Jamais année universitaire n’a été aussi courte. C’est du moins ce que pensent plusieurs étudiants, organisations estudiantines et enseignants.
En fait, malgré les mouvements de grève ayant caractérisé le début et la fin de l’année en cours, le ministère de l’Enseignement supérieur n’a pas jugé utile de prolonger l’année et essayer de rattraper, un tant soit peu, le retard enregistré dans l’exécution du programme pédagogique. A en croire nos sources, le taux moyen des cours dispensés est de «50%».
Autrement dit, les étudiants en fin de cycle pour l’année universitaire 2010/2011 seront «diplômés à 50%», ironise un enseignant. Ce qui demeure un précédent grave qui risque de nuire, encore davantage, à la crédibilité des diplômes de l’université algérienne. N’empêche que tout baigne dans l’huile au niveau de nos facultés et écoles, où les examens ont commencé depuis quelques jours déjà. A l’université des sciences sociales et humaines de Bouzareah, à titre d’exemple, plusieurs départements sont en pleine période d’examens. Les étudiants se limitent à la révision des quelques cours dispensés, les enseignants suivent le programme tracé par l’administration et cette dernière ne semble se soucier que de l’application d’un planning arrêté au début de l’année, sans prendre en considération les aléas des perturbations et mouvements de protestation devenus inéluctables.
Etudiants déboussolés
Plusieurs étudiants ont exprimé leurs appréhensions quant au déroulement de l’année. Ils admettent que le retard est important et disent qu’ils sont «pris au piège». «On aurait aimé que l’année soit prolongée, au moins jusqu’au mois de juillet» dira un étudiant à la faculté des langues étrangères de Bouzareah. «Hélas, l’administration semble pressée de boucler l’année et partir en vacances» a-t-il ajouté. Il affirme qu’une bonne partie du programme n’a pas été enseignée, à cause du mouvement de grève du mois de février dernier, ayant duré plus de deux mois.
«Certains professeurs nous ont demandé de ne réviser que le premier semestre, le deuxième ne sera inclus qu’à la synthèse» révèle un autre étudiant. Selon lui, cela est «aberrant et ne répond à aucune logique». Pis encore, les enseignants concentrent leurs efforts sur les étudiants en fin de cycle; pour les autres, à savoir 1re, 2e et 3e années, ils passeront les examens et rentreront chez eux. «Ils nous ont dit que les délibérations ont été reportées jusqu’à la fin du mois de ramadhan» se plaint un autre étudiant. La seule explication fournie était que «les profs n’ont pas assez de temps pour corriger toutes les copies» raconte notre interlocuteur.
«J’aurais aimé que l’on nous laisse avancer un peu plus dans le programme, que l’on sacrifie une partie des vacances et que la correction et les délibérations se fassent d’une manière ordinaire» ajoute-t-il.
Organisations et enseignants crient au scandale
L’année universitaire en cours «est à jeter aux oubliettes» suggère Farid Boutaba, enseignant. Il affirme que ce n’est pas la première fois que le programme pédagogique n’est pas achevé dans les délais. Cependant, le retard accusé cette année est encore plus important. «Depuis plus de 10 ans, je n’ai pas assisté à une année aussi particulière» assène-t-il. L’unique objectif du ministère, dénonce M. Boutaba, est de faire appliquer le calendrier, même s’il y a du retard dans l’exécution du programme. «Ne pas enseigner la moitié des cours est énorme» soutient-il. Pour l’interlocuteur, les autorités publiques sont «en train de gérer la paix sociale». Si ce n’est ces considérations, «cette année universitaire, système LMD, ne sera pas validée».
De son côté, l’Union générale des étudiants algériens (UGEA) voit plutôt rouge. «L’administration a toujours programmé les examens dans la précipitation, dans le but de se libérer et profiter des vacances d’été» souligne Kaldi Sofiane, secrétaire général de l’UGEA, ajoutant que «les responsables parlent d’année universitaire qui commence au mois d’octobre et se termine au mois de juin et ne se soucient guère de l’année pédagogique, censée être la référence». Pire, notre interlocuteur évoque «l’existence de complicité entre les cellules pédagogiques et l’administration pour bâcler l’année dans les plus brefs délais, et ce, au détriment des étudiants et de la qualité de l’enseignement».
Par Aomar Fekrache