L’année 2011 aura été marquée par le printemps le plus long dans l’histoire du monde arabe. Des révolutions qui ont débuté, à partir de janvier en Tunisie et se poursuivent jusqu’à présent en Syrie et, à un degré moindre, en Égypte et au Yémen.
L’Algérie, qui avait choisi de faire le dos rond à ce vent de révoltes qui soufflait sur le monde arabe, a fini par admettre, à demi-mot, que ce qui se passe dans son voisinage immédiat allait inéluctablement la toucher.
Mais les dirigeants algériens, conscients du poids du traumatisme né de la décennie rouge, ont pris le pari fou de faire des omelettes sans casser des œufs, faire un changement dans la continuité, comme l’aime si bien le FLN, aller doucement vers une ouverture à doses homéopathiques et surtout agiter les spectres de l’intervention étrangère et la certitude que le printemps profitera, inévitablement, aux islamistes. Le décor étant planté, et après avoir surmonté les émeutes du début de l’année, réduites à de simples manifestations du sucre et de l’huile, le pouvoir a cassé sa tirelire pour acheter la paix sociale accordant des augmentations salariales tous azimuts et distribuant des logements à tour de bras.
L’opposition politique, n’étant pas assez enracinée dans la société, a vainement tenté de surfer sur la vague révolutionnaire, elle a fini par rendre un service inespéré au pouvoir en décrédibilisant toute action partisane pacifique. Mais le pouvoir a fini par reconnaître, à demi-mot, que le changement était inévitable, pour sa survie, mais aussi pour répondre à la pression internationale qui commençait à se faire sentir et qui s’est exprimée de façon directe dans le conflit libyen.
En avril dernier, le président Bouteflika annonce son plan de sortie de crise. Dans un discours à la nation, passé au journal télévisé de 20 heures, pour marquer la gravité du moment, le chef de l’État annonce une batterie de mesures, à commencer par la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992, la révision de la loi électorale, de celle des associations, celle sur l’information ainsi que celle sur les partis, mais surtout l’ouverture de consultations avec la classe politique et la société civile pour engager des réformes politiques, tout comme il annoncera son intention de réviser la Constitution.
La commission, présidée par Abdelkader Bensalah, le président du Sénat, a joué le rôle de soupape par laquelle se sont exprimées toutes les voix sauf celles qui ont décliné l’invitation. Une fois les réformes déposées au Parlement, les maigres avancées ont été remises en cause par les partis de l’Alliance présidentielle, à leur tête le FLN qui a bien rempli son rôle de gardien du temple.
Ne voulant payer, encore une fois comme en Octobre 88, la facture du changement, l’ex-parti unique fera de la résistance et réussira à faire avorter certaines dispositions, telles que celles relatives au quota des femmes dans les assemblées élues, ou encore la démission des ministres candidats aux élections législatives.
Et, au moment où une partie de la classe politique pensait que le président Bouteflika allait procéder à une seconde lecture des réformes, ce dernier intervient, à quelques jours d’intervalle, à deux reprises, devant la communauté estudiantine, puis devant les magistrats, pour signifier qu’il était satisfait de ses réformes et qu’une fois le nouveau Parlement élu, il proposera une révision constitutionnelle dont les contours restent encore inconnus.
Mais, pour la première fois, depuis le déclenchement du Printemps arabe, le chef de l’État reconnaît ouvertement que c’est sous l’effet de ce printemps que l’Algérie tente de se remettre en cause et de parfaire son processus démocratique. Pour le président Bouteflika, les révoltes arabes sont dictées par l’étranger. Pire encore, selon lui, elles ont conduit à une prise de pouvoir par les islamistes. Pour lui, ce scénario a été déjà vécu par l’Algérie au début des années 1990 et elle n’est pas prête à le revivre.
L’ouverture du champ audiovisuel devrait se faire, mais ce n’est pas demain que l’on verra des chaînes généralistes, comme on en reçoit par milliers via les satellites. L’agrément de nouveaux partis commencera cette semaine, mais ce n’est pas pour autant que l’expression politique soit totalement libérée. Il suffit de constater que, depuis la levée de l’état d’urgence, les manifestations publiques restent interdites et la capitale est maintenue en état d’urgence de fait, puisqu’aucune marche n’y est autorisée.
Les journalistes ne sont plus passibles de prison pour leurs écrits, mais des oukases pèsent sur l’exercice de leur profession. Le mouvement associatif dispose d’une nouvelle loi plus restrictive. Le tout englobé dans une démarche officielle prônant l’ouverture, beaucoup plus destinée à rassurer les partenaires étrangers. La recette algérienne pourra-t-elle résister aux vents du changement ? Premiers éléments de réponse au printemps prochain, à l’occasion des législatives.