Une croissance soutenue, un privé fort et une dette contrôlée, Les atouts du FMI pour l’Algérie

Une croissance soutenue, un privé fort et une dette contrôlée, Les atouts du FMI pour l’Algérie

Le FMI change de stratégie. Envers l’Algérie, il adopte souplesse et flexibilité en jouant la carte de la coopération monétaire et financière, plutôt que celle de l’ingérence dont les résultats ont longtemps déstabilisé le pays.

Ces cinq dernières années, l’institution de Bretton Woods a affiché sa disponibilité à accroître son aide technique et financière pour les banques et la Bourse d’Alger. Une situation qui redore le blason de l’Algérie sur le plan économique et lui confère un gage de stabilité pour ses relations internationales.

Le Fonds monétaire international (FMI) change de ton. Les programmes d’ajustements structurels (PAS), avec ses licenciements massifs et ses réductions de dépenses publiques font partie des «horreurs» du passé. Place au pragmatisme et à la bonne humeur.

L’institution financière internationale délivre de bons points depuis ces cinq dernières années. Son programme pour l’Algérie surfe sur le moindre détail de son économie, de ses finances, de ses dépenses et surtout de ses perspectives à moyen ou long terme. Des raisons qui laissent à penser que le FMI déploie une autre logistique décisionnelle, appuyée par des «comités d’experts» bien rodés.

LG Algérie

Le tout est servi traditionnellement sur un «plateau communicationnel» bien étudié. Histoire de ne pas contrarier les décideurs algériens sur divers chapitres de la gestion économique. Pour ce qui ressort du bilan de cette fin d’année, le FMI fait remarquer «les performances enregistrées sur le plan macro-économique» tout en recommandant de «poursuivre la dynamique hors hydrocarbures», où doivent s’inscrire «des objectifs de croissance» par les entreprises privées.

Considéré comme le moteur de cette croissance, le FMI recommande depuis 2005 «un programme visible sur les investissements privés» capables de redémarrer une croissance après des années de «maigres résultats sur le plan de la productivité».

Dans la foulée, le Fonds monétaire a toujours préféré «un secteur privé fort plutôt que des subventions pour aider le secteur public» qui ne se dégage pas de sa dépendance envers l’Etat. Un choix qui résulte même de la doctrine du FMI qui encourage «les cartels de l’économie privée et les banques plutôt que les économies dirigistes», note Abdelhak Lamiri, expert en économie et en management.

Pour le cas algérien, le souci du FMI est de voir «une rationalisation budgétaire» de l’Etat et donc moins de transferts sociaux qui se répercutent par un déficit budgétaire plus élevé. «Les dépenses publiques totales seraient en hausse de 34 % pour l’année 2011» avec «un déficit qui se creusera cette année pour se situer à 5 % du PIB, contre 2 % pour l’année 2010».

Ce déficit, note le document du FMI, «devrait en 2012 évoluer dans les mêmes proportions, soit entre 5 et 6 %». D’autant que la croissance économique globale devrait s’établir autour de 3 % et celle hors hydrocarbures à environ 5 %. L’autre argument de l’institution serait «l’augmentation des dépenses de fonctionnement en 2011, «ce qui pourrait réduire, dans le futur, les marges de manœuvre et laisser moins de place aux dépenses d’investissement», note le document de la mission du FMI.

L’autre enjeu du FMI reste son dogme pour le contrôle de l’inflation suite aux excès monétaires. Le Fonds monétaire recommande d’«orienter la politique monétaire en 2012 vers le contrôle de l’excès de liquidité et des pressions inflationnistes qui risquent d’apparaître après les hausses importantes des salaires». Autrement dit, le gouvernement est averti sur toute tentation d’augmentations des salaires, risquant encore une fois de recourir à la planche à billets.

En un mot, il faut tenir à «l’équilibre budgétaire» afin de réduire le déficit budgétaire et stabiliser le taux d’inflation à 4 %, quitte à cesser toute forme d’aide sociale aux plus démunis. Pourtant, l’institution financière internationale s’enorgueillit d’«un taux de chômage qi resterait stable à 10 % même s’il reste beaucoup plus élevé chez les jeunes, à 21 %, et les femmes où il atteint 19 %».

LE FMI ET L’ALGÉRIE, UNE HISTOIRE PARTICULIÈRE

Il fut un temps où l’Algérie accepta une sollicitation du FMI suite à la cessation de paiement des années 1990. Depuis son adhésion à cette institution financière dans les années 1960, l’Algérie n’était concernée ni de près ni de loin par les activités du «temple de la finance mondiale». Des années après, les difficultés économiques ont fait en sorte que le recours au Fonds monétaire n’était plus un option à écarter. L’histoire a commencé en 1993 lorsque le gouvernement de l’époque n’avait d’autre choix que de recourir aux «conseils du FMI». Dès lors, l’Algérie devait s’embarquer dans une aventure «coûteuse sur le plan social».

Le programme d’ajustement structurel devait permettre à «l’Algérie d’obtenir une réduction de sa dette extérieure», mais sous forme de conditionnalités. D’abord, le FMI prêtait de l’argent contre une réduction drastique des dépenses publiques et donc en «faisant moins de social».

L’accord de mai 1989 avait abouti à une mesure compensatoire, où le FMI prêtait à l’Algérie 500 millions de dollars pour faire face à la détérioration de ses finances due à la chute des prix du pétrole. Ensuite, le Fonds monétaire devait élargir les facilités de financement pour des réformes structurelles. Avec cependant un regard sur le financement de son économie et un bilan établi chaque année. L’ancien DG du FMI, Michel Camdessus, avait visité à plusieurs reprises l’Algérie durant ces années de difficultés.

Le pronostic du Fonds monétaire sur «une probable remise en forme de la santé financière de l’Algérie» dictait une autre vision de l’institution monétaire sur un pays en voie de développement qui arrivait, selon les experts de ce Fonds, à «stabiliser son front macroéconomique».

Aujourd’hui, la donne s’est inversée. «Les performances macroéconomiques de l’Algérie restent robustes en 2011», a conclu récemment une mission du FMI qui a séjourné pendant deux semaines en Algérie, en octobre dernier.

M. Joël Toujas Bernaté, chef de la délégation, s’est même félicité des «mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la tripartite de mai 2011» et qui dénotent d’une «réelle prise de conscience quant à la nécessité de laisser le champ aux entreprises pour jouer pleinement leur rôle économique». Le rapport annuel qui devra être présenté début 2012 par cette délégation à l’institution mère ne fait pas dans la complaisance ni dans le satisfecit béat. D’autant que l’obsession du FMI est toujours le contrôle des dépenses.

Là pas d’insinuation. «Il sera important de poursuivre les efforts pour améliorer la maîtrise et le ciblage des dépenses y compris les salaires et les transferts sociaux de l’Etat», a recommandé un communiqué de presse de la mission. La mission n’a pas manqué de relever que la détérioration de l’environnement économique international pourrait entraîner une «baisse prolongée» du prix du pétrole qui affecterait «fortement les équilibres budgétaires du pays».

LE ZÉRO ENDETTEMENT, UN ATOUT DE PLUS

Bien que le FMI recommande la prudence, cette fois-ci, c’est la politique du crédit qui est mise en avant. L’institution déconseille, pour l’heure, le retour du crédit à la consommation en faisant remarquer que «ce type de crédit exposait les ménages au risque de surendettement».

Toutefois, l’institution de Bretton Woods indique que tout se jouera sur la mise en place de la «centrale des risques» de la Banque d’Algérie fin 2012. Cela permettra de rendre solvable les ménages. «Les politiques macroéconomiques prudentes suivies par le passé ont permis à l’Algérie de se constituer une position financière confortable, avec des niveaux d’endettement très faibles».

Il faut savoir que l’encours de la dette algérienne s’évalue 500 millions de dollars, selon les données fournies par le gouverneur de la Banque d’Algérie en mai dernier.

A rappeler que cet encours avoisinait les 33 milliards de dollars en 1996. Alors que depuis les années 2000, la gestion de la dette extérieure devait recourir au paiement par anticipation qui avait, depuis 2006, réduit considérablement le montant de l’encours. Le gouverneur de la Banque d’Algérie avait été optimiste, du fait que «l’Algérie a su bien gérer sa dette grâce à l’anticipation comme mode de paiement» et des négociations avec les principaux créanciers du Club de Paris et de Londres.

Le FMI, dans ses diagnostics, estime que «l’Algérie reste le pays le moins endetté de la région MENA». Sa dette ne représenterait que 2 % du PIB et devrait baisser à 1,7 % du PIB en 2012, selon les prévisions du Fonds monétaire. L’institution de Bretton Woods accorde, en effet, un bonus aux finances algériennes, mais recommande expressément «la redéfinition de la charpente bancaire et la gestion des liquidités».

MISE SUR UNE BONNE PLACE FINANCIÈRE

L’Algérie conserve donc une solvabilité financière externe qu’elle conservera jusqu’en 2015, selon des analystes. Même si les prix venaient à chuter, le ratio de la gestion des recettes du FRR (Fonds de régulation) et celui des réserves de changes placeraient l’Algérie dans une «situation de normalité car elle peut devenir un pays prêteur sur le marché financier international», selon une analyse d’Abderrahmane Mebtoul. A l’instar d’autres pays, l’Algérie pourrait acheter des obligations du Fonds monétaire international, émises en juillet dernier.

Le ministre des Finances Karim Djoudi expliquait, l’été dernier, que «cette possibilité est toujours à l’étude». M. Djoudi s’est enorgueilli du fait que le FMI ait sollicité l’Algérie pour acheter ses obligations. «Cela signifie simplement que l’Algérie est reconnue comme un pays prêteur net du reste du monde», relève-t-il. L’on assiste donc à un retournement de situation.

Il fut un temps où l’Algérie était en cessation de paiement, courbant l’échine devant le FMI. Le langage porte désormais sur «la diversification de l’économie et l’amélioration du climat des affaires notamment en matière de procédures administratives, de charges sociales, de foncier et d’emploi». C’est ce qu’a laissé entendre le président de la délégation qui plaide pour la poursuite de l’ambitieux programme de réformes structurelles. Les experts du FMI ont signifié un soutien aux «efforts visant le renforcement de la solidité et l’efficacité du secteur bancaire».

D’ores et déjà, l’assistance technique financière pour les banques fait partie de «l’option d’intégration de l’Algérie dans l’économie régionale et mondiale». Les pourparlers périodiques entre les autorités monétaires (Banque d’Algérie et ministère des Finances) et l’institution de Bretton Woods sont à mettre à l’actif d’«une surveillance accrue des mouvements de capitaux, du management bancaire et de l’émergence d’un marché boursier porteur».

Ce sont là les axes d’intervention du FMI qui revient à sa mission originelle de contrôle de l’équilibre monétaire sur le marché mondial. Même si de sombres perspectives de l’économie mondiale sont annoncées sur le plan énergétique avec des risques sur les équilibres budgétaires de l’Algérie, il n’en demeure pas moins que l’issue salvatrice est «un certain plafond désormais atteint en matière d’investissements publics qui tiraient, jusque-là, l’essentiel de la croissance économique en Algérie». Tout l’enjeu est là.

F. A