La dégradation quotidienne de l’environnement risque de provoquer une grave crise sanitaire en Algérie et l’on continue à considérer cette question comme une préoccupation de luxe. Qu’attendent les pouvoirs publics pour réagir sérieusement ?
Même le site web du ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement est en reconstruction ces derniers jours, affichant un message d’excuses : «Le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement et de la Ville travaille actuellement à optimiser le site web et rendre plus performants ses services.
Nous nous excusons d’avance pour les désagréments causés. En attendant le site web mis à jour, n’hésitez pas à nous contacter.» Quant aux performances du ministère sur le terrain, aucun mot d’excuse ; la situation tend vers la catastrophe.
UN PAYS DÉFIGURÉ
Avant toute approche scientifique pompeuse vouée au haussement d’épaules des Algériens qui ont renoncé à développer leur pays dans le respect des normes internationales en matière de protection de l’environnement, un constat panoramique de la situation du pays suffit à évaluer la politique gouvernementale depuis des décennies.
Les villes et campagnes sont abandonnées à toutes sortes de pollution. Ordures ménagères et industrielles très sommairement ramassées et déversées dans des décharges officielles aussi archaïques que les dépotoirs sauvages. A peine quelques opérations d’enfouissement lorsqu’elles débordent sur les terres agricoles mitoyennes ou sur le bitume des routes qu’elles envahissent.
La plupart des futaies d’arbres séculaires ont été dévorées par les feux successifs des étés sans prévention. Les vieux eucalyptus aux larges troncs ou les frênes au bois un peu plus noble ont subi les assauts d’artisans bûcherons qui en font le commerce avec la complicité de quelques forestiers corrompus censés protéger le patrimoine vert.
Les constructions sans harmonie, souvent inachevées, complètent en laideur le décor bien triste d’un des plus beaux pays au monde par la diversité de ses paysages…
AUCUNE RÉACTION CONCRÈTE
Face à la dégradation constante du cadre de vie des Algériens, rien de sérieux n’a jamais été entrepris. Les communes ont bien acquis de grosses poubelles en plastique, d’un beau vert écolo lors de leur distribution.
Elles se transforment rapidement en réceptacles crasseux et débordant offrant un spectacle lamentable dans la plupart des localités. Elles attirent aussi mouches et plus gros nuisibles au point où il est à craindre un nouvel épisode du retour de la peste en Algérie.
Les administrations, wilayas, daïras et APC font circuler de temps à autres des correspondances rédigées au sommet de l’Etat pour suggérer des campagnes de nettoyage. Sans conviction, ni résultat. Les rues et places publiques sont tous les jours un peu plus sales. Les oueds absorbent les eaux usées des égouts qui n’ont pas de station d’épuration en fin de réseau.
Et les huiles de moteurs ne sont pas récupérées. Les structures de santé qui n’ont pas d’incinérateurs s’arrangent pour se débarrasser incognito de leurs déchets très dangereux, nonobstant quelques scrupuleux gestionnaires qui s’efforcent de les récolter dans les conteneurs sécurisés et destinés à l’incinération.
Quant aux agriculteurs, jadis innocents ou victimes en matière de pollution, ils y participent à présent allègrement en optant pour un usage intensif et sans mesure des produits phytosanitaires. Contre leur propre santé et contre celles des consommateurs.
Les pouvoirs publics sont informés par des rapports épidémiologiques sur la récurrence de certains cancers parmi des populations spécifiques, comme celle des vignerons. Mais aucune campagne de sensibilisation sérieuse n’a jamais été menée…
L’ALGÉRIEN, CET INCONSCIENT !
Et c’est justement dans ce domaine que le bât blesse. En Algérie, la mésestisme de soi a entraîné la mésestime de tout. Du savoir, de la culture, des valeurs et, bien entendu, de l’importance de la protection de l’environnement. On entend des personnes lettrées prétendre que «l’Algérie n’est pas l’Europe ou l’Occident pour se préoccuper de la nature».
Ignorance fatale ! Beaucoup de nos concitoyens sont assez naïfs pour croire que la question de l’environnement s’apparente à un souci de luxe. Ils méconnaissent les impacts si négatifs à court, moyen et long termes, de la maltraitance de notre biotope.
L’école n’a jamais pris en charge la sensibilisation dans ce domaine ; la mosquée non plus. N’étaient quelques articles marginaux dans la presse ou quelques flashs dans les médias lourds, aucun vecteur d’alerte efficace n’est utilisé pour remédier à la menace universelle du siècle. Seul une poignée de militants ou d’universitaires organise des séminaires, des campagnes ponctuelles pour secouer tant bien que mal le cocotier.
Mais ils en arrivent tous à la même conclusion : l’Algérien peut nettoyer son quartier ou planter des arbres un week-end et dévaster son milieu naturel toute l’année.
«C’est un consommateur frustré et inconscient, gourmand et négligent qui pense qu’il n’a aucune responsabilité dans la pollution de la planète. L’Algérien n’est pas conscient du désastre environnemental qu’il cause par son habitat, son alimentation et son comportement en général.»
La synthèse vient d’un chercheur en biologie cellulaire qui publiera bientôt une communication sur les transformations génétiques dues à la pollution en Algérie. Aux Etats-Unis, puisqu’ici, cela n’intéresse pas grand-monde.
Nordine Mzalla