Outre les maladies qui déciment des élevages entiers, l’informel mine l’activité au point de déréguler et déstructurer le marché.
Les prix de la volaille, une fois de plus, ne cessent de faire le yoyo avec un coup de chaud en décembre dernier où le poulet était cédé à 450 DA le kg et, à nouveau, une chute pour atteindre désormais le seuil des 250 DA le kg. Le tout sur fond d’alerte sanitaire, en octobre-novembre 2016, suite à l’apparition du virus influenza H7N1 qui a décimé des milliers d’oiseaux migrateurs dans le Sud, ajouté à une suspicion de la maladie de Newcastle aux frontières Est. Un cumul d’impondérables, mais pas seulement, qui vient montrer aux professionnels et aux pouvoirs publics que la dérégulation de la filière avicole a autant d’effet dévastateur que les maladies, sans oublier les répercussions sur les consommateurs.
En effet, si la dernière alerte sanitaire, en question, n’a pas encore eu d’effets néfastes sur les élevages de poules, cela ne signifie pas que tout risque est écarté.
Au niveau du ministère de l’Agriculture et de la Pêche, la situation est ainsi évaluée : “L’Algérie est membre de l’organisation mondiale de la santé animale (OIE), donc nous sommes tenus de déclarer tout foyer de maladie. Et si le foyer de maladie n’est pas si alarmant, on peut quadriller et sensibiliser les éleveurs.” Et notre interlocuteur de conclure, sur ce chapitre, que la surveillance des élevages de volailles est permanente par les services concernés. Néanmoins cette sérénité n’est pas totalement partagée par les professionnels du secteur qui en profitent pour dresser un état des lieux catastrophique de la filière avicole qui continue de s’enfoncer, depuis des années, dans la crise.

La cause première : l’anarchie totale régnant dans la filière avec plus de 80% des éleveurs exerçant dans l’informel, et donc sans aucun contrôle, d’où les risques pour les consommateurs.
Les chiffres du secteur font état également de quelque 20 000 éleveurs “formels”, et quelque 2 000 familles vivant de cette activité. Pour le vice-président du Conseil national interprofessionnel de la filière avicole (Cnia), tout vient de l’anarchie qui règne. “L’État est totalement absent, au lieu de réguler et de délivrer des agréments, il laisse les gens travailler au noir. Ce sont des opportunistes qui n’ont rien à voir avec le créneau mais qui ont un accès facile à la banque”, déclare-t-il.
Pour notre interlocuteur, le marché est un véritable “souk”, selon sa propre expression, et c’est là aussi, l’une des causes de l’instabilité des prix ; soit une spéculation farouche des opportunistes. L’intervention de l’État en tant qu’acteur de la régulation et fixant en concertation avec les professionnels des prix de références est l’une des politiques attendues depuis des années. D’ailleurs un éleveur estime que “l’Algérie et tous les autres pays font tout pour réguler le pétrole, ce qui n’est pas n’importe quel produit, alors pourquoi le ministère ne fait-il rien pour réguler la production de viande blanche ?” Autre élément à prendre en compte, et non des moindres, quand il y a plus de 80% d’informel, ce sont autant d’élevages qui ne sont pas contrôlés, le cheptel mal vacciné ou pas du tout, comme nous l’a confirmé un vétérinaire, membre de la même organisation professionnelle. D’ailleurs la maladie de Newcastle apparue dans certaines régions du pays, en 2015-2016, a décimé le cheptel et mis sur la paille nombre de producteurs de volailles qui n’ont pas été indemnisés ou si peu, nous a-t-on affirmé.
Du côté du ministère de l’Agriculture, l’on est bien au fait des critiques du Cnia avec qui une feuille de route a été signée en 2015. Les réponses que nous avons obtenues confirment tout ce qui nous a été rapporté. “Le problème est vrai que beaucoup d’éleveurs activent dans l’informel. Ce sont de petits élevages archaïques et nous travaillons avec les ministères des Finances et du Commerce pour les encourager à intégrer le circuit classique. Nous encourageons les investissements avec un accompagnement, mais il faut que la filière se professionnalise, investisse dans des équipements plus modernes ; l’idéal serait qu’il y ait l’émergence de 6 à 7 grands pôles d’élevage industriel sur tout le territoire national”, dira notre interlocuteur. Mais au-delà des bonnes intentions sur les mesures pour encourager l’intégration dans le formel, rien ne nous a été dit sur les mesures coercitives prises contre les nombreux récalcitrants. Et cela alors que les pouvoirs publics, en plus de devoir tenir leur rôle de régulateurs, ont aussi et surtout la responsabilité de préserver la santé des consommateurs.