Une intervention des pays «hors champ» se profile au Sahel,L’embarras d’Alger face au chaos malien

Une intervention des pays «hors champ» se profile au Sahel,L’embarras d’Alger face au chaos malien

Aqmi et Ançar Eddine font les unes, le MNLA est presque oublié ou réduit au rôle de comparse. Une communication orientée qui soulève des questions. Les ingrédients médiatiques d’une justification d’une intervention étrangère au Mali sont réunis après l’effondrement de l’armée malienne.

L’Algérie peut-elle continuer à refuser l’intervention étrangère dans les affaires du Sahel qu’elle veut réserver aux «pays du champ» ? Dans une dépêche très généraliste, l’agence Algérie Presse Service indique que le ministre délégué, chargé des Affaires maghrébines et africaines, M. Abdelkader Messahel, a discuté hier avec le commandant des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom), le général Carter F. Ham, et le sous-secrétaire d’Etat adjoint chargé de l’Afrique, M. Johnnie Carson, du phénomène du terrorisme et les questions liées à l’Afrique.

Outre la coopération bilatérale en matière de la lutte contre le terrorisme, la source citée par l’APS indique des «questions liées à l’Afrique particulièrement la situation au Mali, Libye, Somalie et au Soudan, ont été également à l’ordre du jour…». Il est plus que probable que la situation au Mali ait été le thème le plus abordé en raison de son acuité brulante. On n’en saura pas plus sur ce registre, les responsables algériens n’étant pas connus pour être particulièrement soucieux de bien communiquer.

On le mesure d’ailleurs au sujet de l’évolution de la situation au Mali où l’on ne semble pas faire l’effort de «briefer» en off les journalistes nationaux comme cela se passe partout ailleurs. Or, dans l’évolution fulgurante de la situation au Mali, la question de la communication est fondamentale, car c’est elle qui imprime les lectures dominantes et oriente les actions. Le Mali où l’Etat central a été expulsé du nord après que son armée ait été mise en déroute par la rébellion targuie pose de graves questions à l’Algérie.

La mise en exergue dans les médias du rôle d’Ançar Eddine et d’Aqmi au détriment du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) a créé du champ pour la justification d’une intervention extérieure. Même les médias nationaux -à défaut d’autres sources d’informations- suivent les orientations des agences de presse occidentale qui donnent une prééminence absolue aux djihadistes.

L’AFP MÈNE UNE «CAMPAGNE D’INTOXICATION ET DE DÉSINFORMATION»

Le MNLA le découvre d’ailleurs à ses dépens et dénonce dans un communiqué les dépêches de l’Afp qu’il qualifie de «campagne d’intoxication et de désinformation». Il affirme se démarquer de l’organisation «Ançar Eddine et autres qui se dressent sur le chemin de la libération de l’Azawad» et qu’il «tient sa position dans la ville de Tombouctou et toutes les autres villes de l’Azawad». L’analyse que l’on peut faire du communiqué du MNLA n’est pas compliquée.

C’est l’expression d’une inquiétude de voir l’argument de la menace terroriste incarnée par Aqmi servir de justification à une intervention militaire extérieure. Il n’est pas sûr que ces communiqués suffisent à conjurer une intrusion qui s’ébauche au nom de la préservation de l’intégrité territoriale du Mali (Cedeao) et plus fortement de l’impératif d’empêcher Aqmi de disposer d’un pays.

L’Algérie, quant à elle, se retrouve dans un contexte de tension entre plusieurs principes. Le gouvernement algérien a développé un discours selon lequel la gestion des problèmes de sécurité posée par le terrorisme dans la région du Sahel relève de la stricte compétence des «pays du champ» avec un refus de l’intervention extérieure.

LE DISCOURS DES «PAYS DU CHAMP» DÉBORDÉ

L’évolution de la situation met ce discours -l’énoncé de principes ne suffit pas à fonder une vraie ligne politiqueà l’épreuve. La coordination militaire de ces pays du champ a montré qu’elle n’est que virtuelle. Le Mali, un «pays du champ», est pratiquement coupé en deux.

Le MNLA, dont les Algériens connaissent les membres pour avoir souvent servi de médiateurs avec Bamako, est mis, médiatiquement au moins, au second plan au profit des djihadistes. Outre la défense de l’intégrité territoriale du Mali, cette donne djihadiste hyper médiatisée crée l’ambiance médiatique propice à une intervention des pays «hors champ». Paris qui est à la pointe dans ce domaine a obtenu des membres de Conseil de sécurité un «accord de principe » pour une déclaration sur le Mali.

Cela devrait donner lieu à une «déclaration présidentielle» condamnant le coup d’Etat à Bamako et l’offensive des rebelles dans le Nord, exigeant «le retour à l’ordre constitutionnel», et soutenant les efforts de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour sortir de la crise. Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, fait du «péril islamiste» un sujet majeur.

Il a laissé entendre qu’Aqmi et Ançar Eddine «pourraient envisager de s’emparer de l’ensemble du territoire malien pour en faire une république islamique ». «Il faut une réponse régionale au péril islamiste, qui va de la Libye jusqu’au Nigeria. Seule une coopération impliquant l’Algérie, la Mauritanie, les pays de la Cedeao (Afrique de l’Ouest) avec le soutien de la France et de l’Union européenne, pourrait permettre de progresser». Le train d’une intervention extérieure -qui peut d’ailleurs se faire sans difficulté sous couverture de la Cedeao- est en marche.

On ne voit pas comment il peut être stoppé. Surtout qu’à la remise en cause du principe sacro-saint de l’intangibilité des frontières s’ajoute le spectre surdimensionné d’un «Etat Aqmi» au Sahel. A moins d’intervenir pour soutenir le MNLA dans un combat qui s’annonce inévitable avec Ançar Eddine et Aqmi avec l’assurance de négocier un statut particulier à l’Azawad dans le cadre du Mali… Mais à ce niveau, il s’agit de pure spéculation…

Salem Ferdi