En l’espace d’une semaine, Tizi-Ouzou a enregistré cinq attaques terroristes, un regain de violence sans précédent qui fait craindre le pire à de nombreux citoyens qui ont le sentiment de vivre un mois de Ramadan et un été des plus pourris.
Cette montée de la violence terroriste vient alourdir une situation déjà chargée et rendue pénible par les tensions liées à une gestion problématique et décriée de certains services publics comme l’eau, le transport et l’électricité, qui a suscité la réprobation des citoyens dont certains sont sortis dans la rue, comme au chef-lieu de wilaya, en cette soirée de jeudi dernier.
Non encore remis de l’effroi provoqué par l’attentat suicide qui a secoué la ville de Tizi Ouzou et qui a fait 33 blessés et causé d’importants dégâts aux habitations et aux magasins des riverains du lieu de l’attentat, les citoyens de cette ville et de toute la région subissent, malgré eux, les contre-coups d’une situation sécuritaire déliquescente et, visiblement, difficile à maîtriser, malgré les assurances maintes fois réitérées des autorités. Le déploiement impressionnant en hommes de troupe, le quadrillage quasi systématique par les différents corps de sécurité des principales voies de communications et des accès stratégiques vers les agglomérations et les centres urbains et, même, les visites éclair à Tizi Ouzou du chef d’état-major de l’ANP pour, à en croire les informations publiées par des journaux, en l’absence de communication officielle, apporter des réglages et des améliorations à un dispositif opérationnel et sécuritaire, n’ont pas suffi à venir à bout des poches terroristes que l’on dit résiduelles, ni à contrôler le mouvement des groupes armés pour les contenir hors des zones urbaines qui sont les espaces de prédilection pour commettre des attentats spectaculaires, ciblés et médiatiquement porteurs. Un objectif, malheureusement, atteint par les éléments d’Aqmi si l’on juge par la série d’attentats enregistrés durant une semaine à divers endroits comme à Tizi Ouzou, Ath Aïssi, dans la daïra de Béni Douala, Azeffoun et, récemment encore, à Maâtkas. Mais en s’attaquant durant deux nuits consécutives à de paisibles citoyens de la commune de Maâtkas, la première fois au village Ighil, où ils sont venus soustraire de l’argent à un villageois, la deuxième fois au village mitoyen Al Vir où ils ont tué trois et blessé deux parmi les citoyens qui leur ont opposé une farouche résistance, les terroristes viennent de franchir le Rubicond. Un acte aux conséquences imprévisibles qui met, du coup, l’Etat devant ses responsabilités.
S. A. M.

EN RÉSISTANT HÉROÏQUEMENT AUX TERRORISTES VENUS RACKETTER UN DES LEURS
3 morts et 2 blessés à Maâtkas
Il était un peu plus de minuit 30 dans cette chaude nuit du jeudi 18 au vendredi 19 août, au village El Bir, dans la commune de Maâtkas, et il y avait encore beaucoup de monde, dans les rues et les cafés, surtout que c’était la veille de week-end.
On parlait encore de cette incursion terroriste au village limitrophe d’ghil-Aouane qui a eu lieu 48 heures auparavant. Mais nul ne présageait que le village allait sombrer dans quelques minutes dans la violence.
Les différents témoignages retraçant un récit effroyable, mais le courage des villageois a forcé l’admiration de tous ceux qui se sont rendus hier matin au village : autorités locales et militaires et de nombreux citoyens issus d’autres villages de Maâtkas venus présenter leurs condoléances, mais aussi soutenir les familles des victimes et tous les villageois dans cette terrible épreuve. En effet, c’est un enchaînement de faits graves qui se sont produits en l’espace de quelques minutes et qui ont coûté la vie à 3 villageois et deux autres blessés.
Un groupe terroriste dont le nombre reste encore indéterminé s’est introduit dans le village pour prendre en otage le nommé Issaoun Brahim, fils d’un modeste émigré qui venait juste de venir de France pour célébrer le mariage de son autre fils. Les terroristes, embusqués dans un petit verger, non loin de la maison de la famille, ont exigé une somme de 200 millions de centimes pour libérer le jeune Brahim. Mais l’histoire prendra une autre tournure car après que la nouvelle soit parvenue au village, plusieurs jeunes s’y sont précipités dans un geste naturel et héroïque, à l’endroit où l’on a signalé la prise d’otage pour libérer le jeune. Le mur de la peur avait été déjà brisé durant la saison hivernale quand les jeunes du village avaient sillonné les parages en sommant les islamistes armés de ne plus revenir dans le douar. Parmi les villageois qui ont accouru au secours du jeune Brahim, il y avait Rabah Slifi, un sympathique père de famille âgé à peine de 50 ans et néanmoins gendre de la famille Issaoun.
Fusil de chasse à la main, il fut parmi les premiers à arriver sur les lieux et aussi le premier à être mitraillé sauvagement par d’autres terroristes embusqués. C’est la seule personne qui était armée d’un simple fusil. Son fusil n’a pas été récupéré par les sanguinaires. Le jeune Brahim a tenté sur le coup de fuir, il fut cruellement mitraillé dans le dos et il s’écroula durant sa course, les terroristes tiraient sur tout ce qui bougeait, de plus en plus de jeunes arrivaient, les terroristes continuaient à tirer sur la foule des villageois qui arrivaient mains nues. Trois autres s’écroulent sous les balles assassines des terroristes. Un incroyable courage.
Incomensurable témérité. On avançait sous les balles. Nul n’est en mesure de dire le nombre de terroristes sur les lieux. Parmi ces jeunes, il y avait un autre Issaoun, Karim, 28 ans, cousin de Brahim, mortellement touché à la tête. On croirait que les terroristes tiraient sur un bataillon de soldats alors que ce n’étaient que des jeunes qui résistaient héroïquement les mains nues. Deux autres jeunes, dont le frère de Brahim, ont été blessés, on commençait à évacuer les victimes à l’hôpital. Les terroristes conduits par le sanguinaire «le Manchot», paniqués et apeurés devant une telle témérité des villageois ont illico presto pris la fuite en tirant encore derrière eux. Puis, un grand silence.
Le village est plongé en quelques minutes dans la consternation, l’indignation, le sentiment d’injustice, le deuil. On n’arrive toujours pas à réaliser. Pour rappel, plusieurs citoyens de ce village ont été rackettés par le même groupe terroriste durant l’hiver dernier. C’est ce même groupe qui est réapparu 48 heures auparavant dans le village limitrophe d’Ighil Aouane, mais pris en tenailles par des villageois aux mains nues aussi, il a fini par repartir bredouille. Actuellement, l’heure est au deuil et au recueillement. L’enterrement des trois victimes aura lieu aujourd’hui au cimetière du village. Nous y reviendrons.
A. I.
AZEFFOUN
Attentat manqué contre un officier de la Marine nationale
La ville d’Azeffoun, au nord-est de la wilaya de Tizi Ouzou, a été secouée, ce jeudi, vers 12h30, par l’explosion d’une bombe artisanale.
La cible n’était autre qu’un officier des gardes-côtes, ayant le grade de capitaine, qui, fort heureusement, en est sorti indemne. L’attentat à la bombe s’est produit, selon des sources locales, vers 12h30, à la sortie sud de l’ex-Port-Guidon. L’officier de la marine nationale était à bord de son véhicule, une Clio, qui a été endommagé par l’engin explosif actionné à distance. La population d’Azeffoun, qui ne s’est toujours pas remise du choc de l’explosion d’une bombe, de forte puissance, le 1er juillet dernier qui a fait, rappelons-le, quatre morts parmi les éléments de la Sûreté de daïra de cette localité et blessé un civil, ont eu, ce jeudi, l’impression de revivre une situation déjà vécue.
L’acharnement d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) durant ce mois de Ramadan sur la wilaya de Tizi-Ouzou nous renseigne sur la capacité de nuisance de la nébuleuse islamiste. Dimanche dernier, alors que toute la population de la région, celle de Tizi Ouzou-Ville notamment, priait pour le sort des 34 blessés de l’attentat kamikaze ayant visé, vers 4h du matin, le siège du commissariat du 1er arrondissement de la capitale du Djurdjura, un terroriste en possession d’une grenade a malheureusement réussi, après son interpellation, à tromper la vigilance des policiers à Bouzeguène. Trois jours après cet acte odieux, soit le mercredi, c’est le chauffeur du chef de la Sûreté de la daïra d’Ath Douala et un transporteur de voyageurs de la même commune qui ont été mortellement blessés lors d’une embuscade tendue par un groupe terroriste, à Tala Bounane, à 6 km de Tizi-Ouzou.
Encore une fois, on nous signale, le même jour, une incursion terroriste dans un village de la commune de Maâtkas. La recrudescence des actes terroristes de ces derniers jours fait craindre le pire à la population de la région, et pour cause. Après la découverte d’un dépôt de bombes artisanales près de Tigzirt, le veille du mois de Ramadan, opération rendue possible grâce à l’information donnée par un terroriste arrêté par les services de sécurité, l’attentat à la bombe de ce jeudi à Azeffoun est de mauvais augure.
K. Bougdal