Une internationale turque opposée au modèle des frères musulmans, Ankara, la nouvelle «qibla» politique des islamistes

Une internationale turque opposée au modèle des frères musulmans,	Ankara, la nouvelle «qibla» politique des islamistes

Enthousiaste et vêtu d’habits neufs de l’opposition, le patron du MSP veut absolument mettre tous les atouts de son côté dans l’optique de la bataille des législatives prévues en mai prochain.

Dès aujourd’hui, Aboujerra Soltani va fouler le sol turc pour une visite de deux jours, au cours de laquelle il rencontrera des dirigeants du puissant parti du Premier ministre Erdogan.

Si rien n’a filtré sur les détails de cette visite, qui survient deux jours après son divorce d’avec l’alliance présidentielle, des observateurs estiment que cette virée était inscrite depuis peu, selon un agenda politique et une feuille de route claire, surtout si on sait qu’il fut l’un des premiers à avoir félicité les islamistes marocains et tunisiens après leurs victoires électorales ces dernières semaines, en allant sur place mesurer l’étendue de ce succès.

Pourquoi la Turquie ? Aux dires des proches du parti, il s’agira pour le MSP de s’inspirer de ce modèle qui semble faire des ravages, non seulement en Turquie, mais aussi dans le monde arabe. Un modèle qui a même poussé le parti Justice et Développement à se lancer dans la filialisation internationale de son organisation politique, construite pourtant selon une architecture organique inspirée du mouvement international des Frères musulmans. D’ailleurs, l’un des objectifs stratégiques du parti d’Erdogan est de se montrer plus proches des questions et problèmes qui secouent le monde arabe, en construisant une approche médiatique destinée à apprivoiser l’opinion publique du monde arabe, bien avant les récentes révoltes dites du «printemps arabe». Cette stratégie est devenue payante, depuis les fameuses prises de position du président turc en faveur des Palestiniens lors des forums internationaux et l’élan de solidarité appuyé par les appareils de son parti pour «casser» le blocus de Gaza et l’affaire sanglante du bateau turc arraisonné par la marine israélienne. De plus, le leader turc a immédiatement pris parti contre les dictateurs déchus en Egypte, en Libye et en Tunisie.

Bien plus que cela, le parti turc semble vouloir instaurer partout dans le monde arabe une sorte d’Internationale islamiste soft, par opposition à l’ancienne internationale des Frères musulmans dominée par les Egyptiens et calquée sur le wahhabisme saoudien, non seulement sur la base des affinités idéologiques, mais aussi sur les plans de l’encadrement, du soutien et du partenariat politique.

D’ailleurs, ces dernières années ont vu une floraison de créations de partis islamistes dans les pays arabes, dénommés non par pur hasard Justice et Développement, en Afrique du Nord, au Soudan, au

Moyen-Orient. Ankara est devenu une nouvelle «qibla» politique pour une mouvance déçue par «l’archaïsme des Frères musulmans, leurs politiques entristes et leur incapacité à se moderniser».

Pour l’intelligentsia islamiste, la nouvelle politique d’opposition que mène Soltani est due au fait que son parti MSP vient d’être lâché par ses mentors des Frères musulmans au profit d’un autre parti dissident créé par Menasra, d’où sa recherche d’un autre parapluie, d’un soutien conséquent qu’il ne peut trouver que chez les descendants de l’empire ottoman. C’est exactement sur ce terrain que se joue également sa bataille de séduction avec Djaballah.

Ce dernier cherche également à gagner cette nouvelle organisation internationale islamiste, même si certains pensent qu’il a déjà reçu la caution politique.

Hani Rabah