La polémique sur l’introduction du parler algérien ou la ‘‘derja’’ dans le cycle fondamental continue à faire la Une des manchettes. Députés, membres de l’association des oulémas et des intellectuels arabophones dénoncent le projet et prennent à partie la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit.
La polémique sur l’introduction du parler algérien ou la ‘‘derja’’ dans le cycle fondamental continue à faire la Une des manchettes.
Députés, membres de l’association des oulémas et des intellectuels arabophones dénoncent le projet et prennent à partie la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit.
Joint, hier, par téléphone, Mohamed Taïbi, sociologue, dira de prime abord que le développement de l’école, en particulier dans les cycles fondamental et primaire, impose d’«entreprendre un travail de pertinence pédagogique» et que le débat soit mené «sans impliquer les confrontations linguistiques.» Relevant des «insuffisances de compréhension des concepts» chez les petits bambins, l’universitaire propose de développer, aussi, la langue arabe classique ainsi que tamazight en tant qu’«outils de communication.» Il préconise une langue «attractive par l’image afin d’animer en lui la curiosité.» Rebondissant sur le sujet de la ‘‘derja’’ qui fait polémique, le Dr. Taïbi dira que «si on est sur de l’importance du parler algérien pour les petits enfants scolarisés, il serait judicieux de l’officialiser dans les manuels scolaires». Il insiste sur le fait que cette question est du ressort des scientifiques, relevant une «certaine précipitation» dans la prise de décision.

Quant à la ministre, il y a lieu de souligner qu’elle s’est dite optimiste, même certaine, quant à l’aboutissement de sa démarche. «Cette recommandation a été saluée par plusieurs spécialistes ayant démontré l’apport de la langue maternelle dans l’apprentissage et la facilitation du contact social. Nous ne comptons pas enseigner le parler algérien comme langue, comme l’ont interprété certains. Mes propos ont été détournés et je ne cherche pas à remplacer l’arabe par la derja», a-t-elle affirmé. A ce propos, elle a précisé que plus de 10% des enfants redoublent au primaire à cause de la difficulté à assimiler la langue arabe et, par conséquent, les cours dispensés dans les différentes matières.
Audit pédagogique et scientifique de la méthode d’enseignement de la langue scolaire
De son côté Ahmed Tessa, pédagogue, a, dans une récente contribution, précisé qu’il s’agit d’une «simple recommandation argumentée scientifiquement — et non d’une décision ministérielle — issue d’un atelier de la conférence nationale sur l’évaluation de la réforme de l’école.» Le responsable à la communication au niveau du ministère a souligné que cette recommandation préconise de «se conformer aux fondamentaux de la psychologie de l’apprentissage des langues et aux progrès des neurosciences dans ce domaine.» De la sorte, précise-t-il, «l’école aidera l’enfant algérien à passer, sans heurts, de la langue parlée à la langue écrite (l’arabe scolaire pour l’Algérie). A aucun moment, il n’a été dit ou écrit d’enseigner en arabe dialectal.» En d’autres termes, il est question, comme l’a relevé M. Tessa, de «s’appuyer sur le potentiel lexical de l’élève pour l’élever progressivement vers l’emploi de la langue scolaire, écrite ».
Qualifiant cette mesure de «vérité cardinale en pédagogie scolaire», le pédagogue fera savoir que «de sa naissance à six ans, l’enfant utilise le langage ou la langue maternelle parlée. Il y est à l’aise, il en joue, se donne du plaisir. Cette langue parlée, maternelle, participe au développement et à la structuration de sa pensée, de son intelligence en éveil.» Toutefois, «au premier contact avec la langue écrite, il éprouvera de la gêne, des difficultés. Les spécialistes parlent du choc de la première année scolaire : coupure avec les parents, nouvelle vie sociale et changement de registre langagier (contact avec la langue écrite) ». Dans sa contribution, M. Tessa a mis en relief le fait que «la pédagogie moderne a établi une nette corrélation entre la non-maîtrise de la langue écrite, dès les deux premières années du primaire, et l’échec dans les autres apprentissages et par la suite au redoublement et au décrochage.» Le pédagogue propose, d’autre part, de «faire l’audit pédagogique et scientifique de la méthode d’enseignement de la langue scolaire (l’arabe). Un débat, dit-il, qui sera mené dans un «esprit de responsabilité par les spécialistes du domaine, loin des injonctions politiciennes.»
Fouad Irnatene