Un vent d’optimisme sur le Sahara algérien ?

Un vent d’optimisme sur le Sahara algérien ?

Depuis 2010, problèmes de sécurité et refus de visas font que le tourisme étranger est devenu l’oiseau rare dans le désert du Sahara. Mais à l’heure où quelques « bonnes nouvelles » semblent se profiler du côté de Tamanrasset, c’est l’occasion de faire le point sur le Grand Sud algérien.

© Anthony Nicolazzi

Trek dans l’adrar Ahellakane © Anthony Nicolazzi

Tamanrasset, affectueusement dénommée « Tam », est la porte d’entrée de la plus célèbre zone touristique du sud algérien, celle qui mène à la route du Hoggar. Cette région place beaucoup d’espoirs dans les nouvelles mesures annoncées par le ministère algérien de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de l’Artisanat, pour relancer le tourisme saharien. Ces nouvelles sonnent comme un souffle d’air pour tous les acteurs locaux du tourisme qui se disent « sinistrés ». La première concerne la réouverture officielle, après cinq ans d’interdiction, de la partie est des tassilis du Hoggar, de l’Assekrem (Atakor) et de la Tefedest au tourisme dès cette saison d’hiver. La seconde concerne la facilitation des demande de visas venues de l’étranger.

© Ministère des Affaires étrangères

LG Algérie

© Ministère français des Affaires étrangères

Le Grand sud algérien déserté

Difficile de retracer en quelques lignes le long dossier du tourisme dans le Sud algérien. Bouclé après les années reines pendant la guerre civile (1992-2002), florissant entre 2000 et 2009, la zone a basculé à nouveau dans les zones rouges du Quai d’Orsay début 2010 (voir carte ci-dessus). S’ensuivra, des événements tragiques qui impacteront l’ensemble du territoire. Septembre 2014, le guide de montagne français Hervé Gourdel est enlevé puis assassiné dans le nord de l’Algérie. Le caractère odieux de cet événement ignore les 1 400 km qui séparent le nord algérien du Grand sud ? Dans les secteurs de Tamanrasset et de Djanet proprement dits, depuis 2003, aucun acte de terrorisme ou crapuleux n’a été enregistré. Depuis, les réservations des Français sont en chute libre.

© Anthony Nicolazzi

Randonnée chapelière dans l’erg Tihodaïne en 2008 © Anthony Nicolazzi

Avis excessif du Quai d’Orsay ?

Si les professionnels du tourisme se sont accordés à dire que Tamanrasset a payé les frais de la dégradation de la situation au Sahel, ils n’ont pas hésité toutefois à pointer du doigt les mesures « excessives » du ministère français des Affaires étrangères qui a émis une note déconseillant aux touristes français de se rendre en Algérie, et en particulier le Grand sud algérien, dans les régions de Tamanrasset et de Djanet. Du côté des opérateurs locaux, l’heure n’est guère plus aux réjouissances !

Elles s’accordent à dire que les zones classiques accessibles depuis Tamanrasset ne présentent aucun problème de sécurité, d’insécurité, ni même de terrorisme. Pourtant, en France, le Quai d’Orsay conserve bel et bien tout le sud algérien en zone rouge. Conséquence de cet état, les visiteurs étrangers sont dissuadés et le secteur du tourisme à l’agonie. La sécurité n’est cependant pas le seul facteur qui plombe le tourisme étranger au sud algérien. La lourdeur administrative décourage les clients désireux de visiter le Sahara.

« Avec les quelque 80 agences locales, nous attendons bien sûr la concrétisation de ces annonces… Ces bonnes nouvelles du 15 novembre restent très importantes, ici : depuis 2010, mis à part quelques cas de petits groupes ou d’individuels, on peut considérer que les visiteurs étrangers ne viennent plus à Tamanrasset », affirme Mohamed Rouani, directeur de l’agence Mero-N’Man.

Pour Lamine Lanzari, directeur de l’Agence Tarakeft : « Ce qui nous importe le plus, c’est effectivement que les visas touristiques soient à nouveau délivrés. Ça serait une vraie belle nouvelle pour nous. Parce que sur le plan sécuritaire, nous ne comprenons vraiment pas le problème. Ces années passées, nous avons continué à faire voyager normalement des nationaux algériens et des touristes étrangers dans le désert, des Allemands notamment. Franchement, nous connaissons nos zones… nous aurions tout à perdre en cas de problème ».

Deux mois pour un visa algérien !

Le touriste étranger désireux d’effectuer un voyage dans le Grand Sud algérien devra affronter un véritable parcours du combattant pour obtenir son visa. le problème de son obtention réside dans la complexité administrative de la demande. Un dossier « crucial », qui serait actuellement discuté entre les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères algériens. Mais pour l’heure, tout ce processus prend au minimum deux mois. Résultat : les touristes étrangers renoncent à l’Algérie et finissent par choisir des destinations plus accessibles et moins coûteuses.

Du côté français ?

Ils n’y vont pas …

Pour les plus grandes agences, ces bonnes nouvelles du Sud ne changent pas beaucoup la donne.

Pour Chantal Mortier, directrice de production Afrique chez Terres d’Aventure, « il suffit de regarder la carte du ministère français des Affaires étrangères pour que les choses soient claires : le Sud algérien est intégralement en rouge. Que les Algériens se fassent plaisir en expliquant que les visas vont être plus faciles à obtenir, ou que telle ou telle zone soit désormais « ouverte » ne change rien pour nous. Nous ne prendrons donc aucun risque sur ces destinations. »

Pour Allibert, même position : « Nous avons bien sûr eu connaissance de ces éléments, confirme Alexandre Brean, chef de produit Afrique. Mais notre position reste inchangée. Clairement : tant que le sud algérien est dans le rouge, pas question de bouger. Que ce soit en regard de notre responsabilité juridique, ou de la sécurité de nos clients, C’est notre politique, et celle de notre groupe [Voyageurs du Monde, ndlr]. »

Le sud algérien, malgré les mesures annoncées par le ministre, n’est donc pas près de figurer à nouveau dans les destinations classiques de trek ? Rien ne change donc pour les voyageurs français ? Le dossier n’est pour le moins pas tout à fait aussi tranché.

Ils y vont …

Ce désert exceptionnel ne laisse en effet pas indifférents de nombreux Français et autres Européens qui continuent à s’y rendre et bravent tous les avertissements. Ils sont surtout nombreux à vouloir témoigner officiellement que l’Algérie est une destination qui ne présente aucun risque et dans laquelle la sécurité est tout à fait assurée.

@ Jean-Marc Porte

@ Jean-Marc Porte

Mohamed Torch, responsable de l’agence Horizon Nomades, basée à Strasbourg, confirme : « Nous sommes de retour à Djanet depuis l’an dernier. Nos groupes se succèdent sans l’ombre d’un souci. Les zones autour de Djanet sont effectivement sécurisées. Et il me semble que si c’était douteux, du wali de la région aux guides, les acteurs locaux seraient les premiers à ne vouloir prendre aucun risque en termes de sécurité avec leurs hôtes. »

Eric Bonnem, responsable de Tamera, l’autre agence française présente sur le secteur de Djanet, renchérit : « Nous sommes présents aujourd’hui, à l’inverse de bien des confrères voyagistes. Nous ne démarrons pas de zéro : nous n’avons jamais déserté le lien de confiance avec nos agences locales et nos partenaires, sur place. Ils n’ont rien à perdre ou à gagner en prenant le moindre risque, eux aussi. Alors quand ils nous indiquent, comme c’est le cas sur Djanet, depuis deux ans : oui, c’est parfaitement possible, je n’ai aucune raison de ne pas leur faire confiance. »

Djanet dès aujourd’hui. Tamanrasset probablement demain. À l’évidence, il se passe « quelque chose » du côté du tourisme saharien en Algérie. À l’heure où des sites généralistes comme Easyvoyage ouvrent des dossiers sur le « potentiel incroyable » de l’Algérie (Sud compris), les nouvelles positives du Sahara sont suffisamment rares pour être bienvenues…