Erik Gerets est prévoyant. Pas seulement dans la préparation du match du Maroc face à l’Algérie. Selon toute vraisemblance, il est en train également de se préparer à un éventuel échec lors de ce match, qui lui coûterait certainement sa place de sélectionneur. Les informations faisant état de discussions qu’il aurait en ce moment avec la direction de l’Olympique Lyonnais pour un engagement à partir de cet été ne sont pas dénuées d’arrière-pensées.
De bonnes individualités, mais trop d’individualisme
En prenant les rênes de la sélection du Maroc, l’ancien entraîneur de l’Olympique de Marseille croyait trouver un cadre de travail serein, à la mesure de la centaine de milliers d’euros que la Fédération royale marocaine de football lui paye mensuellement. Or, c’est loin d’être le cas, puisqu’il a à faire face à des impondérables auxquels il était loin de s’attendre. Déjà, il y a l’effectif qui est loin d’être homogène. Même s’il possède des individualités de haut niveau, tels Chamakh (Arsenal), Taarabt (meilleur joueur de la deuxième division anglaise avec les Queen’s Park Rangers), Benatia (Udinese), Kharja (Inter de Milan) ou El Hamdaoui (Ajax Amsterdam), la solidarité fait défaut entre les joueurs. Il y a trop d’individualisme, trop d’égoïsme au sein du groupe, à tel point qu’il donne l’impression d’être un club plutôt qu’une sélection nationale. Devoir concilier des joueurs aux caractères antinomiques, sinon carrément opposés, est un aspect auquel Gerets ne s’était pas préparé.
Mal aimé par les Marocains à cause de son salaire indécent

Autre impondérable sérieux : la pression énorme à laquelle il doit faire face au Maroc. Dans un pays dont le dernier fait d’armes sportif remonte à 2004, avec une finale en Coupe d’Afrique des nations en Tunisie, on est impatient de mettre un terme à une si longue éclipse, surtout que les talents existent, surtout au sein de la communauté marocaine installée en Europe. Non seulement on lui exige des résultats immédiats, mais il doit aussi faire avec une situation politico-sociale difficile qui a engendré des émeutes et saccages même durant des matchs de football. Même si ce sont l’Etat et la Fédération marocaine qui sont visés en premier par ces actes, il sait aussi qu’on ne lui pardonnerait pas un éventuel échec, surtout qu’il touche un salaire (on parle de 120 000 euros) qui, au vu de la paupérisation que connaît la société marocaine, est considéré comme excessif, voire indécent.
«One, two, three, Viva l’Algérie !» à Marrakech l’a choqué
Cependant, le facteur qui fait sérieusement réfléchir Gerets sont les incidents graves qu’a connus le nouveau stage de Marrakech il y a quelques jours, lorsque des supporters du club local, relégué en deuxième division, se sont rendus auteurs d’actes de vandalisme, allant même jusqu’à scander : «One, two, three, Viva l’Algérie !» Présent au stade afin de s’imprégner de l’ambiance et de superviser la qualité de la pelouse du stade, il a été choqué par ce qu’il a vu, ce qui l’a amené à quitter le stade précipitamment, sous les insultes et les quolibets de certaines personnes présentes. Cette situation survient alors que le match Maroc-Algérie n’a pas encore eu lieu. Qu’en serait-il alors si son équipe ne parviendrait pas à battre les Algériens ?
Lyon, une porte de sortie en cas d’échec face à l’Algérie
Compte tenu de ces données, Erik Gerets sait très bien qu’un échec face à l’Algérie le mettrait dans une position très inconfortable, pouvant même déboucher sur un départ. Alors, il prend ses devants : il accepte de discuter avec Lyon sans pour autant s’engager formellement avec le club de Jean-Michel Aulas. En somme, il n’a dit ni oui ni non, attendant sans doute le résultat du match du 4 juin entre le Maroc et l’Algérie pour se décider. C’est une manière de se ménager une porte de sortie. En attendant, Aulas, qui veut trouver un remplaçant à Claude Puel, est prêt à mettre l’argent nécessaire sur la table afin d’engager Gerets, qu’il voit le seul à même de pouvoir redorer le blason de l’Olympique Lyonnais, qui n’a plus remporté de titre depuis trois ans, alors qu’il avait été sacré champion durant sept saisons d’affilée, dont la dernière fois, en 2008, avec un doublé à la clef. Le seul écueil est le contrat qui lie l’entraîneur belge à la Fédération royale marocaine de football, mais il n’en deviendra plus un si le Maroc perd contre l’Algérie. C’est donc avec l’esprit à Lyon que Gerets prépare le match face à l’Algérie. Pas de quoi augmenter sa popularité au Maroc.