pr Toumi, cardiologue, de l’ancien ministre, ambassadeur et écrivain Kamel Bouchama, de M.Cherrik Mohamed Aly et Khitmane Saïd du Lion’s Clubs d’Alger, de Yacine Ould-Moussa, journaliste, économiste et enseignant à l’École nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information et à l’École supérieure de banque, ainsi que de M.Naâmane Mohamed, émigré en France et attaché à son pays et à son évolution, par ses actions bénévoles et combien efficaces. Ce dernier était présent à la cérémonie en tant que donateur assidu pour constater de visu le travail qui se fait au profit des couches déshéritées de notre pays.

Des cieux plus cléments pour les jeunes

Cette délégation richement composée, a été cordialement reçue par l’entreprenant directeur de l’Ecole des handicapés visuels des deux Frères Hamdouche Rabah et Amar de Bordj Ménaïel, qui lui a grandement ouvert ses portes, en cette chaude matinée d’été, pour lui permettre d’apporter une vague de fraîcheur à travers la sympathique cérémonie qu’il a soigneusement préparée et habilement présidée. D’emblée, après les salutations d’usage, le Dr Mohamed Mokrani, à qui le président de séance a cédé la parole, est entré dans le vif du sujet, en des expressions non seulement claires, mais aussi, empreintes d’une franchise indéniable: «Il faut que l’on sache, et les jeunes plus que les autres, qu’avec la volonté et l’envie d’affronter la vie, le handicap visuel ne doit plus être un obstacle.», avant de continuer dans un langage plein d’assurance:

«A travers notre action, qui se continue dans plusieurs régions du pays, nous ne voulons pas faire de l’agitation ou du travail parallèle et fractionnel, mais plutôt un travail réfléchi et complémentaire avec ce qui se fait dans le cadre officiel. Nous voulons investir à notre niveau, même à petits coups et selon nos moyens, dans ce qui est rentable…, dans ce qui nous réconcilie avec le véritable travail qui nous honorait et nous classait, il y a si peu de temps, parmi les gens les plus respectés de la planète.» N’est-ce pas des paroles dénuées de toute passion et de toute démagogie?

En effet, puisque de ce côté-là, le Dr Mokrani a cet avantage de ne souffrir d’aucun complexe… Il en est à sa énième sortie sur le terrain, et des centaines, si ce n’est des milliers de jeunes qu’il a reçus, visités et aidés, peuvent témoigner de son affabilité, de sa bonhomie, de sa simplicité et de son engagement dans les contacts et le travail bien fait.

Belles initiatives, n’est-ce pas que celles où il a eu à apporter, maintes fois, cet espoir aux jeunes ayant des besoins spécifiques, des handicapés visuels et autres, diabétiques ou trisomiques? Rappelons-nous cette grande opération de volontariat dans la capitale des Hammadite, à Béjaïa, les 7 et 8 décembre 2012 où il devait procéder, en marge du Marathon des diabétiques, à une importante séance de consultation médicale dans le cadre de la prévention, à l’aide d’un «rétinographe», pour le dépistage des complications oculaires. Le docteur Djamel Zaâtout, anesthésiste-réanimateur, du Lion’s Clubs d’Alger-Zehira, accompagné d’une équipe de spécialistes, le secondait dans cette tâche qui n’était pas des moindres et sans résultats probants… Rappelons-nous aussi ces autres sorties sur le terrain, et elles sont nombreuses, dont l’avant-dernière à Damous, où plus de cent diabétiques ont été auscultés, évalués et orientés pour plus de soins et une meilleure prise en charge.

Alors, le Lion’s Clubs d’Alger-Icosium, dont le Dr Mohamed Mokrani, en est, comme signalé auparavant, le Past Gouverneur de District, est cette formation qui permet aux bonnes volontés de traverser d’énormes obstacles en allant droits vers des cieux plus cléments, surtout quand il s’agit de jeunes qui nécessitent plus d’attention et d’affection. Et c’est justement, dans cette lancée, que jeudi dernier, lui et son équipe de «bénévoles-entêtés», se trouvaient à pied d’oeuvre à Bordj-Ménaïel pour démontrer sur le terrain leurs capacités et prouver que les hommes de science, qui sont inlassablement engagés dans la bataille du développement, sont également déterminés à vaincre les difficultés et les manques et contribuer à apporter aux nécessiteux ce qu’ils attendent en termes de réconfort et d’amour.

Dans une ambiance de joie et d’allégresse

Ainsi, le Lion’s Clubs d’Alger-Icosium, ne s’est pas contenté d’approcher les lauréats venus de Bouira, Tizi Ouzou et Boumerdès pour les honorer, seulement, en leur offrant du matériel didactique (dictaphones sophistiqués, cartables) et autres cadeaux, notamment des tenues d’été, mais également pour les entretenir vivement sur leur devenir, à travers leur progression dans leurs études secondaires et supérieures. Le Pr Toumi et Kamel Bouchama, écrivain, ont débattu en aparté avec ces jeunes, après la cérémonie officielle, de leur insertion concrète dans la vie, en leur conseillant vivement de posséder cette réelle volonté de mener à bien leur orientation pour assurer leur avenir. Et, c’est dans cet esprit, leur disaient-ils, que le suivi et l’implication des responsables, des organisations philanthropiques et, surtout des parents, sont indispensables.

«Malheureusement, nous n’avons pas de lycée spécialisé en écriture braille, donc les enfants rejoignent les lycées communs, et ils se retrouvent seuls, en difficulté, dans des classes où ils ne peuvent pas suivre leurs cours», souligne, pour sa part, le Dr Mokrani, en insistant sur cette carence de notre système. Des paroles justes, qui viennent secouer les consciences de ceux qui ont la charge de s’occuper de ce secteur!… En effet, de jeunes handicapés visuels, d’un très bon niveau d’instruction, dans une salle de classe, réservée aux voyants, c’est anti-pédagogique quand ils n’ont pas les moyens pour suivre. C’est comme s’ils étaient dans une cellule de prison. Pas moins!… Du noir dessus, dessous et sur les côtés, un espace qui ne permet aucun mouvement, des blessures provoquées par cette indifférence et par l’agressivité générée par le mépris… Et là, sans vouloir tirer sur les ambulances, en ce moment précis, notre «Mousseylima el kadheb» me vient à l’esprit, ce «ministre-menteur», qui semait à tout vent des inepties, sous forme d’engagements qui, hélas, n’ont jamais été tenus.

J’en parle, parce que j’étais là, avec lui, à la Bibliothèque nationale, au cours d’une cérémonie officielle au profit de l’Organisation nationale des handicapés visuels quand, dans une sacrée envolée lyrique – il en a l’art et la manière -, il a promis monts et merveilles pour cette catégorie sociale, devant une assistance qui lui a répondu par une cascade d’applaudissements. Il a promis ce jour-là, toute honte bue, un matériel d’une grande qualité aux non-voyants. Tintin! dirait celui qui connait ce responsable.

J’ai cité cette aventure à titre d’exemple, pour dire que celle-ci et d’autres ne peuvent empêcher le train nommé «Mokrani et son équipe», de faire son petit bonhomme de chemin avec les nécessiteux. Car, là où se trouvent ces derniers – et ils sont légion dans notre pays -, il s’arrêtera à leur gare pour créer cette ambiance de joie et d’allégresse dont ils ont tant besoin, en ces moments difficiles que nous vivons dans une atmosphère qui ne connait pas de nom, mais qui va de mal en pis, avec le temps qui gère notre inconscience.

Et de la joie, il y en a eu, en ce jeudi 22 août à l’École des handicapés visuels de Bordj Ménaïel, que nous saurons atteindre dorénavant, plus facilement, puisque nous avons ramené avec nous, pour les offrir, quatre plaques de signalisation qui indiqueront demain, convenablement, la direction de cet établissement. Oui, de la joie et de l’allégresse, il y en a eu, et ce n’est certainement pas le constamment souriant et jovial Yacine Ould Moussa qui va démentir cette atmosphère à laquelle il a contribué, spontanément, en offrant un tour de chant, bien de chez nous, à l’assistance qui accompagnait ces jeunes au cours du modeste, mais succulent repas présenté au réfectoire de l’école.

Quant à moi, qu’ai-je pu offrir, en cette mémorable journée, si ce n’est une contribution désintéressée et un appui constant et sincère au promoteur de cette magnifique action, le Dr Mohamed Mokrani, et enfin une quantité appréciable de livres, les miens, que j’ai dédicacés aux enseignants, parents d’élèves et personnel de l’établissement et autres invités à cette cérémonie?

L’obstination est le chemin de la réussite

Ainsi, et malgré ces quelques remarques concernant les difficultés, nous pouvons dire que grande était notre joie de renouer avec les bonnes traditions d’antan quand, imbus de sentiments d’entraide et de solidarité – que nous qualifions hier d’indéfectible dans notre langage de jeunes militants -, nous nous immergions dans l’action, ô combien concrète que nous ont léguée nos ancêtres qui savaient ce qu’était le partage et la fraternité. D’ailleurs, avec les adeptes de ce genre d’«activité» qui ne claironnent pas pour être entendus dans «la Citadelle», qui ne paradent pas pour avoir son consentement, et qui ne vont pas dans l’événementiel démagogique, encore moins dans l’exubérance, pour glaner quelques satisfécit, ils ne pensent pas, et ne veulent pas exécuter les tâches de laquais en chantant les louanges de qui que ce soit. Car, dans cette noble mission, on ne peut être comptés parmi ceux qui font dans l’obligeance et, par voie de conséquence, se retrouver dans des situations embarrassantes. Ainsi, dans pareille activité – il faut le redire – où les acteurs sont méthodiques et rationnels, partisans d’une culture bien ancrée dans leurs esprits, ils ne pourront jamais faire dans le dithyrambe, l’indécent et l’incongru.

Oh que non…, renchérirait assurément le Pr Toumi s’il nous entendrait tenir des propos incohérents et contraires à ceux auxquels nous croyons fermement! Il n’accepterait jamais, dans pareilles circonstances, que nous serions moins – en vertu bien sûr – que ce qu’il exprimait dans son intervention magistrale devant ces adolescents qui l’écoutaient avec grande attention et buvaient ses paroles sages et réconfortantes.

«Mes enfants, votre handicap ne peut vous retarder dans votre ascension vers le progrès», leur disait-il. «La preuve est là, et vous venez de la démontrer par votre éclatante réussite à votre examen, ce qui, également, nous rassure que vous allez persister à vouloir progresser constamment et démontrer, par-delà, que vous êtes les dignes représentants de cette région qui a su se sacrifier pendant les durs moments de notre révolution. Je voudrais, à cette occasion, vous rappeler de magnifiques paroles, sages et éloquentes, venant d’un de nos diserts poètes qui nous montrait l’intérêt que nous avons à remplir nos devoirs: O fils d’Adam, tu as pleuré au moment de ta naissance dans une ambiance de joie et d’allégresse. Fais en sorte que le jour de ta mort tu réponds par le sourire aux pleurs de l’assistance…, car tu as rempli tes multiples devoirs. Ainsi, mes enfants, je termine, ma brève intervention, par une savante idée d’Auguste Comte, le philosophe français, qui va dans le même sens «Nul ne possède d’autre droit que celui de toujours faire son devoir»… «Soyez donc, parmi ceux qui osent aller, par leur courage et leur détermination, vers des cieux plus cléments et nous redonner le sourire… Votre obstination est le chemin de la réussite, et vous avez ces moyens!»

Pourrait-on mieux terminer cette journée, encore une fois mémorable, parce qu’elle a été concrète en tout point de vue, avec une sacrée équipe de battants, dans laquelle trônait notre aîné le Pr Mohamed Toumi?

Notre espoir est de nous retrouver très prochainement, quelque part dans un autre coin du pays, pour être utile en faisant valoir notre esprit de solidarité avec ceux qui en ont le plus besoin…