Les affrontements de la nuit entre forces de l’ordre, partisans et adversaires de Mohamed Morsi ont fait 7 morts et 261 blessés. Ces premiers heurts violents depuis une semaine au Caire se sont produits alors que le secrétaire d’Etat adjoint américain William Burns était accueilli dans la capitale égyptienne.
Selon les indications données par le responsable des services d’urgence, deux personnes ont été tuées près d’un pont dans le centre de la capitale égyptienne et cinq autres dans le quartier de Gizeh.
Par ailleurs, au moins 401 personnes ont été interpellées à la suite des violences de la nuit au Caire, qui ont fait sept morts en marge des manifestations de partisans du président déchu Mohamed Morsi, a indiqué hier une source de sécurité. L’arrestation de ces «émeutiers» concernent le seul secteur de Ramses, dans le centre de la capitale, où deux personnes sont mortes dans les affrontements de la nuit, a précisé cette source, citée par l’agence officielle Mena. Cinq autres personnes ont trouvé la mort à Guizeh, un autre quartier du Caire, d’après les services d’urgence.
Un haut responsable du ministère de la Santé, le Dr Khaled al-Khatib, cité par l’agence officielle Mena, a confirmé que sept personnes avaient péri dans des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. D’après Mohammed Soltan, les heurts survenus dans le secteur de Ramses ont fait au moins 125 blessés. Et à Guizeh, 130 personnes ont été touchées, a-t-il ajouté. En début de matinée, la police avait fait état de quatre blessés dans ses rangs.
De même source, six personnes ont également été blessées aux abords de la mosquée Rabaa al-Adawiya, où des dizaines de milliers de partisans de Morsi ont à nouveau manifesté avant-hier soir pour exiger son retour.
Les Frères musulmans tentent de paralyser la capitale
Des accrochages ont opposé la police aux manifestants Frères musulmans, place de la Gare au Caire, alors que d’autres manifestations islamistes se déroulaient sur d’autres avenues névralgiques de la capitale. L’objectif affiché par le numéro deux du parti Liberté et justice des Frères musulmans était de paralyser Le Caire. Essam el-Erian a déclaré que ces manifestations visaient à mettre une pression populaire sur « les putschistes» pour qu’ils restaurent le président «légitime» Mohamed Morsi.
Des militants de la confrérie sont donc arrivés du Delta en train pour bloquer la place de la Gare et le viaduc du 6 Octobre qui traverse la capitale. D’autres sont arrivés en bus de la Haute-Egypte et ont bloqué le périphérique à hauteur de Gizeh, au sud du Caire. De quoi provoquer des embouteillages monstres dans la mégapole où minuit est une heure de pointe du fait du jeûne du ramadhan. La police est intervenue place de la Gare pour dégager le viaduc barré par un mur construit par les islamistes. Même si le mur a été rasé, la circulation n’a pas pu être rétablie du fait des accrochages sporadiques. Le ministère de l’Intérieur a publié un communiqué où il menace d’utiliser des mesures draconiennes contre les «coupeurs de routes».
Washington croit en une «seconde chance» pour réussir la transition
L’Egypte a une «seconde chance» pour réussir sa transition démocratique et «une seconde chance est rare» dans la vie d’un pays, a déclaré avant-hier au Caire le secrétaire d’Etat adjoint américain, William Burns, en visite en Egypte à un moment où le sentiment anti-américain est exprimé autant par les islamistes égyptiens que par leurs opposants.
Dans un point de presse tenu à l’issue de ses rencontres avec le président par intérim, Adli Mansour, et le nouveau Premier ministre, Hazem el Beblaoui, le numéro deux de la diplomatie américaine a déclaré que le président Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry l’avaient dépêché au Caire en ce «moment important» pour écouter les différentes parties égyptiennes et voir comment les Etats-Unis pourraient apporter leur aide durant cette période délicate que traverse ce pays.
Alors que plusieurs voix en Egypte accusent les Etats-Unis d’ingérence, le secrétaire d’Etat adjoint a tenté de s’en défendre en faisant valoir qu’il n’était pas venu avec «des solutions américaines» ni pour «donner des solutions», soutenant que seuls les Egyptiens pouvaient décider de leur avenir et forger leur pro-pre chemin vers la démocratie. Sur le plan économique, il a laissé entendre que le FMI allait engager des efforts pour aider l’Egypte à surmonter sa crise éco-sociale qui s’est traduite, depuis 2011, par une nette baisse de la croissance, un taux de chômage de plus de 13%, une dette extérieure de 39 milliards de dollars et des réserves de change représentant seulement trois mois d’importations.
Feu vert israélien pour l’envoi de renforts égyptiens dans le Sinaï
Israël a donné son accord au déploiement de deux bataillons d’infanterie supplémentaires de l’armée égyptienne dans le Sinaï suite à la recrudescence d’attaques armées dans cette région désertique depuis l’éviction du président islamiste Mohamed Morsi. L’accord de paix entre les deux pays, conclu en 1979, prévoit en effet une limitation de la présence militaire égyptienne dans le Sinaï, péninsule hautement stratégique située aux confins de l’Égypte, d’Israël et de la bande de Ghaza. Mais des dérogations temporaires sont possibles par agrément mutuel.
Ankara dit avoir une feuille de route
Au cours d’une rencontre avec l’ambassadeur égyptien en Turquie, le président turc, Abdallah Gül, lui a notifié la feuille de route d’Ankara pour résoudre la crise égyptienne. Il a demandé la libération de Mohammad Morsi et les dirigeants des Frères musulmans. Il a proposé l’arrêt du processus du transfert politique et le marchepied du pays vers la création d’un gouvernement civil et élu d’ici 8 mois. Il a préconise que le gouvernement provisoire soit créé avec un comité composé de 50 personnes, avec pour mission de rédiger la nouvelle Constitution d’ici à 30 jours. «La société démocratique doit corriger ses erreurs et éviter de se diriger vers un coup d’Etat militaire», a-t-il ajouté avant d’estimer que la Turquie souhaitait la stabilisation en Egypte.
«La gravité des violences confessionnelles» dénoncée
L’ONG égyptienne, l’Initiative pour les droits personnels (EIPR), a dénoncé avant-hier dans un communiqué «la gravité des violences confessionnelles» depuis le début des manifestations ayant conduit à la destitution par l’armée du président Mohamed Morsi.
Les autorités «de transition doivent prendre des initiatives rapides pour protéger les Egyptiens et mettre un terme à la campagne actuelle», souligne l’ONG, qui demande aussi l’ouverture d’enquêtes sur ces récentes violences à caractère confessionnel.
Par Lynda Naili Bourebrab