Une intervention militaire en Libye se précise: cette guerre qui nous menace

Une intervention militaire en Libye se précise: cette guerre qui nous menace

Avec l’annonce faite hier par le président du Conseil présidentiel libyen, d’une nouvelle liste portant gouvernement d’union nationale, un sursis est encore donné au bout duquel la tournure des évènements paraît incertaine.

La situation en Libye inquiète beaucoup de monde. Il y a deux jours, le ministre tunisien des Affaires étrangères Khemaïes Jhinaoui était à Alger, non pas tant pour des soucis d’aide économique que pour l’examen de la situation qui prévaut dans ce pays en proie au chaos sécuritaire. En effet, le danger ne cesse de croître aux frontières et il devenait impératif de procéder à un échange de vues dans le cadre de la concertation traditionnelle prévalant entre les deux capitales.

L’Algérie conduit le groupe des pays voisins de la Libye, une instance créée dans le cadre de l’Union africaine, mais son action est également diligente au sein de la médiation onusienne, même si, pour certains, l’apparat des déclarations à Skhirat l’emporte sur la discrétion des rencontres organisées à Alger, de loin plus importantes puisqu’elles réunissent les véritables parties au conflit. Pour qui connaît la réalité politique de la Libye, l’optimisme ne saurait être autre que mesuré, voire carrément circonspect. Et pour cause, la structure strictement tribale de cette société régie par un fragile consensus, dynamité depuis par les intérêts contradictoires et les appétits fluctuants, a grandement facilité son implosion en 2011 puis son morcellement en une kyrielle de factions antagonistes, armées les unes et les autres de milices islamistes et de forces armées disparates.C’est dans cette Libye plurielle que l’Etat islamique est parvenu à s’implanter, d’abord à Derna d’où il fut chassé un an plus tard par une milice locale appuyée par l’armée «régulière» du général Haftar, puis à Syrte devenue peu à peu son fief inexpugnable. Et c’est de Syrte que Daesh mène, depuis bientôt deux ans, sa stratégie de la terre brûlée, assortie d’une application aveugle de la charia au nom de laquelle il ampute, décapite et extermine, tambour battant, jusqu’à Ajdabiya, un verrou stratégique de l’accès aux champs pétroliers. On l’a vu sur les réseaux sociaux avec la macabre vidéo des captifs coptes qui faisait office de message d’avertissement.

Les combattants du groupe sont environ 3000 dont un tiers de Tunisiens, mais ces derniers mois, ou très exactement depuis septembre 2015 et le début des bombardements par la Russie des positions terroristes en Syrie, les recrues originaires du Maghreb ont reçu l’ordre de se «réfugier dans leur pays d’origine pour y renforcer l’EI local. De plus, celui-ci dispose d’autres renforts provenant des rangs de Boko Haram et des Shebab somaliens car Daesh cherche, au fur et à mesure de son expansion à travers le désert libyen, une jonction logistique avec les autres mouvements terroristes de la sous-région. Avec l’annonce faite hier par le président du conseil présidentiel libyen, d’une nouvelle liste portant gouvernement d’union nationale, un sursis est encore donné au bout duquel la tournure des évènements paraît incertaine.

Le nombre de ministres passe de 32 à 18, conformément aux exigences formulées par le Parlement reconnu de Tobrouk.

Restent la question de la représentativité, soulevée par les tribus de l’ouest, et surtout le problème de la place et du rôle du controversé général Khalifa Haftar, le bras armé du Parlement de Tobrouk.

Le Premier ministre Fayez Al Sarraj, qui s’est rendu à Alger le mois dernier au moment où il soumettait la liste du premier gouvernement, aura bien du mal à contenter tout le monde et son père, car ce qui plaît à Tobrouk ne sied guère à Tripoli, et vice versa. Tout l’art consiste donc à ménager le chou et la chèvre, un sport difficile dans un pays et un contexte politico-sécuritaire des plus pesants.

Or, la communauté internationale, comme la médiation onusienne et le groupe des pays voisins du reste, veulent donner toutes ses chances à la solution du dialogue politique, même si les pays européens n’ont pas du tout écarté l’option de l’intervention militaire afin d’endiguer la double menace de l’EI et du flux migratoire. Les Etats-Unis, pour leur part, ont non seulement mené des frappes ciblées à Syrte et dans d’autres zones de la Libye, mais le Pentagone n’a pas caché non plus les préparatifs d’une telle intervention, avouant «étudier toutes les options possibles».

Quant à la validation proprement dite d’une telle intervention, elle devrait se faire au niveau du Conseil de sécurité, mais l’urgence pourrait en décider autrement, les exemples sont là pour le justifier.

Il ne faut pas oublier, en effet, que Syrte est une ville côtière, distante à peine de 350 km des côtes italiennes, et lorsqu’on voudra noyer son chien…