Une guerre, une gloire et une déception

Une guerre, une gloire et une déception
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Encore et pour toujours, Mohamed Sellami reste et restera gravé dans la mémoire des siens d’abord et des populations meurtries par les hordes sauvages qui ont assassiné des innocents, brûlé des foyers, massacré des villageois, saccagé des biens, volé, violé et kidnappé des femmes et des enfants.

En ce jeudi 19 décembre 2013, le rendez-vous était émouvant à Haouch-Gros où les amis, les proches et anciens compagnons de Mohamed Sellami sont venus lui rendre hommage, en organisant une cérémonie à sa mémoire.

Ce grand patriote a été assassiné un certain 19 décembre 1995 par des terroristes. A l’occasion de la commémoration de cette date anniversaire, les membres de la Coordination nationale des patriotes se sont réunis à Haouch-Gros, à Boufarik. Et dans un communiqué rendu public, la Coordination rappelle que « Mohamed Sellami est tombé au champ d’honneur.

Il était l’organisateur des groupes de patriotes armés de la Mitidja et avait été contraint de quitter sa région natale, tombée sous le contrôle des islamistes ». Et de rappeler comment Mohamed Sellami, ne pouvant se résoudre à accepter cette situation, reviendra secrètement à Haouch-Gros et mènera un patient travail de mobilisation et d’organisation de groupes de résistance populaire au terrorisme islamiste.

LG Algérie

Les patriotes de Haouch-Gros qui ont résisté au terrorisme sont sortis aujourd’hui commémorer le 18e anniversaire de la mort de Mohamed Sellami, le premier patriote, tombé sous les balles assassines des terroristes à Boufarik le 19 décembre 1995.

A préciser que Le Jeune Indépendant témoigne que « les hommes de Sellami ont, chaque année, commémoré la mort de leur chef bien avant la Coordination nationale des patriotes ». C’est une guerre de résistance menée contre le terrorisme par les hommes patriotes de Mohamed Sellami Gloire à eux car ils ont vaincu le terrorisme, mais ils sont aujourd’hui déçus par ce qu’ils appellent « l’indifférence et l’ingratitude de la société, la société dans toute sa diversité, politique, sociale et même économique ».

Ce reportage a été réalisé en décembre 2005 avec un groupe constitué des premiers patriotes compagnons de Mohamed Sellami lorsque icelui-ci avait décidé de revenir à Haouch-Gros pour combattre les terroristes, ce qu’il fera de 1990 à 1995, année de sa mort. Notre reporter qui a voulu revenir encore une fois sur les faits de cette tragédie avec ceux qui ont combattu contre le terrorisme barbare aux côtés de Sellami n’a pas trouvé trace de ces hommes valeureux.

Ils avaient été rencontrés, à l’époque, dans un café du coin, à Haouch-Gros, des patriotes silencieux, abattus, meurtris par des souffrances que nul ne percevait si ce n’était notre journal, Le Jeune Indépendant, dont voici le reportage qui avait été publié le 19 décembre 2005.

Mais où sont-ils ces hommes valeureux qui ont combattu

le terrorisme ?

Aucune trace de ces patriotes que nous avons connus déjà et qui se sont confiés à notre reporter les larmes aux yeux et avec une douleur indescriptible impossible à contenir. L’un des patriotes compagnons de Mohamed Sellami, connu sous le nom de Mouhou, exprime clairement sa colère, presque incontrôlée, qui se détache de ses tripes.

Je suis malheureux aujourd’hui, alors que je devrais être heureux, oui, heureux car je m’estime être le héros d’une guerre menée contre le terrorisme, dit-il. Un héros presque comme nos prédécesseurs les moudjahidine qui ont vaincu la barbarie du colonialisme.

Bien que celle-ci menée contre le terrorisme soit une guerre voulue par des hommes incrédules, elle demeure une guerre menée par des terroristes contre nos populations, nos familles, nos soldats, nos gendarmes, nos policiers et contre tous ceux qui ont résisté et voulu défendre notre patrie.

C’est une guerre qui a fait des milliers de victimes, qui a engendré une tragédie nationale et plongé plusieurs milliers de familles dans une profonde consternation.

La colère de Mouhou est paradoxalement masquée par une envie de se taire à jamais. Mais consciemment ou inconsciemment, ses frères patriotes de Haouch-Gros se joignent à sa colère. Ils parlent, ils déclarent et racontent des faits réels vécus dans la peur, dans l’angoisse, la misère.

Ce n’est pas avec enchantement que les patriotes de Haouch-Gros parlent de leurs péripéties. Ils parlent car provoqués par des questions qui ont réveillé bien des souvenirs.

Des souvenirs d’une époque où les gens étaient effrayés par tous les regards qu’ils croisaient. Tous les endroits publics étaient devenus dangereux et exposés à de redoutables attaques terroristes. Les hommes de Sellami parlent avec une tristesse profonde, avec mélancolie et colère, paradoxalement masquée par cette volonté de se taire.

Moundji disait : « Je ne comprend plus ce que c’est qu’un patriote, pourtant j’ai combattu le terrorisme avec l’acharnement d’un homme qui défend aveuglement sa famille. Cette famille qui est ma patrie, que je porte toujours dans mon cœur. » On nous appelait durant ces années noires « ridjel ouakifoun » (les hommes debout).

Soudainement réveillé par ce souvenir glorieux, Moundji perd alors la parole. Dans une relative confusion, aveuglés par l’envie de se taire, Moundji, Mouhou et Redha déclarent quand même leur amertume : « Nous avons pu avoir accès à tout ce que nous demandions dans le cadre de notre lutte, mais aujourd’hui nous sommes comme marginalisés. »

Une époque sanglante de massacres collectifs et d’assassinats

Ils ne veulent plus parler de ces moments difficiles, ils tournent la page d’une époque sanglante marquée par des massacres collectifs, des assassinats, des viols et des kidnappings. Les patriotes de Haouche-Gros sortent en décembre de chaque année commémorer la mort de Mohamed Sellami tombé sous les balles assassines du terrorisme un certain 19 décembre 1995, vers 22h, près de la cité « Miami », à Boufarik.

Marqués à jamais par cette tragédie, meurtris par des souvenirs souvent sanglants, les premiers patriotes de la décennie noire ont toujours été « ridjel wakifoun ». Moundji, Mouhou, Rhéda, Djamel, Mokhtar, Noureddine… la liste de ces valeureux personnages qui ont marqué l’Algérie par leur dévouement est longue.

Mais aujourd’hui, où sont-ils passés ces valeureux hommes qui aimaient profondément leur patrie ? Ils étaient 17 à constituer le premier noyau de patriotes pour s’engager dans la lutte armée contre le terrorisme aux côtés des forces de sécurité combinées.

Ils ont laissé femmes et enfants, abandonné leurs domiciles, fait fuir leurs familles pour sortir les armes à la main libérer l’Algérie d’une agression dévastatrice, la libérer du terrorisme. Ils sortaient de jour comme de nuit, dans le froid glacial, équipés de fusils et de mitraillettes comme tant d’autres militaires, gendarmes et policiers pour lutter contre des milliers de terroristes armés jusqu’aux dents.

Ces terroristes étaient déterminés à mettre l’Algérie à feu et à sang, mais ils ont découvert chez les patriotes de Haouch-Gros une résistance et une détermination à toute épreuve. Chassés par les hommes de Sellami, par Moundji, Mouhou et compagnie.

C’est dans ce café de Haouch-Gros, qui a survécu à l’explosion d’une bombe et à toutes les attaques terroristes perpétrées contre cette localité, que Moundji, Rédha et Mouhou ont choisi de rencontrer notre reporter, en 2005. Hier, vendredi, le même endroit était triste, sans la présence du groupe de patriotes qui a toujours perpétué la mémoire de Sellami et la glorieuse histoire de leur combat.

Cet endroit est certes aujourd’hui libéré, mais il garde les empreintes d’une époque sanglante sous l’emprise des assassins, des terroristes. Bien que notre reporter semblait profondément affligé par le fait de ne pas avoir retrouvé trace de ces patriotes qu’il avait connus, il avait quand même surmonté la situation pour faire revivre ces moments de gloire, à travers les confessions, à l’époque, des hommes de Sellami.

Les premières heures de la création du groupe de patriotes

Haouch-Gros était alors sous l’emprise des terroristes du GIA, et la population commençait progressivement à quitter les lieux. Mohamed Sellami et ceux qui furent ses hommes comptaient parmi ces centaines de familles qui ont choisi de fuir le terrorisme et d’aller vivre ailleurs. Ils ont quitté Haouch Gros avec leurs familles pour se réfugier chez des proches, dans la périphérie d’Alger, durant les années 1993- 1994.

Pendant ce temps, les troupes du GIA qui se comptaient par centaines semaient la terreur et perpétraient des massacres dans toute la région de la Mitidja. Sellami commença alors à activer, pour former en 1994 son groupe de patriotes. C’est à Alger qu’ont eu lieu les premières rencontres entre Sellami et les hommes qui ont accepté de le suivre dans cette lutte.

Animés par l’amour de la patrie et assoiffé d’une vengeance, fort légitime, contre les terroristes qui avaient chassé leurs familles, spolié leurs biens, assassiné leurs proches, Sellami et ses hommes décidèrent de retourner à Haouch-Gros.

Ils étaient 17 à rejoindre discrètement la localité. Faisant part aux autorités militaires de son entreprise, Sellami a obtenu les premières armes pour s’engager dans cette lutte. Ils se sont scindés en quatre groupes et répartis dans des endroits stratégiques pour surveiller les incursions des terroristes.

A Haouch-Gros, les hommes de Sellami ont mené les premières attaques contre les lieux où se réfugiaient les terroristes. Moundji se souvient du jour où il avait abattu lors d’une embuscade le premier terroriste et blessé un autre. Les multiples embuscades tendues aux groupes armés par les hommes de Sellami ont fait le tour de la Mitidja.

Les terroristes du GIA qui activaient à Haouch-Gros ont été repoussés hors de la localité. Sellami et ses hommes ont par la suite élu domicile dans une villa coloniale abandonnée par son propriétaire puis occupée par les terroristes qui, finalement, en seront chassés par les patriotes. Cette villa, appelée « numéro 10 », est aujourd’hui occupée par les gardes communaux.

La Seriat El-Khadra, composée de plus de 250 terroristes armés jusqu’aux dents, a commencé à saccager tout ce qui se trouvait sur son passage. Les populations des villages avoisinants étaient ciblées, à l’exemple de celles d’Amrousssa, du douar Saâda, de Soumaâ, Chebli et même de la ville de Boufarik. Toutes les incursions terroristes des éléments de la Seriat El-Khadra contre les hommes de Sellami ont été déjouées.

Grâce à une stratégie de guerre mise en place, plus de dix terroristes ont été abattus par les patriotes en l’espace d’un mois. Les résultats enregistrés ont donné espoir aux populations de la région. Cette lutte commençait sérieusement à donner ses fruits, la riposte des patriotes étant meurtrière.

Les hommes de Sellami ont imprimé un véritable état d’inquiétude dans les rangs des terroristes dès lors que toutes les attaques dangereuses de ces derniers étaient systématiquement repoussées. Telles que celles perpétrées contre la population de Haouch-Gros par les sinistres Antar Zouabri, Zitouni, Boukabous ou encore Benarbia. Les hommes de Sellami ripostaient avec une force inouïe alors qu’ils étaient 10 fois moins nombreux que les terroristes.

La plus importante opération terroriste contre les patriotes de Haouch-Gros a été perpétrée en août 1995. Une horde de 210 éléments armés de toutes sortes d’armes de guerre avaient encerclé la localité.

Ils s’étaient fixé comme objectif de tuer tous les patriotes, de détruire toutes les habitations à l’aide de bulldozers, de mettre à feu et sang Haouch-Gros. Les hommes de Sellami n’étaient ce jour-là qu’au nombre de 15, mais ils étaient animés d’un courage sans pareil, d’une détermination absolue à vaincre la sauvagerie terroriste.

Informés à l’avance des desseins macabres des terroristes de Seriat El-Khadra, les patriotes se sont mis en embuscade dans tous les recoins de la localité. Vers 22 heures, les terroristes, très nombreux et qui avançaient derrière des bulldozers, ont été surpris les tirs nourris de Sellami et ses hommes. L’accrochage a duré jusqu’à une heure tardive, plusieurs terroristes alors dirigés par Zouabri ont été abattus, et les patriotes sont sortis vainqueurs de cette bataille.

L’information s’est répandue partout en Algérie. Et même en haut lieu, ce qui a permis aux hommes de Sellami d’être d’avantage renforcés par les autorités. Tous les autres villages et douars ont été armés, et ce grâce au soutien des hommes de Sellami. Alors que les terroristes se repliaient vers les zones montagneuses et installaient des casemates, Sellami et ses hommes se déplaçaient partout dans la Mitidja pour créer des groupes de patriotes, avec le soutien des forces armées.

Malheureusement, Sellami sera atteint d’une balle mortelle lors d’un accrochage qui s’est produit le 19 décembre 1995 à 22h près de la cité « Miami ». Mais la lutte se poursuivra avec Moundji et les autres. La résistance fut très forte à Birtouta, Oued Alleug, Baba Ali, Sidi Moussa, Médéa et même plus loin vers Boumedfaâ.

Haouch-Gros, le symbole de la résistance contre le terrorisme

Haouch-Gros se voulait être un symbole de la résistance contre le terrorisme, reconnaissante envers ses valeureux patriotes. Une initiative dans ce sens, celle d’un officier supérieur ayant vécu les moments forts de ce que fut la résistance des patriotes de Sellami, a été vaine.

C’est cet officier qui a donné les premières armes aux hommes de Sellami, comme en témoignent Moundji et les autres. Cet officier a témoigné de la résistance des hommes de Sellami. Mais son témoignage demeurera à jamais dans les archives oubliées, car les hommes de Sellami ne veulent plus entendre parler de cette résistance armée. Les patriotes de Haouche-Gros ont tourné la page d’une époque sanglante.