Une «Fondation pour la mémoire» pour «apaiser» les relations entre Paris et Alger ? C’est ainsi que certains sites d’informations français présentent la création prochaine, en France, d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.
C’est le secrétaire d’Etat fran-çais à la Défense et aux an-ciens combattants, Hubert Falco, qui a orienté cette lecture en estimant que les «derniers évènements» – c’est-à-dire la proposition de loi criminalisant le colonialisme lancée par des députés algériens«montrent qu’il est temps que tout cela se mette en place».
Le secrétaire d’Etat français a qualifié la proposition de loi des députés algériens de «particulièrement inquiétante et même outrancière».
En termes «d’apaisement», il faudra donc attendre encore. La Fondation que M. Falco présente comme «non partisane» ne serait pas chargée d’écrire l’histoire de la «guerre d’Algérie».
Elle sera le lieu «où chacun pourra venir déposer sa part de mémoire, sans exclusive».
Le responsable français note qu’il n’y a eu pour l’heure «aucun retour d’Algérie» et il dit espérer que «l’État algérien aidera à accomplir ce devoir de vérité dans un bon esprit».
Il est hautement improbable que l’Etat algérien accepte de participer à cette Fondation financée par l’Etat français (7,2 millions d’euros) et qui aura ses locaux aux Invalides, un haut lieu de la mémoire militaire française de la capitale française.
La Fondation qui devrait être présidée par l’ancien président de la compagnie d’assurance française Axa, Claude Bébéar, qui «a lui-même fait la guerre d’Algérie» peut difficilement passer aux yeux des responsables algériens pour un espace historique œcuménique.
Le fait que ladite fondation soit la traduction d’une disposition de la loi folklorique du 23 février 2005 dont un article appelait à la glorification des «aspects positifs du colonialisme» n’est pas pour la rendre plus attrayante. Au demeurant, hors de toute intervention politicienne, le travail des historiens, algériens et français, se déroule vaille que vaille et malgré toutes les difficultés, notamment en ce qui concerne l’ouverture des archives françaises.
PAS DE «RETOUR» D’ALGÉRIE
La Fondation française pourrait, peut-être, intéresser les Marocains et les Tunisiens, en raison d’une histoire beaucoup moins sanglante, infiniment moins brutale.
Pour les partis et organisations dites de la famille révolutionnaire qui réclament une reconnaissance des crimes coloniaux par l’Etat français, une participation algérienne serait, pour le moins, déplacée. Elle servirait d’alibi à ce qu’ils considèrent comme une négation des crimes coloniaux.
Le fait que cette structure soit présentée comme une sorte de réponse à la proposition de loi criminalisant le colonialisme ne fera que conforter l’Etat algérien dans l’idée de ne donner aucun écho à cette approche très spécifiquement française.
Le récent débat français sur l’identité nationale orienté, malgré des dénégations qui prêtent à sourire, sur la stigmatisation des immigrés et des musulmans est révélateur d’un climat.
Organisée par le gouvernement français, cette quête identitaire officielle indique que la position des élites de pouvoir actuelles sur les questions socio-historiques est celle d’un net recul.
La partie française-cela a été clairement énoncé par le Président Nicolas Sarkozy-n’est pas prête à accomplir l’acte politique solennel de reconnaissance des méfaits de la colonisation attendu par Alger.
La Fondation – à laquelle on peut pronostiquer sans grand risque de se fourvoyer que l’Algérie ne participera pas-servirait ainsi de dérivatif. Hubert Falco qui est maire de la ville de Toulon où les rapatriés d’Algérie forment une base électorale significative évoque une «fondation ouverte à tous…anciens appelés et officiers, harkis, rapatriés, membres du FLN ou de l’OAS, et le sera aussi à l’Etat algérien».
QUI SE SOUVIENT DE REGGANE ?
Des membres du FLN causant «histoire» avec les gens de l’OAS… voilà qui ne manquerait pas de piquant!On attend avec intérêt les thèmes des «causeries». Quel type de réaction cette étonnante suggestion pourrait-elle provoquer de ce côté-ci de la Méditerranée ?
Le secrétaire d’Etat français croit voir dans cette fondation une «portée symbolique (…) comparable à celle de la poignée de mains entre le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer qui avait scellé la réconciliation franco-allemande en 1958». La comparaison est intéressante, bien que Konrad Adenauer n’ait, à aucun moment, nié les méfaits de la présence allemande en France et n’ait pas cherché à lui trouver le moindre aspect positif.
Sur le fond, les Algériens n’ont même pas de commentaires à formuler sur une fondation française destinée à répondre à une catégorie composée de militaires, harkis, terroristes de l’OAS et autres nostalgériques. En réalité, ce dossier de l’histoire qui pèse en permanence sur les relations entre les deux Etats n’est pas prêt de connaître d’avancée. Les crispations ont, au contraire, tendance à nourrir les régressions, ainsi que l’a montré l’étrange et triste débat sur l’identité nationale en France.
Il faut, en outre, noter que des personnalités algériennes estiment, également, qu’il n’est pas judicieux d’attendre ou d’exiger des excuses de la France mais qu’il serait opportun de mieux enseigner l’histoire et d’encourager la recherche historique et scientifique.
Comme, par exemple, mesurer les conséquences des essais nucléaires français. Le 13 février 1960, il y a cinquante ans, jour pour jour, la première bombe atomique explosait près de Reggane dans le cadre de l’opération «Gerboise bleue». Trois autres essais nucléaires atmosphériques y ont eu lieu avant que les essais nucléaires français se déplacent du côté de Tamanrasset où 14 autres essais souterrains seront effectués.
M. Saâdoune