Mouamar Kadhafi, Saddam Hussein, l’ancien président algérien Ahmed Ben Bella, 94 ans, aime fréquenter les dictateurs arabes. S’il confesse volontiers être resté un tiers-mondiste, solidaire des peuples opprimés, ami des indiens d’Amérique, pourfendeur de l’impérialisme américain, ami de Saddam Hussein et de Mouamar Kadhafi, le premier président de l’Algérie indépendante n’est pas moins sensible aux gestes de gratitude. Qu’ils viennent de Kadhafi ou de Saddam, Ahmed Ben Bella n’est pas un homme désintéressé.
Kadhafi, par exemple. Devenu infréquentable et mis au ban par la communauté internationale, le colonel de Tripoli décide en 1988, deux ans après les bombardements américains qui ont failli lui coûter la vie, de créer le Prix international Kadhafi pour les droits de l’homme.
Cette distinction vise à récompenser « une personnalité, un organisme ou à une organisation internationale ayant contribué de façon marquante à rendre un service exceptionnel à l’être humain et ayant accompli de grandes actions pour la défense des droits de l’homme, pour promouvoir la cause de la liberté et soutenir la paix partout dans le monde ».
Le Prix Kadhafi pour les droits de l’homme est dotée d’une enveloppe de 250 000 de dollars. Riche aux as, le potentat peur se permettre une telle générosité. En 1999, ce prix doté d’un million de dollars, a été attribué exceptionnellement aux enfants d’Irak.
Pour financer ce prix à sa gloire, le leader libyen a eu l’ingénieuse idée de monter deux organisations non-gouvernementales. Et quoi de mieux que la Suisse pour domicilier cette ONG.
C’est ainsi qu’en 1989, Kadhafi et ses affidés créent deux organisations, Nord Sud 21 et l’Institut Nord Sud pour le dialogue interculturel toutes deux basées à Genève.
Nord-Sud 21 est installée au 17, rue Ferdinand-Hodler alors que l’Institut Nord Sud est lui sis à place du Cirque 2, toujours à Genève. Les deux organisations sont présidées par …l’ex-président algérien Ahmed Ben Bella tandis que la vice-présidence est assurée par Jean Ziegler, journaliste, écrivain et homme politique suisse.
Objet social de Nord Sud 21 : « organisation de colloques et séminaires ainsi que toute autre activité scientifique; publication et diffusion relative à cette activité. »
Dotée d’un budget de 10 millions de dollars versés bien sûr par le régime du colonel Kadhafi, Nord Sud 21 est chargée de décerner chaque année le Prix Kadhadi pour les droits de l’homme.Peu importe si le colonel qui arrivé au pouvoir en 1969 par un coup d’Etat est un ennemi de la démocratie et des droits de l’homme.
C’est ainsi qu’en 1989, le prix a été décerné à Nelson Mandela, alors militant de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, avant de devenir président.
Bien qu’il soit statutairement président des deux organisations dont l’une finance cette distinction, Ahmed Ben Bella a été récipiendaire du Prix international Kadhafi pour les droits de l’homme en 1995, ex-æquo avec l’ex-président portugais De Costa Gomez.
Alors que la fondation continue de décerner chaque année le prix Kadhafi, elle a fait l’objet d’une décision « de dissolution pour faillite » prononcée le 19 janvier 2004 par le tribunal de première instance de Genève. Neuf mois plus tard, la décision a été annulée par le même tribunal.
Chaque année, Ahmed Ben Bella et son équipe sélectionnent un lauréat, lui décerne un chèque de 250 000 dollars et contribuent ainsi à soigner l’image du despote de Tripoli à travers les cinq continents.
Le dernier lauréat en date est le turc Erdogan. Les 4 et 5 octobre 2010, la fondation se réunit donc à Genève sous la présidence d’Ahmed Ben Bella pour décerner le Prix International Kadhafi au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Pourquoi lui?
Ce dernier a été choisi « pour son soutien à la cause du peuple palestinien, son combat en faveur des pauvres et pour ses efforts pour la promotion du respect des droits des peuples et de leur culture ».
Est-ce la fin du Prix International Kadhafi pour les droits de l’homme ? Parfait timing ou hasard de calendrier, l’association Nord Sud pour le dialogue interculturel est dissoute le 3 février 2011 par décision de l’assemblée générale. Son président Ahmed Ben Bella, liquidateur, continue toutefois de signer individuellement.
La décision de dissolution intervient 14 jours avant le début de l’insurrection en Libye.
Auparavant, Ahmed Ben Bella, premier président algérien arrivé au pouvoir sur les chars de l’armée des frontières, aura bien profité de la générosité dispendieuse de son ami Moumar Kadhafi. Celle-ci était telle que Ben Bella a eu droit à un timbre libyen à son effigie.
