Le port de Skikda
A la dissolution de l’entreprise publique Edimel les actifs résiduels, dont le site où active GSA, passent sous le contrôle du service des Domaines.
L’un des terminaux à conteneurs de l’entreprise algérienne Gulf Shipping Agency (GSA) à Skikda est à l’arrêt depuis le 12 octobre 2014. Le silence et le laxisme de certains centres de décision locaux ont permis que 25 emplois directs et plus d’une centaine indirects soient perdus. Genèse de l’affaire:
Gulf Shipping Agency (GSA) a contracté auprès de l’entreprise publique Edimel un bail de location, d’un de ses parcs, d’une année tacitement reconductible trois fois. Dans ledit contrat, il est précisé que le locataire aura priorité sur toute action de cession de concession ou de partenariat qu’engagerait, dans le cadre des règles ad hoc en la matière l’Edimel sur l’actif loué. Fort de cette garantie contractuelle, le locataire engage, avec l’accord écrit du bailleur, d’importants investissements de réhabilitation des lieux précédemment, totalement inondables.
Deux mois après la signature du contrat, l’Edimel lance un appel d’offres de vente du site. Faisant valoir la clause du contrat, GSA a été seule à soumissionner, mais la vente n’a pas pu se conclure en raison de l’absence d’autres soumissionnaires. L’Edimel n’a pas renouvelé l’appel d’offres comme le prévoit le Code des marchés publics. Ne voyant rien venir de la part de l’entreprise propriétaire, GSA adresse des courriers à toutes les instances susceptibles de faire valoir ses droits et permettre à son entreprise d’évoluer dans un environnement juridique sain.
Dans les multiples lettres qu’il a adressées au Premier ministre, au wali de Skikda, à la Société de gestion des participations, organe décisionnel de l’Edimel, aux services des Domaines, le gérant de la société affirme sa disponibilité à étudier toute proposition émanant des structures dirigeantes de l’entreprise ou de la SGP. Cession, concession ou partenariat constituent autant d’options qui agréent GSA. Mais toutes les instances touchées par le gérant de GSA demeurent muettes.
Plus grave encore, les dispositions très claires de la loi de finances complémentaire de 2006, concernant les actifs résiduels des entreprises publiques et les instructions subséquentes du directeur général du Domaine aux directeurs régionaux des Domaines dont celui de Skikda en date du 13 septembre 2009, les instruisant de régulariser pareille situation en application de la loi n’y fera rien. Le directeur des Domaines et surtout le wali de Skikda destinataires de deux lettres, en 2011 et en 2013 sur le sujet, ne bronchent pas. A la dissolution de l’entreprise publique Edimel les actifs résiduels, dont le site où active GSA, passent sous le contrôle du ser-
vice des Domaines. Il convient de souligner qu’un dossier d’investissement en bonne et due forme a été déposé auprès du Calpiref local, sans que cette démarche ne fasse bouger le wali de Skikda, pourtant premier responsable du développement économique de sa wilaya.
Après un silence qui a duré des années, le directeur des Domaines introduit, le 30 juin 2013, une action en justice à l’encontre de GSA devant le tribunal administratif de Skikda. Motif de la requête: affectation des lieux en faveur d’un projet d’utilité publique. L’audience a été fixée au 22 septembre de la même année. Le tribunal de Skikda déboute le directeur des Domaines pour vice de forme. Alors même que l’affaire n’a pas encore été définitivement traitée par la justice, «le directeur des Domaines signe deux décisions d’attribution à deux opérateurs privés, en contradiction avec les motifs évoqués dans sa requête, à peine trois jours après l’audience», accuse M.Meslem. Les deux opérateurs se partagent donc le site. Le 14 juillet 2014, le tribunal statue au profit des Domaines, alors qu’au titre des décisions d’attribution signées, il n’a plus ni la qualité de propriétaire ni aucune autorité sur le site en question. En réaction, GSA fait appel devant le Conseil d’Etat, le 25 août 2014. Mais la décision du tribunal administratif de Skikda étant exécutoire, GSA est délogée, le 12 octobre 2014, en présence d’un huissier de justice, des forces de l’ordre et «curieusement du directeur des Domaines non concerné qui, comble du paradoxe, se substitue ainsi aux deux opérateurs censés occuper le site et qui étrangement seuls les concernés étaient absents», note M.Meslem.
En attendant que le Conseil d’Etat (auprès duquel GSA a fait appel) statue sur le dossier, l’on notera que dans cette affaire les aspects financiers et socio-économiques ont été les grands perdants. Et pour cause, outre le fait que si la soumission avait été jusqu’à son terme, «Edimel aurait disposé de plusieurs dizaines de millions de dinars, fruit de la transaction, mais aussi les 25 familles qui vivaient de cet investissement auraient conservé leur emploi», insiste M.Meslem. Notons également qu’en plus de sa disponibilité à conclure un partenariat avec un opérateur public, le propriétaire de GSA avait l’intention de mettre en place dans ce site-même, une plate-forme dédiée à l’exportation des produits algériens. Enfin, il y a lieu de relever que le propriétaire de GSA a saisi le président de la République, par courrier. Ledit courrier a fait l’objet d’une réponse encourageante. Ce qui amène à espérer une suite intéressante.