Un texte de Stora au BAC 2025 en Algérie déclenche une controverse historique

Un texte de Stora au BAC 2025 en Algérie déclenche une controverse historique
Benjamin Stora

L’épreuve de langue française de baccalauréat 2025 en Algérie a pris une tournure inattendue. À l’origine de la polémique : un extrait d’un ouvrage de l’historien français Benjamin Stora, spécialiste de l’histoire coloniale, proposé comme support de sujet.

Le texte, tiré de « Algérie 1954 : une chute au ralenti », évoque la spoliation des terres algériennes durant la colonisation. Il n’en fallait pas plus pour susciter un débat brulant sur la mémoire historique et les choix pédagogiques.

L’historien algérien Hosni Kitouni a réagi avec vigueur, qualifiant ce choix de « scandaleux » et dénonçant un récit qu’il juge « colonialiste et factuellement faux ».

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, il s’interroge : « Comment peut-on, en 2025, proposer à nos élèves un texte qui reprend des thèses discutables, voire erronées, sur la colonisation ? »

LG Algérie

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Selon lui, le texte de Stora véhicule une vision problématique de la propriété foncière en Algérie avant 1830, en prétendant qu’elle n’existait pas sous forme privée.

Il regrette également l’absence de toute mention du séquestre, dispositif colonial qui a permis l’accaparement massif de terres algériennes.

Kitouni estime que ce choix « ne rend pas justice aux victimes de la colonisation » et déplore une instrumentalisation de l’histoire au détriment de la vérité.

Pour lui, les enjeux liés à la terre, à la dépossession et à la colonisation de peuplement méritent un traitement plus rigoureux, surtout dans un contexte éducatif aussi sensible.

Benjamin Stora répond : « pourquoi une telle agressivité ? »

De son côté, Benjamin Stora, se dit « touché » par la tournure prise par cette polémique. Il rappelle que ses travaux, largement reconnus, s’inscrivent dans une démarche de transmission de la mémoire coloniale, tant en France qu’en Algérie.

« Mon travail peut servir aux jeunes générations. Pourquoi ne pas mener une discussion académique sereine ? », s’interroge-t-il.

L’auteur souligne qu’il traite depuis plus de 50 ans des questions de dépossession foncière, de colonisation de peuplement, et de mémoire partagée.

Il cite notamment sa biographie de Messali El Hadj et son ouvrage collectif « La guerre d’Algérie vue par les Algériens », comme preuves de son engagement historique et critique.

Une controverse qui révèle un malaise profond dans le traitement de la mémoire coloniale

Pour de nombreux chercheurs et intellectuels algériens, cette affaire n’est pas une simple polémique passagère, mais le reflet d’un malaise plus profond : celui du traitement scolaire de la mémoire coloniale en Algérie.

Le choix du texte de Benjamin Stora pour une épreuve officielle du baccalauréat a, selon eux, mis en lumière un danger : celui de présenter aux jeunes générations un récit édulcoré, voire biaisé, de la colonisation.

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L’historien Hosni Kitouni estime que ce type de choix pédagogiques peut entraîner une confusion historique grave. En sélectionnant un extrait qui, selon lui, nie des faits fondamentaux comme l’existence d’une propriété foncière avant 1830 ou le rôle du séquestre dans la spoliation massive des terres algériennes, on fragilise non seulement la rigueur académique, mais aussi la mémoire des victimes de la colonisation.

Loin de toute animosité personnelle envers Benjamin Stora, Kitouni critique une démarche qu’il juge problématique : celle d’un récit présenté comme objectif alors qu’il reste chargé d’interprétations discutables. Pour lui, la responsabilité des institutions éducatives est immense, on ne peut enseigner l’histoire coloniale sans ancrer les récits dans la vérité des faits, telle que vécue par les colonisés.

Dans cette optique, la réaction de Stora, qui évoque une « agressivité » à son encontre, semble éluder le cœur du débat, il ne s’agit pas d’une attaque contre une personne, mais d’un désaccord profond sur la manière de raconter un passé douloureux. Comme l’a souligné Kitouni, « on n’a pas le droit à la légèreté avec la souffrance qui fut celle des victimes ». L’enseignement de l’histoire doit, avant tout, être fidèle aux mémoires meurtries et respectueux des luttes des peuples pour leur dignité.