Une élection inédite !

Une élection inédite !

Juste avant l’heure du dépouillement, les partisans de Bouteflika et de Benflis préparaient des défilés de “victoire”. Chaque camp croit avoir déjà gagné.

Une présidentielle inédite. Exceptionnelle. Et surtout entourée d’une haute tension. Six candidats dont le Président sortant, amoindri par la maladie, qui a fait sa campagne par procuration. Elle s’est déjà annoncée particulière avec l’image et le discours. L’image, celle du Président souvent invisible et avec une ancienne photo pour illustrer son affiche.

Pour la littérature, on a eu droit à un nouveau lexique, une sémantique rehaussée avec une terminologie déstabilisante. Bouteflika ne parle pas. Ses procurateurs, chacun avec un rôle précis, cafouillent, paraissent parfois se contredire, mais tiennent droit sur “la seule garantie de la stabilité”. La campagne est inédite. Critiques, violences verbales, dénonciations et provocations ont réussi à placer en haut du tableau deux candidats parmi les six.

L’élection intervient dans un contexte particulièrement marqué par une conjoncture régionale et internationale défavorable et une situation interne bouillonnante. Émeutes, affrontements à Ghardaïa et une campagne perturbée en raison des discours perçus dans certaines régions comme une provocation. En plus des tentatives d’impliquer l’armée dans le processus. Pour une fois, la classe politique est franchement divisée. Non pas sur une base idéologique ou programmatique, mais sur la question de la tenue ou non du scrutin et la candidature pour un quatrième mandat pour Bouteflika.

Cette tension provoquera alors une psychose largement perceptible à la dernière semaine de la campagne et encore plus forte à la veille du scrutin, malgré les assurances des candidats et de leurs représentants. Elle se manifeste à travers le comportement de la population qui s’est ruée sur les produits alimentaires et les stations de carburant prises d’assaut. Et cela paraît visible dans les villes, la matinée même du vote. Des villes mortes, désertées, les magasins fermés et de rares individus dehors à l’ouverture des bureaux de vote.

Jamais une élection algérienne n’a connu autant d’intervenants. Des politiques, des analystes, des universitaires, des officiers de l’armée à la retraite, d’anciens ministres. Chacun ayant été de son analyse, de son initiative et de son option, d’où l’on retiendra, en premier lieu, le terrorisant “chaos” annoncé en cas de tenue du scrutin, pour les uns, de son report pour les autres. Et dans les deux cas, transparaît l’incertitude.

Les médias ont été de leur côté des acteurs parfois trop impliqués avec des partis pris et participé au traumatisme. Les chaînes de télévision privées, à de très rares exceptions, ont pris position dans cette opération dans un exercice, qui tient plus de la manipulation que de l’information. La bataille la plus féroce a lieu sur les réseaux sociaux où se retrouvent des protagonistes périphériques et, accessoirement, des hackers qui ont redoublé de génie pour torpiller des sites dédiés aux candidats.

Le candidat absent a innové en se contentant de messages lus par ses représentants et une entorse lorsqu’il mélange ses activités protocolaires avec sa candidature en prenant à témoin des responsables gouvernementaux étrangers qu’il a reçus, alors que la campagne battait son plein. Certains ont dénoncé cette attitude, alors que les adeptes de la non-ingérence étrangère, à l’instar de la candidate Louisa Hanoune, toujours prompte à dénoncer le courrier adressé aux instances internationales, ont omis tout simplement ce fait. Une posture identique à celle des représentants du Président-candidat.

Cette élection s’est transformée, au fil des jours, et jusqu’à hier, en une sorte de bras de fer entre deux candidats, Ali Benflis et Abdelaziz Bouteflika. D’ailleurs, juste avant l’heure du dépouillement, les partisans des deux candidats préparaient des défilés de “victoire”. Chaque camp croit avoir déjà gagné.

Ce jeudi a été une journée particulière pour une élection présidentielle exceptionnelle et inédite.