Le projet de loi du fonds d’aide aux femmes divorcées ayant des enfants à charge est en phase d’étude au niveau du ministère de la Justice, selon Mounia Meslem, ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme.
Proposé par le président de la République Abdelaziz Bouteflika le 8 mars dernier, ce fonds est destiné à appuyer les femmes ayant à charge des enfants.
«Le refus ou l’impossibilité pour le père d’assurer le versement de la pension porte atteinte à la dignité de la femme, aux droits fondamentaux des enfants et nécessite des solutions dignes d’un Etat solidaire. J’instruis à cet égard le gouvernement d’engager une réflexion sur la possibilité d’instituer un fonds destiné aux femmes divorcées ayant la garde d’enfants mineurs confrontées à ces problèmes», avait annoncé le chef de l’Etat.
Estimant que cette mesure n’est pas une nouveauté mais qu’elle procède des consultations initiées par la commission Boutarne chargée de réviser le code de la famille en 2004, Mme Fatma Boufnik, membre de l’association des femmes algériennes revendiquant leurs droits (Fard) a jugé que l’idée était bonne mais qu’il était nécessaire de modifier l’appellation de ce fonds afin de ne pas stigmatiser les femmes divorcées.
«Il serait préférable de le nommer fonds de versement des pensions alimentaires et ce, afin d’éviter toute stigmatisation des femmes divorcées qui sont bien souvent victimes de préjugés», a-t-elle expliqué, soulignant que la proposition de la commission Boutarne avait pour objectif principal d’éviter aux femmes et à leur progéniture de se retrouver dans le dénuement le plus total.
Il s’agissait également d’éviter aux enfants de souffrir davantage de la détérioration de la relation entre les parents.
«L’objectif de ce fonds était de régler un problème immédiat. Lorsque le mari ne paye pas la pension, la femme devait engager des procédures longues afin d’être rétablie dans son bon droit. Avec ce fonds, c’est l’Etat qui aurait versé la somme requise à la femme, puis il aurait engagé des poursuites à l’encontre du père afin qu’il rembourse. Cette proposition n’a malheureusement pas été appliquée faute de consensus au sein de la commission. Aujourd’hui, cette idée est remise sur la table, mais faute d’informations, nous n’en connaissons pas le contenu», a-t-elle déploré, ajoutant que si les différents acteurs de lutte pour les droits des femmes ne sont pas associés au projet, il risque de ne pas être en adéquation avec la réalité du terrain, et dans quelques années, il devra être modifié pour s’y adapter.
«Il faut que les associations soient sollicitées afin de peaufiner un projet d’envergure. Nous sommes en contact permanent avec les femmes divorcées. Nous connaissons leurs besoins», a-t-elle affirmé.
De la nécessité de responsabiliser les parents
Insistant sur l’importance de consigner dans ce projet l’obligation d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des maris qui ne payent pas les pensions alimentaires, elle a relevé que si le projet était dépourvu de ce mécanisme contraignant, l’Etat qui se substituerait au père risquerait de provoquer et d’encourager une déresponsabilisation parentale.
«Aujourd’hui, nous faisons face à des drames familiaux. Pour de nombreuses raisons, les maris ne peuvent verser de pensions, ce qui crée des conflits autour des enfants puisque c’est à la femme de faire appel à la justice afin d’obtenir gain de cause. En outre, certains pères qui sont dans une logique revancharde et qui jugent que la pension ira à la femme et non pas aux enfants ont instauré une tactique bien rodée. Pour éviter toute poursuite au motif d’abandon familial, ils envoient le mandat à une fausse adresse. Le mandat n’arrive pas et la banque les appelle afin de récupérer leur argent. La femme se retrouve de nouveau dans l’engrenage de la justice, elle perd du temps et la relation parentale en est affectée. L’enfant peut être l’otage d’un chantage alors que c’est son intérêt qui prime», a-t-elle souligné, ajoutant que bien souvent, le montant fixé par le magistrat est symbolique mais il rappelle au bon souvenir du mari sa parentalité.
Selon elle, à l’heure où la société algérienne enregistre un nombre de divorces en constante augmentation, il est temps de mettre un terme à la discrimination envers les femmes divorcées.
«Pour éviter les confrontations, il serait plus pertinent que lorsque la femme est en possession de preuves démontrant le non-paiement des pensions, la justice saisisse directement le fonds d’aide afin que la femme puisse percevoir son dû et en parallèle, c’est la justice qui engagerait des poursuites à l’encontre des maris. Il ne faudrait plus que ce soit la femme qui le poursuive de la sorte, entre les deux, une relation moins ombrageuse s’instaurerait», a-t-elle préconisé.
Pour sa part, Mme Nadia Aït Zaï, spécialiste en droit de la famille, a expliqué que le projet était clair et qu’il n’était l’objet d’aucune ambiguïté quant aux poursuites judiciaires.
«Pour le recouvrement de la pension alimentaire, la loi existe. Les époux sont condamnés à payer et si la femme ne recouvre pas son droit, le fonds s’implique. Ce projet, nous l’appelons de nos vœux car il soulage la femme de toutes les procédures judiciaires. Cette aide n’est pas gratuite et elle n’est pas un cadeau pour les maris. Il est évident que le fonds se retournera contre le mari pour récupérer son argent, d’autant qu’il dispose de davantage de facilités pour faire une saisie sur salaire. Pour la femme, c’est le parcours du combattant», a-t-elle relevé, soulignant qu’il est urgent d’instaurer ce projet, d’autant que l’Algérie est le dernier pays du Maghreb à l’appliquer.
S. B