La Moudjahida, Zhor Zerrari, est décédée lundi à Alger à l’âge de 76 ans des suites d’une longue maladie, a-t-on appris auprès de sa famille. La défunte faisait partie des Moudjahidate les plus actives dans la “Zone Autonome d’Alger” durant la guerre de libération nationale, aux côtés de Hassiba Ben Bouali, Zohra Drif, Djamila Bouhired et autres héroïnes de la Bataille d’Alger.
Arrêtée par les parachutistes le 25 août 1957, elle sera torturée à l’école Sarrouy, dans le quartier de Soustara (Alger), puis incarcérée dans plusieurs prisons en France après avoir été condamnée à la perpétuité, à l’âge de 19 ans.
Nièce du commandant Azzedine, de son vrai nom Rabah Zerrari, un des responsables de l’ALN, elle verra son père disparaitre à jamais durant la grève des huit jours, lors de laquelle il a été arrêté et torturé par les parachutistes.
Zhor Zerrari avait gardé de lourdes et invalidantes séquelles des suites des supplices qu’elle a eu à endurer lors de la « question » que lui faisaient subir ses tortionnaires agissant sous les ordres directs du général Schmitt, toujours en vie. « Je continue, disait-elle, à endurer des douleurs au quotidien. Ma vie en a été gâchée ».
Zhor souffrait depuis presque cinquante ans de pertes d’équilibre, de violentes douleurs à la colonne vertébrale, aux membres supérieurs et inférieurs, lesquelles entrainaient des chutes brutales et des pertes de connaissance.
Elle a été également écrivain et journaliste. Ci-dessous un de ses poèmes.
Lettre à un Algérien servant dans l’armée française
Dis-moi
Comment as-tu fais
Pour tout oublier ?
Comment as-tu pu oublier
Nos humiliations et nos souffrances
Le racisme et le mépris ?
Te rappelles-tu
Le jour où tu as leuré
Ils t’avaient renvoyé du lycée
Parce que tu n’étais qu’un bicot ?
Te rappelles-tu
Les jours où tu traînais
Dans les rues , ta rage impuissante ?
Tu n’étais alors qu’un
Chiffre de plus dans La longue addition des chômeurs
Tu étais alors pour moi
Un champs de blé
Sous un ciel bleu .
Aujourd’hui
Ce champ tu l’as saccagé
Et de ce bleu pleuvent des bombes
Comment as-tu fais
Pour te détruire ainsi ?
L’uniforme que tu as endossé
Nous rappelle à tous
Le 8 mai 45
J’avais alors 8 ans
Tu en avais trois de plus .
Qu’as-tu fait pour être
Lieutenant dans l’armée française .
Combien de tes frères as-tu tués ?
Combien en as-tu gardés
Derrière les barbelés
Tu en as peut-être torturés aussi
Dis-moi
Comment as-tu fais ?
Zhor Zerrari
poèmes de prison
“Lettre à un Algérien servant dans l’armée française (p. 24-25)”
éditions Bouchène, Alger 1988.