L’absence physique du chef de l’État, depuis sa reconduction à la magistrature suprême en avril 2014, pose, en effet, prioritairement la question de l’exercice véritable du pouvoir et, corrélativement, suscite l’interrogation autour de sa légitimité.
La révision de la Constitution, promise profonde dans le sillage de la trituration qui fit sauter le verrou qui empêchait le président Bouteflika de briguer un troisième mandat d’affilée, et présentée, trois ans plus tard, soit le 15 avril 2011, comme la plus déterminante des réformes politiques à entreprendre, intègre-t-elle toujours les priorités nationales ? Aujourd’hui plus que jamais, la question mérite d’être soulevée.
Le projet, qui pouvait valoir un intérêt il y a sept ans, se trouve bousculé, voire déclassé par des préoccupations politiques et des impératifs économiques plus cruciaux.
D’ailleurs, érodé à force de retards sur les délais initiaux, il a fini par ne plus susciter l’enthousiasme de la classe politique. Les partis de l’opposition qui, dès l’approche de l’élection présidentielle d’avril 2014, ont entrepris d’évoluer sur un vecteur rassembleur, ne souhaitent d’ailleurs pas cette révision dans les conditions de gouvernance actuelles. L’Instance de concertation et de suivi de l’opposition (Icso), la convergence la plus aboutie de l’opposition politique, ne série au demeurant pas la révision de la Constitution parmi ses revendications phares. Pour elle, il n’est point rentable pour la société que la loi fondamentale soit amendée par un régime préoccupé uniquement par sa survie et sa pérennité. L’absence physique du chef de l’État, depuis sa reconduction à la magistrature suprême en avril 2014, pose, en effet, prioritairement la question de l’exercice véritable du pouvoir et, corrélativement, suscite l’interrogation autour de sa légitimité. L’opposition politique réclame, préalablement à la révision de la Constitution, de régler la question de la légitimité du pouvoir, à travers une élection présidentielle anticipée, laquelle sera organisée et supervisée non pas par le ministère de l’Intérieur, mais par une commission nationale indépendante.
On ne peut plus valablement poser les termes de cette équation politique engageante pour l’avenir du pays. D’autant qu’il apparaît, au regard du recueil des éléments relatifs aux amendements constitutionnels, que la révision dont il est question tend à faire perdurer le statu quo. Car, même le retour à la limitation des mandats ne saurait être présenté comme un amendement phare, tant est que, tout au plus, il consacre une replongée dans une situation qui a prévalu entre 1996 et 2008. D’ailleurs, il faudra encore poser la question de savoir le pourquoi de la mise entre parenthèses entre 2008 et 2015 du principe de l’alternance au pouvoir. Cela même s’il faut admettre que le chef de l’État avait agi non pas dans l’intérêt de la nation, mais par goût immodéré du pouvoir. Sinon pourquoi revenir au principe de l’alternance, après avoir joui de sa suppression l’intervalle de quatre mandats de suite.
Quel exposé des motifs faire valoir pour expliquer un tel amendement ? Ceux qui ont applaudi à l’amendement de l’article 74 de la Constitution en 2008 devront avaler la contradiction lorsqu’ils auront à plaider le retour à sa version telle que définie dans la Constitution de 1996. Plus fondamentalement d’ailleurs, la révision de la Constitution se présente comme un acte politique en déphasage criant avec les priorités que les contingences politiques et économiques ont sériées. L’opinion, dans sa majorité, n’en fait pas une préoccupation.