Un otage de la base attaquée témoigne,«Les terroristes avaient des accents tunisien, libyen et égyptien»

Un otage de la base attaquée témoigne,«Les terroristes avaient des accents tunisien, libyen et égyptien»

Un employé du complexe de traitement du gaz naturel revient sur l’attaque terroriste qui a ciblé, hier à l’aube, Tiguentourine. Notre témoin, qui a souhaité garder l’anonymat, était alors à la base-vie de l’unité du consortium British Petroleum, Statoil et Sonatrach.

«Il devait être 5h 40 lorsque des individus armés ont fait irruption dans la base-vie.

Ils sont entrés dans les chambres, nous ont fait sortir puis nous ont regroupés dans la cour située entre le restaurant et le salon VIP. C’était effroyable car nous entendions des tirs nourris d’armes automatiques. Dès leur entrée, les terroristes avaient coupé l’électricité, la base était plongée dans le noir», explique notre source. Une fois les travailleurs rassemblés, les hommes armés ont commencé à former des groupes. «Ils ont séparé les Algériens des étrangers.

En échangeant des propos avec eux, nous avons constaté que ces terroristes avaient des accents tunisien, libyen et égyptien. J’ai entendu l’un d’eux prononcer le nom de Belmokhtar. Il a même évoqué une liste de revendications qui serait transmise aux autorités algériennes.» L’opération de «tri» par nationalités s’est poursuivie durant une bonne partie de la matinée. Les tirs se sont arrêtés vers 10 h. Selon notre témoin, le groupe terroriste avait parfaitement planifié son action. «Ils ont lancé plusieurs attaques. La première visait l’unité de traitement qui se situe à 5 kilomètres de la base-vie. L’opération s’est produite au moment de la relève des équipes, soit vers 5h 40. Le bus qui transporte les ingénieurs et techniciens étrangers a été braqué par un premier groupe armé.

Les gendarmes chargés de l’escorte ont riposté et il semblerait qu’il y ait eu des victimes à ce moment-là. Au même moment, d’autres éléments armés ont utilisé une voiture bélier, un tout-terrain renforcé de plaques d’acier, pour défoncer le portail de l’usine. Nos collègues nous ont expliqué que les terroristes plaçaient des engins explosifs au fur et à mesure qu’ils prenaient possession des lieux.

D’autres groupes ont également attaqué les bases-vie de sociétés sous-traitantes situées à proximité de la nôtre. Ils ont pris en otage des ressortissants étrangers, notamment des Japonais.» En fin de matinée, les terroristes chargés de prendre la base-vie du consortium ont décidé de libérer quelques otages, mais uniquement des Algériens. «Ils nous ont précisé qu’ils n’avaient rien contre les travailleurs algériens, qu’ils étaient surtout intéressés par les ressortissants étrangers. Ils nous ont permis de partir, par groupes de vingt personnes. Je faisais partie de la troisième vague», souligne-t-il.

Une fois sortis du périmètre de la base, les ex-otages ont été pris en charge par les forces de l’ordre. «Il y avait des militaires et des gendarmes. Les renforts armés commençaient à prendre position autour de la zone Tiguentourine. Nous avons été parfaitement pris en charge par les forces de l’ordre. Mais leur objectif principal était de vérifier l’identité de toutes les personnes libérées car elles semblaient redouter une tentative d’infiltration terroriste.

La procédure a duré assez longtemps. Puis nous avons été transférés vers l’aéroport d’In Aménas pour être évacués vers Alger.» Notre témoin reconnaît faire partie des quelques privilégiés à avoir pu quitter Tiguentourine. «Nous avons appris que les terroristes avaient décidé de ne plus libérer d’Algériens. Il est donc difficile de dire combien de personnes sont encore otages car plusieurs sites ont été attaqués simultanément. A mon avis, les ravisseurs doivent encore détenir au moins 500 travailleurs algériens et près d’une centaine d’expatriés.»

T. H.