Une grande soirée artistique lui a été dédiée : Vibrant hommage à Nora

Une grande soirée artistique lui a été dédiée : Vibrant hommage à Nora

L’Office Riad El-Feth, sous le haut patronage du ministère de la Culture, a organisé une soirée artistique en hommage à la grande chanteuse Nora, qui a marqué la scène musicale durant les années 1960-1970, jeudi soir, à la salle Ibn Zeydoun, avec une pléiade d’artistes qui ont gratifié le public d’un répertoire de qualité.

Chaba Yamina, Ouardia Aïssaoui, Nada Rayhane, Bouzid El Hadj et l’élève de l’école «Alhane oua Chabab» Lamia Battouche ont tenu à être présents pour partager ces moment de bonheur avec la grande artiste, de lui donner de la joie, du plaisir en interprétant ses chansons en signe de reconnaissance pour tout ce qu’elle a donné pour la chanson algérienne. Les fans de cette artiste, ainsi que sa famille et ses amis étaient aussi là pour lui exprimer leur gratitude et lui signifier quelque part que même absente de la scène depuis très longtemps, elle demeure toujours présente.

Vêtue d’une tenue noire et d’un beau burnous noir, la diva a fait une entrée triomphale à la salle Ibn Zeydoun, sous des applaudissements nourris du public et des youyous stridents. Soutenue par la ministre de la Culture Khalida Toumi, son époux, le grand auteur et compositeur Kamel Hammadi, et de sa fille Madjda, Nora a été longuement applaudie. Beaucoup de spectateurs sont venus rendre hommage à cette chanteuse.

La soirée débute avec un documentaire qui retrace la vie et le parcours de la chanteuse. Nora, de son vrai nom Fatima-Zohra Badji, est née en 1942 à Sidi-Amar, près de Cherchell, au sein d’une famille nombreuse. Jeune, Nora était trop timide. Elle passait son temps à écouter la radio. Dans les années 1950, elle postule pour le poste d’animatrice à la radio algérienne où elle était engagée pour animer une émission pour enfants, mais le destin a voulu qu’elle réalise son destin et de faire carrière dans la chanson. Participant activement à la rénovation de la chanson algérienne, elle est également la première chanteuse qui a bénéficié du statut de star par des thèmes proches de tous, en interprétant le thème de l’exil, l’amour avec Houa, houa (lui, lui) et en exploitant différents registres des folklores régionaux. En cette même période, Amari Maâmar lui offre aussi la chanson El Ouarda écrite par Said Hayef. Elle chante sous la direction de Mustapha Skandrani. Elle est la première chanteuse maghrébine à obtenir un disque d’or au début des années 1970. Elle a plus de 500 titres dans tous les genres (chaâbi, kabyle, chaoui, sahraoui, andalou et même dans la langue française). Nora a touché aussi au théâtre par un rôle dans une opérette intitulée Ana el warqa el meskina (Je suis une pauvre feuille) écrite par Mustapha Kechkoul, discothécaire de Radio Alger, bien introduit dans le cercle musical algérois et composée par Skandrani. Cette chanson éponyme sera reprise, plus tard, par Lili Boniche en France et plus tard par Hamidou. Le poète Sid Ahmed Lakehal, ravi par sa prestation, dit spontanément : «Nora, vous avez été magnifique ! » Le pseudonyme est né. Encadrée par Mohamed Jamoussi qui occupait la fonction de directeur artistique de l’Opéra d’Alger et le grand parolier musicien Mahboub Bati, Nora s’imposera très vite comme l’une des plus grandes chanteuses algériennes de l’époque.

En compagnie de nombreux artistes et à l’invitation de la maison de disque Topaz, elle part pour Paris en 1959 pour une série d’enregistrements. Elle épouse la même année l’auteur compositeur et interprète Kamel Hamadi, rencontré à Radio Alger. C’est un nouveau tournant pour Nora qui commence sa collaboration avec, entre autres, El Habib Hachelaf. Celui-ci adaptera pour elle la chanson traditionnelle, Ya rabi Sidi, dont Kamel Hamadi compose la musique. Cette chanson devenue célèbre, comme d’autres de son répertoire, qui répercute les préoccupations des femmes algériennes qui souffraient à l’époque de l’émigration de leurs enfants et du mariage de ces derniers avec des étrangères.

Nora s’intéressera également aux thèmes traditionnels comme le mariage avec Mebrouk el aêrs (félicitations pour le mariage) et Ya Bnet el Houa (les filles du quartier), ou encore l’amour d’une mère pour son fils avec Ya bni (Mon fils). Ahmed Wahby lui composera du asri (style moderne oranais) et son époux, Kamel Hamadi, des chansons kabyles comme Rebbi ad isahel (Dieu nous aidera), qu’ils chanteront ensemble. Elle incarnera avec son mari, à la ville comme à la scène, le duo de la chanson algérienne des années 1960. En 1965, elle fera également un album en français où elle interprète une Vie, écrite par Michel Berger, et Paris dans mon sac, de Kamel Hamadi. Après 1962, elle retourne vivre en Algérie, mais continue de faire la navette entre Alger et Saint-Michel où elle fréquente de nombreux artistes français de l’époque comme Juliette Greco. En 1971, c’est en compagnie du chanteur kabyle Slimane Azem qu’elle reçoit son disque d’or pour plus d’un million de disques vendus chez Pathé Marconi. C’est la première fois que des artistes maghrébins sont distingués pour leur vente en France. Cette femme qui a fait le bonheur de plusieurs générations se trouve, aujourd’hui, affaiblie par la maladie. Mais elle a tenu à répondre à l’invitation des organisateurs de cet hommage et se ressourcer auprès des siens qu’elle a quittés depuis si longtemps. Par la suite, il y a eu le passage des artistes qui a commencé par l’une des élèves d’«Alhane wa chabab», Lamia Battouche, qui interprète deux chansons du répertoire de la diva, Ya Kalbi Waâlache ya dalem et Yama Gollili. Par la suite, le tour était venu pour Bouzid El Hadj qui est de la même génération que la chanteuse, de monter sur scène et de chanter Loukane H’bibi Youali et Ya oulad el Houma qui lui valent les applaudissements du public. Il déclare que «Nora est une grande chanteuse.

C’est une archive de la musique algérienne à préserver». Pour sa par, l’une des stars de la chanson kabyle qui a marqué aussi la scène par son style, Ouardia Aïssaoui, a tenu aussi à lui rendre hommage, tout en la remerciant pour ce qu’elle a donné pour les femmes algériennes dans une période difficile où il était considéré honteux pour une femme de chanter. Elle a interprété avec brio Adrar n’Djarjar, Chagaâgh Slam et Amirouch.

Ouardia était vraiment émotive en chantant ses chansons au point qu’elle a versé des larmes. Nada Rayhane a aussi contribué à cet hommage par trois des plus belles chansons qui ont connu un grand succès auprès du public dans les années 1970, Mektoub Aliya n’oualef, Bkit ana Wahdi et Had lahoua li dani. La soirée a été clôturée par le passage de Yamina qui a mis le feu à la salle en chantant Ya rabi sidi et Ya riadi laâb el kora qui a vraiment fait plaisir à Nora qui a offert au public l’occasion de rechanter devant lui, histoire de le remercier pour l’hommage.

Kafia Ait Allouache

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Déclarations :

Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture

«Cet hommage entre dans le cadre de la valorisation, la conservation et la mise en valeur de notre patrimoine au profit de cette jeunesse. Il leur faut prendre connaissance de ce qui a été enregistré pour pouvoir continuer, c’est aussi une reconnaissance pour ces artistes qui sont des trésors humains. Nora et les artistes qui ont été honorés méritent la gratitude. Parce qu’il n’y a pas pire que l’ingratitude. Par ailleurs, ce qui est vraiment plus intéressant, c’est que ces jeunes soient aussi reconnaissants. La grandeur commence avec la modestie et la générosité, c’est aussi quand les jeunes se rendent compte de ce que ces personnes ont donné et prennent la mesure de l’immensité de ce qui a été donné.»

Nora

«Je suis vraiment contente d’être ici ce soir en cette occasion pour l’hommage qui m’a été réservé par les organisateurs avec à leur tête la ministre de la Culture, avec la présence de mes amis que j’adore et qui me le rendent bien, qui ont aussi tenu à partager cette joie et ce bonheur avec moi. Je suis aussi contente par le passage de ces artistes qui m’ont réjoui le cœur en interprétant mes chansons. Cela m’a vraiment fait plaisir et j’ai félicité tout le monde. Je suis aussi contente de retrouver mon public qui m’a trop manqué. Je souhaite aussi la réussite à nos jeunes et l’épanouissement à notre pays. J’étais bien chanceuse dans ma vie artistique où j’avais l’occasion de rencontrer la scène artistique. Mon époux qui m’a toujours encouragée. Il a aussi contribué dans ma carrière et mes succès. Il y avait une grande complicité entre nous. Je lui dois aussi les remerciements pour tout ce qu’il a fait pour moi. Je souhaite avoir d’autres occasions pour me retrouver avec mon fidèle public.»

Kamel Hamadi

«Cet hommage lui fait beaucoup de bien parce qu’elle est vraiment très malade. Cela fait vraiment longtemps qu’elle n’a pas eu son public devant elle. Aujourd’hui, elle a vu que son public était présent et il ne l’a pas oubliée. Elle est très contente et je suis content pour elle parce qu’elle a beaucoup souffert. Elle aime son art et son pays. Elle aurait pu faire beaucoup plus, mais malheureusement la maladie l’a stoppée.»

Propos recueillis par K. A. A.